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Extrait ajouté par ilovelire 2016-05-16T18:24:40+02:00

J’essaie toujours de m’adapter à l’âge et au sexe de l’enfant, de prévoir un aménagement qui va lui plaire, d’après les informations dont je dispose. S’il arrive avec beaucoup d’objets personnels, j’enlève de la chambre ce dont il ne veut pas pour y mettre ses affaires. C’est très important qu’un enfant soit entouré de ses propres objets : cela l’aide à prendre ses repères et à se sentir en sécurité.

Comme j’avais effectué plusieurs accueils durant les deux derniers mois, la décoration de la chambre avait souvent changé, et les murs étaient mouchetés de petits trous d’épingles qui avaient servi à afficher divers posters et photos. Je les avais masqués d’une rapide couche de peinture – accessoire indispensable dans notre métier.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-05-16T18:24:22+02:00

Le lendemain matin, 11 heures venaient de sonner quand Jill m’appela. Mon ventre se noua. J’avais eu la nuit pour repenser à tout ce que l’on m’avait dit de Reece, et malgré des années d’expérience, je me sentais nerveuse. Et si son comportement était vraiment si terrible et que je n’arrivais pas à l’aider ? Peut-être, pour la première fois, allais-je être mise en échec ? Je repoussai cette pensée.

— Un assistant social va vous amener Reece vers 13 h 30, m’expliqua Jill. Il s’appelle Imran. J’espère pouvoir arriver chez vous vers 13 heures.

Elle faisait toujours son possible pour être présente lors de l’arrivée d’un enfant, en partie pour vérifier que tous les papiers étaient dûment remplis, mais aussi pour m’apporter son soutien moral.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-05-16T18:24:06+02:00

— Je connais bien la famille de Reece, commença-t-elle. J’ai été leur assistante sociale pendant un moment. Cet enfant a été placé en même temps que sa demi-sœur, Susie, qui a dix ans. On n’a pas pu les laisser ensemble parce qu’aucun assistant familial ne disposait de deux chambres libres. Susie et Reece n’ont pas le même père, mais ce sont les plus proches de la fratrie. Les quatre autres enfants sont plus âgés et ont tous été placés il y a plusieurs années. L’aînée, Sharon, a dix-huit ans. Reece a été exposé à beaucoup de violence chez lui, et à Dieu sait quoi d’autre… Son père, Scott, a séjourné en prison pour agression, entre autres. Là, il s’est lié à des amis peu recommandables qui viennent régulièrement chez eux. Il y a au moins un pédophile.

— D’accord, répondis-je lentement, pas du tout ravie de ce que j’entendais.

— Quand je les suivais, j’ai constaté une hygiène déplorable dans la famille, continua Karen. Susie et Reece étaient très sales, ils sentaient l’urine. La mère est très criarde et agressive, et tout le monde vocifère pour se faire entendre, dans cette famille. Reece passe le plus clair de son temps devant la télévision. La dernière fois que j’y suis allée, Susie et lui regardaient un film d’horreur interdit aux mineurs. Et pourtant, ce n’était pas une visite surprise ! La mère ne voyait pas ce qu’il y avait de mal à cela et a refusé d’éteindre la télé. Ce garçon est bien bâti pour son âge, mais il a un retard de développement. Il a un niveau préscolaire dans bien des domaines. Et puis, il mord. Sa mère l’a surnommé Sharky il y a quelques années, et ça lui est resté.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-05-16T18:23:54+02:00

— La première famille avait beaucoup d’expérience, mais le fils de la maison a le même âge que Reece, et ça n’a pas collé entre eux. Reece l’a frappé avec une épée en plastique et il a fallu lui poser des points de suture. La deuxième assistante familiale n’avait pas d’expérience : c’était son premier placement et elle n’a pas su gérer. Je pense que le garçon a dû s’en prendre aux meubles, parce qu’elle nous a adressé une note de frais pour un canapé et une table basse. Reece a ensuite été confié à une autre femme, celle dont la mère est tombée malade. Il est actuellement chez un couple, Carol et Tim. Ils ont de l’expérience, mais Carol travaille à temps partiel. Et, comme le petit ne va pas à l’école, ça complique la situation, pour elle et pour sa famille.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-05-16T18:23:40+02:00

