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— Tu frappes comme une fillette, Arthur ! se moqua Ké en pivotant sur lui-même pour contrer le bâton du jeune forgeron avec le sien.

Un exercice dans lequel il était passé maître depuis quelques mois. Depuis que l’excès de cervoise avait rendu son père violent et qu’il avait dû se défendre.

— Prie, alors, pour n’en connaître aucune qui te ridiculise ainsi, rétorqua Arthur en s’accroupissant brusquement pour faucher son ami à hauteur de mollets.

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— Sais-tu que, l’espace d’un instant, je t’ai prise pour une gwrac’h ? gloussa la novice en tirant sur le tissu pour l’aider.

« Bienveillante », disait Vivian pour la décrire. Amalia l’était toujours. Mais cela ne fit que ranimer le sentiment de frustration de Morgan. De frustration et d’injustice.

Au lieu de la remercier, elle se moqua :

— Eh bien ne le répète à personne ! Ou je ne serai pas la seule à me demander pourquoi c’est ta bêtise que l’on va consacrer ce soir.

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« —Qu’ai-je fait cette fois ? claqua comme un coup de tonnerre la voix de Morgan tandis que se rabattait sur elle la tenture de cuir de la hutte de Vivian.

La grande prêtresse suspendit son geste au-dessus du petit mortier de marbre vert dans lequel elle achevait de broyer du gui. Elle posa sur Morgan ce regard de tendresse mâtinée de tristesse que la jouvencelle exécrait par-dessus tout.

D’aussi loin que remontaient ses souvenirs, le gris d’ardoise de ces prunelles l’avait bercée d’autant d’affection et de patience que de jugement et de désespérance.

Elle en avait assez.

Elle planta ses poings sur ses hanches et se dressa devant la grande prêtresse, ne laissant entre elles que cette table de granit chaleureusement délignée par le rai de soleil traversant l’une des fenêtres de branchages.

Un soupir souleva la maigre poitrine de Vivian.

— Faut-il que nous en reparlions ?

Morgan croisa les bras sur sa bure de lin blanc, le front ceint d’une ride contrariée.

Elle venait d’avoir treize ans et, à l’approche des fêtes rituelles de Beltaine qui marquaient le renouveau du printemps, elle s’attendait fermement à recevoir sa consécration. Or elle venait d’apprendre qu’une autre, plus jeune et moins douée qu’elle dans la pratique de la magie comme dans l’exercice du savoir druidique, avait été désignée par les prêtresses du conseil des Sages pour accéder au dernier niveau de leur formation.

Une autre qui s’ajoutait à la liste de celles qui, ces trois dernières années, avaient été choisies à sa place et, à son sens, sans réelle justification.

— Tu n’es pas prête, Morgan, lui affirma Vivian devant son air buté.

De la colère embrasa l’œil couleur de mousse de Morgan. Avec ses lèvres pulpeuses et naturellement carminées, la pâleur presque surnaturelle de son teint, la blondeur d’épi de ses cheveux bouclés, ses cils interminables et ses sourcils épais bien que parfaitement dessinés, tout en elle dégageait la puissance de cette minéralité habillée de lichens, de forêt et de brume que l’île d’Aval exhalait. »

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