Commentaire de Olgaorlovski

Que dire de ce roman, j'aimerais résumer en une citation : "qu'importe la place prise par les ténèbres, ne cesse jamais de chercher la lumière et de croire".

Amateur de Dark fantasy allez-y, âmes sensibles s'abstenir. Moi qui suis novice du genre, je ne conseille pas de commencer par celui-ci pour découvrir le genre car il nécessite un lecteur aguerri à la complexité du monde, des personnages et à la noirceur...oui oui c'est vraiment horrifique.

Chez Crin de Chimère, ils aiment bien torturer notre cerveau, celui-ci n'y fait pas exception.

Commençons cette revue à présent que vous êtes prévenu.

L'univers de l'auteur est complexe, tout à fait original et l'intrigue du roman se place au cœur d'une lutte entre les divinités de ce monde en péril qui s'affrontent à travers les armes des hommes et d'autres créatures. C'est pour cela qu'il faut être un lecteur aguerri et concentré, si j'avais une suggestion c'est d'introduire une carte des royaumes et des villes dans le prochain opus pour resituer le lecteur, je confonds encore un peu villes, régions et pays. Toutefois, la plume seule de l'auteur et la construction du récit nous permet d'appréhender cette complexité au fur et à mesure de notre lecture, nous découvrons avec les personnages les lieux traversés. Negora n'en est certainement pas à son coup d'essai. L'écriture est riche, le vocabulaire varié et maitrisé, le travail éditorial, une fois de plus mérite d'être salué (oui oui je l'ai déjà dit pour l'impératrice, mais mon commentaire booknode viendra plus tard).

L'intrigue est complexe, mais j'ai pu dégager un fil rouge (de sang naturellement) assez explicite et m'y tenir pour la compréhension de l'œuvre. Nous suivons deux personnages principaux : Nahim, l'humain engagé dans l'armée qui croit pouvoir libérer son pays (Varmithyll) de la guerre et pense lutter contre un ennemi divin et profondément mauvais, il est plein d'espoir et se sent fort au sein de son régiment, il marque son appartenance au groupe en tant que soldat bien que individuellement il soit tenu à l'écart, lui l'étranger à la peau basanée. Oui le personnage de Nahim fait écho à la fois aux légionnaires, aux tirailleurs marocains de la Grande Guerre, et à ces hommes du rang engagés volontaires dont on ne parlera jamais comme des héros de guerre, accordant les victoires aux généraux tels que Antius Lucius.

D'ailleurs, cette guerre semble déclenchée par un événement singulier, la mort d'un roi, mais devient bien vite le terrain de nombreux enjeux.

Au fur et à mesure de son avancé, Nahim prend conscience de l'ampleur des enjeux de cette guerre, on se trompe d'ennemi, on est aveugle au vrai problème et on renforce son pouvoir par la soif de sang et de vanité. Les dirigeants et les protecteurs cachent la vérité, et ne font que retarder l'inévitable. Ce monde qui s'embrase fait écho au notre indéniablement et nous force à ouvrir les yeux comme Nahim et à devoir choisir être devoir et conviction. On chasse et tue le peuple des dirrhus, appelés démons, pour leur différence, car les hommes cherchent toujours à dominer ou détruire ce qui est différent d'eux. Cette purge est une shoah. La nature humaine dans ses plus primaires instincts est mise en exergue dans ce récit de batailles sanglantes, vous connaissez les noces pourpres, c'est pire. J'ai beaucoup aimé la présence subtile de Gaïa, qui incarne la Foi et la vérité et qui va guider Nahim vers la lumière. Celle de Ziadd, le compagnon de route, qui est cohésion, soutient et bouclier, car chaque soldat est le bouclier et l'épée de l'autre dans un tel chaos.

Deuxième personnage de l'histoire : Vetryan, le voldyre, race non humaine dont le pays est terrassé par l'épidémie et qui va trouver refuge en Varmithyll après une guérison miraculeuse accordée par le dieu Raveol. il devient alors serviteur de ce dieu et rejoint la route de semblable, alliés malgré leurs différences dans la guerre contre le dieu Agonast. Plus on plonge dans le passé de Vetryan, plus on entrevoit la noirceur et Negora réussi son coup lorsqu'il nous délivre peu à peu les plus infames secrets liés au frère de Vet, là oui je suis arrivée à ma limite de l'acceptation de la violence Spoiler(cliquez pour révéler)(avec le destin de Laurey aussi, hein...) . L'auteur explore des pistes malsaines, la noirceur de l'humanité, la violence physique et psychologique pour choquer le lecteur et le plonger dans ce chaos. Mais comme Nahim, Vet cherche la lumière, il va de l'avant, il survit et grandit de ses peines, de ses blessures jusqu'à prendre conscience du rôle qu'il pourrait jouer dans cette guerre. Lui aussi est motivé par l'espoir tandis que ses compagnons de route, un par un, tombent sous le joug d'Agonast et basculent dans l'ombre. J'ai énormément été surprise par la révélation sur le Qaeratsi ( aussi un autre personnage comme le cnurath dont il m'a fallu relire quelques paragraphes pour bien comprendre).

Petite réserve quant à la place donnée aux personnages féminins, très peu présentes. Le roman se place au cœur de la guerre, dans un univers très masculin, non matcho toutefois, mais les personnages féminins manquent à l'équilibre. Elles sont des mères ou des esclaves, ça parait réducteur au premier abord, cependant plus j'y réfléchi dans ma rédaction plus je trouve qu'elles se transcendent au fil de l'histoire et que chacune apporte un tournant décisif. Nysmae tente par tous les moyens de protéger son fils du mal et demeure le seul souvenir de lumière de Vetryan. Gaïa révèle les vérités cachées, Laurey : même si on ne peut que la détester dans ses premières apparitions, est le véritable martyr sacrifié pour le salut des hommes. Elle devient une héroïne par la force de sa foi et repousse le mal qui s'est introduit jusque dans ses entrailles.

Il y a un constant jeu d'ombre et de lumière dans les scènes décrites qui fait écho à ma première citation, aucun personnage n'incarne purement ces éléments, ils sont tous mitigés de l'un et l'autre et changent avec les événements. Cet univers est complexe, comme l'intrigue et les personnages qui l'habitent et tout cela en 300pages, accrochez vos viscères !

Je vais peut-être arrêter là ma chronique même s'il me reste de nombreux éléments d'analyse à partager, il me faudrait relire ce livre pour encore y découvrir des choses tant dans l'écriture que les niveaux de lectures que nous pouvons choisir. C'est peut-être prétentieux ou trop enthousiaste, mais je n'avais plus trouvé un tel niveau de complexité dans les romans de fantasy ou autres genre depuis mes lectures commentées de programme de prépa lettres, vous savez, les classiques etc. Enfin Tolkien et Lovecraft n'ont jamais fait partie du programme, mais ça aurait pu et on est clairement sur cette lancée.