Quand Jodie, la petite fille dont j’ai raconté l’histoire dans Violentée1, était venue vivre chez nous, trois ans auparavant, elle avait établi une sorte de record du nombre de familles d’accueil : nous étions la cinquième en quatre mois. Les enfants traumatisés par des maltraitances sont soit terriblement renfermés, soit, ce qui est le plus fréquent, en colère, méfiants, violents et agressifs. Ils se déchaînent sur tout et tout le monde : c’est leur manière de projeter leur souffrance sur un monde cruel qu’ils ne comprennent pas. Non seulement cette attitude est difficile à gérer pour un assistant familial, mais elle est bouleversante à vivre. Sur le plan émotionnel, c’est une expérience éprouvante pour tous les membres de la famille d’accueil. Les assistants familiaux veulent s’occuper au mieux des enfants qu’on leur confie et espèrent contribuer à une amélioration de leur comportement, tout en préservant aussi leur propre famille. Parfois, si l’enfant échappe à tout contrôle, la situation devient impossible et l’assistant familial doit admettre qu’il ne peut pas assumer son rôle : on appelle cela une rupture de placement. Tout est mis en place pour éviter d’en arriver là, mais parfois, il n’existe pas d’autre issue et l’enfant est confié à un nouvel assistant familial.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-05-16T18:23:24+02:00

On me confia ensuite un petit garçon de six ans, Sam, pour une semaine. Ce n’était pas un accueil temporaire mais une urgence : sa mère, célibataire et sans famille proche, devait être hospitalisée pour accoucher d’un deuxième enfant. Après le départ de Sam, je repeignis la salle de bains et me consacrai à mes courses de Noël. Je savais qu’on ne me demanderait pas d’accueillir un autre enfant avant Noël, sauf urgence : à cette période, les assistants familiaux sont en pleins préparatifs de fêtes de fin d’année et ne prennent donc pas de vacances. J’allai chercher Adrian à l’université, et nous commençâmes tous les quatre à décorer la maison.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-05-16T18:23:17+02:00

Quand Kriss revint chercher Daisy à la fin de ses vacances, elle ne fut pas surprise de constater qu’elle n’était pas chez nous. Elle vint récupérer la valise de sa protégée avant de se rendre chez les parents du petit ami. Elle m’expliqua qu’elle s’occupait de Daisy depuis deux ans. Comme celle-ci était « un peu épuisante », Kriss s’accordait régulièrement des pauses. Elle me remercia pour tout et me pria d’excuser le comportement de Daisy, ce qui, lui assurai-je, n’était pas nécessaire. Elle ajouta que la jeune fille passait souvent le week-end chez les parents de son petit ami, et qu’après de nombreuses discussions et réunions avec l’assistante sociale on avait jugé que c’était sans doute le meilleur compromis possible : au moins, elle avait un toit et se trouvait en sécurité. Puisqu’elle dormait avec son petit ami, avec lequel elle avait sans doute des relations sexuelles précoces – et illégales –, on lui avait prescrit la pilule. Avec les adolescents, il est parfois nécessaire de revoir ses exigences à la baisse ; il vaut mieux trouver un compromis pragmatique et qui fonctionne, avec leur coopération, plutôt que d’essayer d’imposer des objectifs irréalistes qui ne seront jamais atteints.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-05-16T18:23:11+02:00

Daisy finit par en sortir à 23 heures, et je n’étais pas d’excellente humeur. Certes, elle n’allait rester que deux semaines, mais il fallait néanmoins fixer des règles de base, tout en faisant en sorte qu’elle se sente la bienvenue. Je lui préparai quelque chose à boire – elle voulait un chocolat chaud – et, alors que Lucy et Paula prenaient le relais dans la salle de bains, je m’assis avec elle dans la cuisine. Je lui expliquai qu’à la différence de la maison de Kriss, où elles n’étaient que deux, nous étions quatre dans cette maison et que chacune avait besoin d’utiliser la salle de bains. De plus, une veille d’école, je voulais qu’elle soit couchée à 21 h 30, lumières éteintes à 22 heures, car il fallait quitter la maison à 7 h 30 pour prendre le bus. Daisy se régala du chocolat chaud – elle l’engloutit d’une seule traite et en demanda un second – mais beaucoup moins de mes remarques.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-05-16T18:22:42+02:00

— Alors, il reste chez vous, cette fois ? beugla-t-elle. Vaudrait mieux. Y en a marre qu’on l’trimballe tout l’temps comme ça. Lamentable. Quelle bande de nazes !

