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J’ai rencontré un homme qui échoue. Un homme qui, se regardant dans le miroir le matin, ne se reconnaît plus. Un homme qui évite de se pencher sur son histoire, car la douleur serait trop vive.
T’aurais-je aimé si je t’avais connu avant la guerre ? Aurais-je aimé l’homme solide, l’homme fort ? Celui qui voulait être riche et qui se promenait dans Homs, le torse bombé, les mains dans les poches de sa veste bleue ? Aurais-je ne serait-ce que tourné les yeux sur le patron d’un café, fier, et peut-être même un peu arrogant ?
J’ai rencontré un homme qui jadis savait tout faire. Un homme efficace, énergique et performant. Chaque chose avait une place, chaque chose avait un sens. Malgré l’oppression. Et puis tout s’est voilé d’un seul coup. Il n’est plus le patron, c’est sous les ordres d’un autre qu’il travaille désormais.
Ses ambitions ne portent plus sur la vaste étendue des possibles mais sur le petit terrain infertile d’un destin déchu.
J’ai rencontré un homme que rien n’arrête.
A genoux. Le dos courbé. Le front cabossé.
Dans la nuit, il bute, il trébuche, à tâtons, les bras tendus.
Un homme gouverné par un optimisme aveugle.
Afficher en entierJadis, tu voulais gagner de l’argent, devenir riche, être influent. Tu as œuvré dans ce but. Tu voulais le succès. Tu savais où le trouver. Le succès qui naît de la faculté de convaincre les autres, de les séduire et de les entraîner dans tes projets. C’est ainsi que tu as prospéré.
Mais ton café n’existe plus. Ses murs de pierre volcanique, ses cascades de jasmins, sa fontaine et ses soixante-dix chaises : des ruines dans le centre de Homs.
Parfois tu dis : « Que peut-on espérer de celui qui a tout perdu ? Hier j’avais construit quelque chose. Aujourd’hui, je n’ai plus rien. Que peut-on espérer de celui qui été réduit à un mendiant ? »
Tu sais qu’à l’étranger tu ne reconstruiras jamais quelque chose d’aussi ambitieux. Non par manque de volonté mais par manque de mots. Les mots pour comprendre, les mots pour convaincre et pour séduire.
Ta langue maternelle est devenue barrière. Depuis ton arrivée en Turquie, elle suscite méfiance et parfois même hostilité. Elle te dépossède. Il fau que tu las remplaces par une langue que tu maîtriseras jamais assez pour pouvoir conquérir. Aujourd’hui le turc, demain le grec, peut-être le suédois. Une langue qui ne sera pas une force mais une faiblesse. Pas un recours mais un écueil, un outil défaillant, une traîtresse.
« Que peut-on espérer de celui qui a tout perdu, y compris les mots ? »
Afficher en entierTu dis souvent : « Je ne suis plus l’homme que j’étais avant la guerre. »
Tu dis aussi : « Avant, j’étais insouciant, je ne savais pas ce qui est important. J’ai changé. »
Jadis, tu voulais gagner de l’argent, devenir riche, être influent. Tu as œuvré dans ce but. Tu voulais le succès. Tu savais où le trouver. Le succès qui naît de la faculté de convaincre les autres, de les séduire et de les entraîner dans tes projets. C’est ainsi que tu as prospéré.
Mais ton café n’existe plus. Ses murs de pierre volcanique, ses cascades de jasmins, sa fontaine et ses soixante-dix chaises : des ruines dans le centre de Homs.
Parfois tu dis : « Que peut-on espérer de celui qui a tout perdu ? Hier j’avais construit quelque chose. Aujourd’hui, je n’ai plus rien. Que peut-on espérer de celui qui été réduit à un mendiant ? »
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