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Candice fixa la porte d'entrée pour revivre la scène ; l'arrivée fracassante de l'épouse trompée, ivre de rage et de douleur, la confrontation avec la pauvre Jeanne, ses deux bébés apeurés. Des cris, des larmes, des sanglots, un secrétaire brisé, des lettres d'amour arrachées, emportées ; son père avait raison, les murs conservaient l'écho clandestin de tant de choses.
Afficher en entierElle voulait voir, elle devait voir, tout en sachant que c'était interdit. On ne doit pas fouiller dans les affaires d'autrui, chercher, entrouvrir des tiroirs, parcourir des lettres qui ne nous sont pas adressées. Elle se sentait pourtant incapable de combattre cette pulsion, comme lorsque cette dernière l'intimait d'avaler tout ce qui lui tombait sous la main pour se remplir la panse jusqu'à la garde, l'étouffement, afin de combler le vide qui la creusait en permanence, toujours ce même vertige implacable auquel elle se soumettait encore et encore.
Afficher en entierAu fond, Candice ne savait pas grand-chose du mariage de ses parents. Avaient-ils été heureux ? Elle ne s'était jamais posé la question. Elle le pensait, sincèrement ; de l'extérieur, leur union semblait solide, harmonieuse, mais que sait-on vraiment de la vie des gens qui nous sont proches ? songea-t-elle en prenant le métro vers République.
Afficher en entierCertains écrivains semblaient plus doués que d’autres ; elle savait combien lire à voix haute était un exercice périlleux. Parfois, elle ne rentrait pas dans l’histoire, elle écoutait une voix, corrigeait un mot mal prononcé, avalé ou inaudible, mais, à d’autres moments, elle était emportée, voire bouleversée par un texte ; elle terminait ses séances en larmes. Ses collègues, Luc et Agathe, se moquaient d’elle, gentiment.
Afficher en entierElle savait que tant de filles, de femmes souffraient comme elle ; elle savait qu’il existait des endroits dédiés pour se faire soigner. Mais elle ne faisait rien, empêchée par la peur, par la honte. Elle se disait toujours qu’elle finirait par s’en sortir, qu’elle reprendrait le dessus. Parfois, oui, elle y parvenait ; c’était un miracle, une sensation merveilleuse, une trêve, puis la saloperie la dominait à nouveau, et Candice était alors réduite à la soumission, telle une esclave. Elle se haïssait, elle méprisait son corps dans le miroir ; le dégoût l’envahissait.
Afficher en entierElle se sentait fière, même si elle savait que cela n’allait pas durer ; un nouveau dérapage surviendrait de plus belle, violent, tyrannique, et elle s’y soumettrait.
Afficher en entierLes mots ne venaient plus ; elle ne parvenait pas à les choisir. Elle se sentait gauche, retenue par la peur d’en faire trop, ou pas assez ; alors, au bout de dix minutes, elle envoya une émoticône, celle d’une rose.
Afficher en entierDécidément, cette femme lui faisait une confiance aveugle, et elle se sentait à la fois confuse et honorée de recevoir cette marque de reconnaissance de la part d’une inconnue.
Afficher en entierLes seuls moments de bonheur, de plaisir, se nichaient dans les bras d’Arthur ; lorsqu’il lui faisait l’amour, elle oubliait tout, la haine qu’elle nourrissait envers son corps, le vide que laissait la mort de son père.
Afficher en entierTout était sa faute, il ne se pardonnait pas ; il était un homme honnête, un type bien, qui n’avait jamais rien fait de mal de sa vie. Maintenant, il avait tout gâché, et elle était infirme.
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