Extrait

Un peu plus loin, les pensionnaires du petit cimetière doivent se sentir bien isolés, ainsi abandonnés des vivants. J’espère que ce n’est pas le cas. J’espère que Grand-Père ne se sent pas trop seul sous sa pierre froide aux douces nuances de beige et de gris, assorties aux nuages.

Bon, Nellig, secoue-toi.

La demeure de mes grands-parents se tient au milieu d’une rue qui se termine par un cul-de-sac. Les clôtures en granit et les ardoises des toits forment une palette d’anthracite incroyable sous la pluie. Le vrai gris, celui de la Bretagne, où quelques touches de couleurs se posent de temps en temps : le bleu fané des hortensias, le vert de l’herbe, le rouge des rosiers entourant la maison. Je devine, derrière le verre fumé de la porte d’entrée, celle qui ne sert jamais, les silhouettes des plantes d’intérieur dans le couloir.

Je traverse le chemin de gravier qui mène au garage, et me plante devant. Où se trouve la clef ? Pourquoi n’ai-je pas pensé à la récupérer chez Maman au passage ? Papa m’a dit qu’on l’avait planquée dans un des pots de fleurs crevées qui traînent autour du garage. Bingo. Je la déniche dans le bac posé sur le rebord de la fenêtre.