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Sur le quai de la gare, avançait un trio superbement vêtu. Une jeune femme en manteau violet, encadrée par deux hommes de haute taille portant de longs pardessus noirs. L'attention de Catherine fut attirée par celui qui se trouvait à la gauche de la femme. Sa démarche était intéressante. Pour un oeil non avisé, elle pouvait paraître aussi naturelle que celle de ses deux compagnons. Mais Catherine avait passé sa vie à étudier les mouvements des muscles, et elle fut certaine qu'il cherchait à dissimuler une infirmité de sa jambe gauche. La raideur de son dos et de ses bras trahissait en effort constant pour ne pas favoriser ce membre par une claudication, même infime.
Il s'adressa à la jeune femme. Mue par une étrange curiosité, Catherine écouta, faisant abstraction du brouhaha produit par le ronflement des moteurs, la pluie qui tambourinait sur les toits, le bourdonnement de la foule. L'homme était tourné vers les deux autres. Le bord de son chapeau et le col relevé de son manteau cachaient son profil.
- Vous ne devez pas croire tout ce que dit Marland, Annabelle, fit-il. Mon séjour dans le sous-continent indien s'est déroulé sans le moindre incident. Le seul souci que j'ai eu, ce fut d'éviter des ennuis à un ami qui était tombé amoureux de l'épouse de son supérieur.
Catherine frissonna en percevant le timbre grave de cette voix, comme sous la caresse d'un fantôme. Non, elle se faisait des idées. Il était mort. Son corps n'était plus qu'un tas d'os blanchis et desséchés dans le désert de Taklamakan.
Afficher en entierElle ne fit pas un geste. Du moins, il aurait pu jurer qu'elle n'avait pas bougé. Pourtant, une feuille de vigne apparut dans ses mains, qu'elle fit tournoyer entre ses doigts. Il était encore tôt dans la saison, et la vigne n'était pas alourdie par les grappes. Leighton aurait dû se lever et tendre le bras pour arracher une feuille. Mais elle l'avait fait sans paraître bouger de son siège.
L'avertissement était plus puissant que si elle avait agité la dague sous son nez. Cela signifiait qu'elle pouvait lui trancher la gorge avant qu'il ait compris ce qui lui arrivait.
Il sourit, très impressionné.
- Tu me permets donc de te tenir compagnie ?
Maintenant qu'elle lui avait fait comprendre qu'elle pouvait lui ôter la vie d'un simple mouvement du petit doigt, elle daigna sourire aussi.
- Oui, tu peux venir.
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