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L’appartement est richement décoré. Une longue table de noyer traverse la pièce principale de toute sa rectitude. Elle est protégée d’une pellicule de plastique qui la nappe et recueillera la sauce et les miettes. Dessus la chère, déjà dressée, attend les invités pour se faire engloutir.
Marc se trouve actuellement dans le grand salon. Il a mis son plus beau costume, un trois-pièces loué pour la soirée. Complet noir, chemise blanche, jeu de contrastes. Il feuillette quelques-uns des papiers qu’il tient en main ainsi qu’une enveloppe remplie et scellée. Autour de lui, les canapés et les fauteuils sont d’occasion et sortis pour l’occasion. Ils pointent tous vers le centre de la pièce, c’est-à-dire lui, debout sur un tapis
épais et confortable.
La sonnette retentit. Marc plie les feuilles en deux et les range dans la poche intérieure de son veston. Il s’observe rapidement dans le reflet d’une babiole, aperçoit l’une de ses mèches de cheveux pendante, la redresse d’un doigt humide et l’accole au reste de la masse. Il se dirige ensuite vers la porte, accompagné de son plus grand sourire.
Chloé. Chloé, quinze ans plus tard mais qui sourit timidement, comme à l’époque. Elle n’a guère grandi mais elle a pris davantage de formes.
Ses joues d’abord, plus arrondies. Ses épaules descendent sur des bras charnus, révélant une poitrine encore plus généreuse qu’à l’époque. De son ventre plutôt plat partent des hanches, prémices de ses amples cuisses. Ses fesses prolongent certainement cette rondeur mais Marc ne les voit pas encore. Il l’accueille d’une embrassade et Chloé rougit. La tête furtivement posée contre l’épaule de Marc, ses sens et sa mémoire semblent se perdre dans ce parfum musqué qu’elle sent.
Elle se souvient…
Afficher en entierJ’avance vers Jérémie. Il y a un mètre entre moi et lui. Ce mètre que j’hésitais à parcourir avant, que j’ai déclaré infranchissable depuis. J’agis à travers mon rôle et l’abolis d’un coup. Je ne dois pas paraître émue. Quelle émotion, d’ailleurs ? Pourtant je suis bien, là, contre lui. Je caresse son corps d’un air assuré. « Charnel. » Tous ces gestes sensuels que je pensais avoir bannis de ma vie. Ce rôle qui ne me ressemble pas me rassure. Je ne risque rien : ce n’est pas moi.
Afficher en entierElle récupère ses vêtements, va pour les mettre, hésite, finalement se contente de les garder dans sa main. Elle retourne à son fauteuil. Auparavant, elle était assise recroquevillée et habillée, elle est désormais nue et à l’aise au milieu du siège, croisant les jambes plus par confort que par pudeur et posant ses bras sur les accoudoirs. Son sourire est mêlé de sa timidité d’avant et de son assurance de maintenant.
Afficher en entierLe sourire de Marc s’agrandit davantage. Autour de la table, les invités ont recommencé à s’animer et les attitudes sont diverses. Certains ont un sourire en coin, quelques- uns semblent profondément choqués, et d’autres, enfin, se contentent de regarder Marc, concentrés et consternés. Nous allons effectuer une improvisation théâtrale qui sera particulière, en effet. En guise de costume, vous n’en porterez pas. Vos objets d’improvisation, vous les avez déjà sur vous. Vous allez créer quelque chose avec vos partenaires et vous mouler à la personnalité que je vais vous imposer.
Afficher en entierChloé, Bérengère, Jérémie, Thomas, Kristina, Djamel, Étienne, Fabienne et Claire. Marc les compte une dernière fois du regard, laisse passer quelques minutes de « tu n’as pas vieilli, tu n’as pas changé, ton appartement est somptueux, Marc », puis annonce qu’il est temps de se mettre à table. Les invités passent des canapés en cuir à ceux au caviar, qui ponctuent une table remplie de victuailles, aïoli, liqueurs, cœurs d’artichaut. Chaud ou froid, salé et sucré, à poêle ou à vapeur, il y en a pour tous les goûts. Une heure s’écoule, en même temps que les bouteilles de champagne, et les premiers plats sont âprement dévorés.
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