— Oui, il reste chez moi, répondis-je à Tracey pour la rassurer.

Reece me tirait le bras en sifflant à tue-tête.

— Calme-toi, mon garçon, lui dis-je.

— Écoute c’qu’on t’dit ! hurla Tracey en lui donnant une nouvelle tape sur la tête.

C’est ainsi que je fis la connaissance de Tracey, la mère de Reece.

Certains détails, y compris des noms, des lieux et des dates, ont été changés afin de protéger les enfants dont il est question dans ce récit.

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Extrait ajouté par Shiguree 2012-07-27T20:04:34+02:00

1

Une pause

À la fin du mois d’octobre, nous avions eu le cœur serré en disant au revoir à Tayo, le dernier enfant placé chez nous. Nous avions noué de tels liens d’affection avec lui qu’il nous avait paru préférable de ne pas accepter tout de suite un nouveau placement de longue durée, mais d’opter pour un accueil temporaire.

L’accueil temporaire, dans notre jargon, consiste à prendre le relais d’un assistant familial qui a besoin d’une pause. L’enjeu émotionnel et les problèmes ne sont pas les mêmes que lors d’un placement de court ou de long terme : quand le ou les enfants arrivent, ils sont propres et bien nourris et disposent de tout ce dont ils auront besoin pendant leur séjour. Ils savent aussi qu’ils retourneront dans leur famille d’accueil après cette pause. Certains assistants familiaux ne font que de l’accueil temporaire, les enfants défilant chez eux les uns après les autres. Ils s’en occupent exactement comme ils s’occuperaient d’enfants placés pour un séjour plus long, mais ces moments sont vécus par tous comme de petites vacances, et les assistants savent qu’ils ne peuvent pas trop s’impliquer. C’est pourquoi l’accueil temporaire est réputé plus « facile ». Pour ma part, je suis toujours heureuse d’offrir un accueil de ce type quand la maison est disponible, mais je préfère l’engagement personnel de placements plus longs, et la satisfaction de savoir que j’ai un peu aidé un enfant, je l’espère, à avancer sur le chemin d’une vie difficile.

Après le départ de Tayo, nous nous accordâmes une semaine de vacances. J’en profitai pour effectuer un grand ménage dans sa chambre, et cela permit aussi à toute la famille – Adrian, Paula et Lucy – de se faire à l’idée que Tayo nous avait quittés. Bien que son départ se fût passé dans les meilleures circonstances, une forme de tristesse lui succédait. Il laissait un vide qu’il faudrait du temps pour combler, et qui ne disparaîtrait sans doute qu’avec l’arrivée d’un nouvel enfant. C’est d’ailleurs pourquoi certains assistants familiaux préfèrent enchaîner les placements sans aucune transition.

Le premier enfant que l’on nous confia pour un accueil temporaire, début novembre, fut Jemma, une petite fille de cinq ans placée depuis six mois. Elle resta chez nous une semaine. Jemma, qui souffrait d’un retard de développement, avait les besoins d’un enfant de trois ans. Paula et Lucy, mes filles de seize et dix-huit ans, aimaient beaucoup s’occuper d’elle, y passant quasiment leurs soirées une fois rentrées du lycée et de l’université. Mais je savais que Paula avait un long exposé à préparer et, ne voyant guère ses recherches avancer, je me dis qu’il n’était pas plus mal que Jemma ne reste pas chez nous plus longtemps. Et même si elle prit plaisir à jouer avec mes filles pendant toute une semaine, elle se montra ravie de retourner dans sa famille d’accueil après cette pause.

