Extraits

« — Qu’est-ce que tu fais ici ? ai-je demandé.

Son sourcil légèrement arqué a attiré mon regard sur ses yeux, couleur d’orage.

— Qu’est-ce que tu crois ? C’est plein de filles en Bikini.

J’ai essayé de ne pas montrer la réaction, dépitée, que cette réponse m’inspirait.

— Je veux dire, qu’est-ce que tu fais, ici, avec moi ?

Nous grimpions les marches pour sortir du bassin et, tandis que l’eau glissait sur ma peau, j’ai senti mon maillot se resserrer et… que Hunt n’était plus à mes côtés. Je me suis retournée.

Planté au milieu de l’escalier, il suivait le ruissellement le long de mon corps. Il a secoué la tête, mais au lieu de détourner le regard, comme il l’avait fait la première fois dans le bar des ruines, il m’a détaillée jusqu’aux pieds, avant de remonter lentement. Il s’est arrêté un instant sur mes seins, qui ont durci, à cause de ça ou du froid, puis il est revenu à mon visage.

La voix rauque et tendue, il m’a demandé :

— C’était quoi, la question ? »

Jenny a jeté un coup d’oeil derrière moi.

— Qui est-ce que tu fuis, d’abord ? Oh…

— Oh ? Oh quoi ?

Son sourire m’a fait un drôle de coup dans l’estomac. Elle s’est tournée vers les garçons et leur a demandé :

— Vous pouvez nous laisser une seconde ?

[...]

Elle a attendu d’être assez loin pour me demander :

— La personne que tu fuis serait-elle, par hasard, un splendide spécimen de l’humanité, aux cheveux très courts et aux muscles divins, auquel des civilisations anciennes auraient probablement voué un culte ?

J’ai avalé ma salive.

— Tu es devin, maintenant ?

— Non, ma belle, j’ai des yeux.

[...]

— Il me regarde ?

— Il te savoure.

On est perdus.

— Non… Attends.

Il a étudié le plan, sous une dizaine d’angles différents, avant de soupirer.

— D’accord, on est peut-être un peu perdus.

— C’est ça, ta conception de l’aventure ? Je croyais que les militaires avaient le sens de l’orientation.

— J’ai la solution.

Son plan à la main, il s’est approché de moi jusqu’à sentir probablement la sueur qui dégoulinait dans mon dos. J’aurais dû m’en inquiéter, mais quand j’ai redressé la tête pour croiser son regard, son sourire a déclenché un ouragan auquel mes réflexions n’ont pas résisté. Il s’est alors penché vers moi, et, tandis que mon coeur bondissait, il a, sans dire un mot, tendu le bras et jeté le plan dans la poubelle juste à côté.

Puis il n’a plus bougé et, à quelques centimètres de mon visage, il a dit :

— Plus de plan, plus de problème.

— Et maintenant, capitaine ?

Il a sorti le plan de voyage que l’employé d’Heidelberg lui avait imprimé et s’est mis à feuilleter les innombrables pages des innombrables tableaux, informations et horaires qu’il contenait.

Il s’est arrêté sur ce qu’il cherchait avec un « oh », que j’ai trouvé suspect.

— Oh ? Ça veut dire quoi « oh » ?

— On a un peu plus de temps pour ce changement, c’est tout.

— Un peu plus de temps, ça veut dire combien ?

Il s’est frotté distraitement la mâchoire et, avec un sourire hésitant, il a lâché :

— Cinq heures ?

— J’ai le cerveau trop ralenti pour te dire tout de suite de quelle façon je vais te tuer, mais laisse-moi cinq minutes, et je vais trouver.

— Kelsey…

— Des requins. Je vais te lacérer à coups de cutter et je vais te jeter aux requins.

Nous sommes passés devant une femme et un homme qui, tranquillement allongés sur un rocher, prenaient le soleil en tenue d'Eve et d'Adam.

- Pas la peine de me poser la question, m'a prévenue Hunt en les regardant brièvement. C'est non.

- Allez...Ne me fais pas croire que tu as des complexes. Je t'assure que tu n'as aucune raison d'en avoir.

- Je parlais surtout de toi. Mais je ne risque pas de me déshabiller non plus.

- De moi ? Es-tu en train de me dire ce que j'ai le droit de faire ?

Je me suis écartée pour passer ma robe au-dessus de ma tête. Son regard m'a ratissée de la tête aux pieds, et il m'a prise par la taille.

- Pas question de te partager.

« Les seuls gens qui comptent pour moi sont les fous, ceux qui sont fous de vivre, fous de parler, fous à lier, désirant tout à la fois, ceux que l’ennui ou la banalité n’atteint pas, mais qui brûlent, brûlent, brûlent et explosent, semblables aux fabuleuses chandelles romaines étirant leurs filaments dorés au milieu des étoiles. »

- C'est compliqué. En fait, je ne sais plus trop où c'est, chez moi.

- Chez soi, c'est là où on est heureux.

- Et si c'est un endroit où on ne peut plus retourner?

Nous avons bifurqué dans une ruelle qui débouchait sur un parc. Les arbres et les grandes étendues de pelouse m'ont apaisée.

- Alors tu dois t'en trouver un autre, un endroit où tu seras heureuse, où tu te sentiras chez toi. La vie est faite de mouvement, Kelsey. Les gens bougent, construisent de nouveaux rêves, se font de nouveaux amis tout le temps. Chez soi, ça peut être n'importe où, du moment qu'on s'y sent bien. Un jour, tu te poses, comme ça. C'est évident, comme la pesanteur.

Je cherchais une place, ou un endroit auquel m'accrocher, quand le métro a démarré. J'allais m'écrouler sur mon voisin au moment où j'ai senti Hunt me rattraper et me tirer vers lui.

- Accroche-toi, princesse.

Je me suis accrochée à sa taille et servie de lui pour me stabiliser.

- Je parlais de la barre, m'a-t-il dit à l'oreille, mais ça marche comme ça aussi.

- Elle est trop haute, ai-je répliqué.

Je n'en savais rien, mais je n'avais aucune envie de vérifier. Je préférais me tenir à lui.

- On va à la maison ?

Il m'a encore embrassée, avec la même application, et le même feu nous a aussitôt parcourus. il m'a souri et répondu :

- Je crois bien que j'y suis déjà.

J'ai commencé à gémir.J'avais des spasmes ,comme si j'allais encore vomir,mais ça n'avait aucun sens.Je n'avais presque rien bu!

Il m'a attrapé le menton pour lever mon visage vers le sien.Nos regards se sont croisés,le sien passant de la curiosité à la confusion puis à l'inquiétude en moins d'une seconde.

Kelsey ?Tu parlais de tes joues.Qu'est-ce qu'elles ont ?

-Pas les sentir.

-Tu ne les sens pas ?

Je ne sentais rien. Rien du tout .