Trois jours après le départ de Jemma, on me demanda d’accueillir Daisy pour deux semaines. Elle avait quinze ans. En temps normal, je ne m’occupe pas d’adolescents – j’en ai assez de trois à la maison ! Et l’équilibre familial est censé être mieux préservé si le ou les enfants placés n’ont pas le même âge que le ou les enfants de la maison : il y a moins de risques de jalousie ou de rivalité pour obtenir l’attention de l’adulte. Toutefois, il ne s’agissait que de deux semaines, et Daisy avait la réputation d’être « un peu épuisante », aussi ne serait-il pas facile de lui trouver une autre famille d’accueil. Et puis, Daisy allait à l’école et n’avait pas les mêmes besoins qu’un petit enfant : je me dis que j’aurais donc le temps de repeindre la salle de bains avant de commencer à penser à Noël.

L’assistante familiale de Daisy, Kriss, devait la déposer chez moi à 18 heures, mais elles arrivèrent à 21 h 30 : l’adolescente n’était rentrée qu’une demi-heure plus tôt. Kriss, très stressée, ne cessait de s’excuser pour ce retard. Je la rassurai, affirmant qu’elles ne nous dérangeaient pas et que je m’occuperais bien de Daisy. Dans notre métier, flexibilité et adaptabilité sont essentielles ! Daisy était une jolie fille, mince, aux longs cheveux blonds. Je compris tout de suite qu’elle n’avait aucune envie de venir chez moi. Jill, ma coordinatrice de l’organisme de placement, m’avait expliqué que Kriss partait deux semaines en Espagne avec une amie. Elle avait proposé à Daisy de l’accompagner, mais celle-ci avait refusé : elle ne voulait pas quitter son petit ami.

— Je vois pas pourquoi je peux pas rester à la maison, marmonna Daisy tandis que Kriss tentait de lui faire une bise.

— Tu le sais très bien, chérie… Tu n’as que quinze ans, répondit cette dernière, encore plus stressée. Allez, embrasse-moi, il faut que j’y aille. Mon avion décolle dans trois heures. Puis, se tournant vers moi :

— Je ne sais pas comment j’aurais réagi si elle était rentrée encore plus tard !

Je répétai à Kriss que tout irait bien et qu’elle pouvait y aller.

— Au revoir, chérie, lança-t-elle à Daisy.

— Salut, répondit celle-ci d’un air renfrogné, sans même la regarder et refusant de l’embrasser.

— Au revoir, profitez bien de vos vacances ! dis-je à Kriss qui s’éloignait déjà.

En refermant la porte, je me demandai si Daisy était rentrée en retard dans le seul but d’empêcher son assistante familiale de partir en vacances.

— Tu es un peu jeune pour rester toute seule à la maison, lui expliquai-je en souriant. En tout cas, nous sommes très contentes de t’accueillir.

— Ah oui ? répondit-elle, dubitative – mais pas autant que moi, car elle avait vraiment l’air renfrogné.

— Oui, vraiment ! confirmai-je d’un ton enjoué. Mes filles aiment beaucoup rencontrer d’autres adolescentes.

J’appelai Lucy et Paula, qui étaient dans leur chambre, pour faire les présentations. Avec cet air embarrassé typique des adolescents, les filles s’adressèrent un timide sourire, les yeux baissés, et se contentèrent d’un petit « salut ».

— Il faut que je me lave les cheveux, déclara Daisy.

— D’accord, chérie. Mais on va d’abord monter tes affaires.

Je l’aidai à hisser son énorme valise jusqu’à ce qui allait être sa chambre, à l’étage. Puis je lui montrai la salle de bains et m’assurai qu’il ne lui manquait rien. Lucy et Paula retournèrent dans leur chambre et se préparèrent à se coucher ; la veille d’une journée de cours, le couvre-feu est fixé à 22 heures.

Une heure plus tard, Daisy était toujours dans la salle de bains, et mes petits coups sur la porte (« Tout va bien, Daisy ? ») se faisaient plus insistants : « Daisy, dépêche-toi, s’il te plaît ! On a toutes besoin de la salle de bains ! » Heureusement, pensai-je, qu’Adrian était à l’université, parce que, depuis quelque temps, il passait plus de temps dans la salle de bains que nous toutes réunies.

Daisy finit par en sortir à 23 heures, et je n’étais pas d’excellente humeur. Certes, elle n’allait rester que deux semaines, mais il fallait néanmoins fixer des règles de base, tout en faisant en sorte qu’elle se sente la bienvenue. Je lui préparai quelque chose à boire – elle voulait un chocolat chaud – et, alors que Lucy et Paula prenaient le relais dans la salle de bains, je m’assis avec elle dans la cuisine. Je lui expliquai qu’à la différence de la maison de Kriss, où elles n’étaient que deux, nous étions quatre dans cette maison et que chacune avait besoin d’utiliser la salle de bains. De plus, une veille d’école, je voulais qu’elle soit couchée à 21 h 30, lumières éteintes à 22 heures, car il fallait quitter la maison à 7 h 30 pour prendre le bus. Daisy se régala du chocolat chaud – elle l’engloutit d’une seule traite et en demanda un second – mais beaucoup moins de mes remarques.

— OK, dit-elle d’un air boudeur.

Une manière bien adolescente de dire : « J’ai entendu mais je ne suis pas d’accord. »

— Excellent ! m’exclamai-je, toujours optimiste. Je sais qu’il va falloir t’adapter un peu, mais je suis sûre que tout ira bien. Tu n’en as que pour deux semaines, et après tu retourneras chez Kriss.

— Ouais, OK, répéta-t-elle.

Je lui préparai un autre chocolat chaud, qu’elle engloutit encore d’une seule traite. Puis je l’accompagnai jusqu’à sa chambre et lui demandai d’éteindre tout de suite ; on attendrait le lendemain matin pour défaire sa valise.

Au bout du compte, cette valise ne fut jamais défaite. Le lendemain matin, je vérifiai que la nouvelle venue avait un ticket de bus et de l’argent pour déjeuner, et qu’elle avait à peu près correctement mis son uniforme. Puis je lui adressai un signe sur le pas de la porte en lançant :

— À tout à l’heure !

Mais je ne la revis pas. Elle ne rentra pas de l’école. Son absence m’inquiéta, mais moins que s’il s’était agi d’un autre enfant : Jill m’avait en effet prévenue que Daisy disparaissait souvent et qu’on la retrouvait en général chez son petit ami. Toutefois, je devais respecter la procédure à suivre dans le cas où un enfant ne rentrait pas à l’heure dite, aussi appelai-je l’agence de placement à 17 heures pour signaler son retard. Jill décida de lui accorder une heure, me demandant de la rappeler à 18 heures si elle n’était toujours pas rentrée, ce que je fis. Entre-temps, Jill avait contacté l’assistante sociale de Daisy, qui souhaitait que je prévienne la police, même si l’adolescente s’éclipsait en général chez son petit ami. Pendant que Lucy et Paula préparaient le dîner, j’appelai donc le commissariat local et entamai la longue procédure de signalement de « personne disparue », tout en me disant que je faisais perdre du temps à la police. Et je n’avais pas tort.

Cinq minutes après que j’eus raccroché, Jill m’appela pour me dire que Daisy était chez les parents de son petit ami et en avait informé par téléphone son assistante sociale. Celle-ci avait donné son accord pour qu’elle y reste. Au ton de Jill, je compris qu’elle désapprouvait, mais ce n’était pas à elle d’en décider. Je ne connaissais pas assez la situation de Daisy pour avoir une opinion, mais j’étais déçue qu’elle refuse de rester chez nous et regrettais d’avoir fait perdre du temps à la police.

Deux jours plus tard, Daisy fit une apparition pour prendre quelques vêtements. Elle accepta un chocolat chaud mais ne voulut pas discuter. Le surlendemain, elle revint encore prendre quelques vêtements et un bain. Apparemment, la douche ne fonctionnait pas chez les parents de son petit ami.

— Kriss revient dans une semaine, lui glissai-je entre la salle de bains et ce qui aurait dû être sa chambre. Ce serait vraiment bien que tu restes avec nous jusque-là.

Elle haussa les épaules, puis me demanda un sèche-cheveux et un chocolat chaud, que je lui préparai dans l’espoir de la convaincre de rester. En vain. Elle avait sans doute décidé dès le début de s’en aller. La semaine suivante, elle revint encore deux fois, en coup de vent, prendre des vêtements, un bain et, bien sûr, un chocolat chaud.

Tous les jours, je notais les allées et venues de Daisy et en informai régulièrement Jill par téléphone. Je dois agir ainsi avec tous les enfants dont je m’occupe. Jill, qui avertissait à son tour l’assistante sociale, se montrait inquiète pour la jeune fille. Elle et moi devions accepter que les services sociaux, à tort ou à raison, ne s’émeuvent pas qu’une adolescente vive chez les parents de son petit ami. J’étais frustrée de ne pas avoir réussi à exercer correctement mon métier et à m’occuper d’elle.

Quand Kriss revint chercher Daisy à la fin de ses vacances, elle ne fut pas surprise de constater qu’elle n’était pas chez nous. Elle vint récupérer la valise de sa protégée avant de se rendre chez les parents du petit ami. Elle m’expliqua qu’elle s’occupait de Daisy depuis deux ans. Comme celle-ci était « un peu épuisante », Kriss s’accordait régulièrement des pauses. Elle me remercia pour tout et me pria d’excuser le comportement de Daisy, ce qui, lui assurai-je, n’était pas nécessaire. Elle ajouta que la jeune fille passait souvent le week-end chez les parents de son petit ami, et qu’après de nombreuses discussions et réunions avec l’assistante sociale on avait jugé que c’était sans doute le meilleur compromis possible : au moins, elle avait un toit et se trouvait en sécurité. Puisqu’elle dormait avec son petit ami, avec lequel elle avait sans doute des relations sexuelles précoces – et illégales –, on lui avait prescrit la pilule. Avec les adolescents, il est parfois nécessaire de revoir ses exigences à la baisse ; il vaut mieux trouver un compromis pragmatique et qui fonctionne, avec leur coopération, plutôt que d’essayer d’imposer des objectifs irréalistes qui ne seront jamais atteints.

En aidant Kriss à charger la valise dans sa voiture, je réalisai que je n’avais même pas eu l’occasion de dire au revoir à Daisy. Ce fut à ce moment qu’elle apparut soudain, au coin de la rue, main dans la main avec son petit copain. En reconnaissant son assistante familiale, elle lâcha la main du jeune homme et se précipita dans ses bras, vraiment ravie.

— Tu m’as manqué ! cria-t-elle.

— Toi aussi, répondit Kriss. Je souris et demandai à Daisy comment elle allait.

— Bien, répondit-elle.

— Ouais, bien, confirma son petit ami.

Kriss me lança un sourire stoïque et ouvrit la portière arrière pour les laisser monter. Je restai un moment sur la route pour les regarder partir, adressant de grands signes à l’adolescente qui ne m’avait pas laissé m’occuper d’elle.

On me confia ensuite un petit garçon de six ans, Sam, pour une semaine. Ce n’était pas un accueil temporaire mais une urgence : sa mère, célibataire et sans famille proche, devait être hospitalisée pour accoucher d’un deuxième enfant. Après le départ de Sam, je repeignis la salle de bains et me consacrai à mes courses de Noël. Je savais qu’on ne me demanderait pas d’accueillir un autre enfant avant Noël, sauf urgence : à cette période, les assistants familiaux sont en pleins préparatifs de fêtes de fin d’année et ne prennent donc pas de vacances. J’allai chercher Adrian à l’université, et nous commençâmes tous les quatre à décorer la maison.

Le 22 décembre, trois jours avant Noël, Jill me téléphona, et ce n’était pas pour me souhaiter de bonnes fêtes !

— Cathy, on a eu une demande pour un garçon de sept ans. Il s’appelle Reece, il a été placé il y a un peu plus d’un mois, mais ça ne se passe pas bien. On a réussi à convaincre le couple chez qui il se trouve depuis une semaine de le garder jusqu’à Noël, moyennant une sortie du tunnel assurée. Est-ce que vous pouvez le prendre pour le Nouvel An ?

Oh, oh ! me dis-je. Une semaine, et il faut déjà trouver une solution !

— Merci, Jill, répondis-je. Joyeux Noël à vous aussi !

Elle éclata de rire.

— Je suis sûre qu’il n’est pas aussi terrible qu’ils le disent. Sans doute un peu excité. Je vous rappelle dès que j’ai plus de détails et une date précise.

— OK. Passez de bonnes fêtes.

— Merci, vous aussi !

Je n’étais pas sûre d’avoir besoin de plus de détails. « Ça ne se passe pas bien » et « une sortie du tunnel assurée » suffisaient à exprimer que Reece était une terreur.

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