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Aucune circonstance ne réveille en nous un étranger dont nous n'aurions rien soupçonné. Vivre, c'est naître lentement. Il serait un peu trop aisé d'emprunter des âmes toutes faites !
Afficher en entierJe n'ai rien à attendre de l'aventure de guerre, sinon cette lente préparation. Elle paiera plus tard, comme la grammaire.
Afficher en entierLa guerre… on ne remonte plus les pendules. On ne ramasse plus les betteraves. On ne répare plus les wagons. Et l'eau, qui était captée pour la soif ou pour le blanchissage des belles dentelles du dimanche des villageoises, se répand en mare devant l'église. Et l'on meurt en été…
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Un village au cours d'une guerre , n'est pas un nœud de traditions. Aux mains de l'ennemi il n'est plus qu'un nid à rats. Tout change de sens. Ainsi tels arbres de trois cents ans, abritaient votre vieille maison de famille. Mais ils gênent le champ de tir d'un lieutenant de vingt-trois ans. Il expédie donc une quinzaine d'hommes anéantir, chez vous l'œuvre du temps. Il consomme, pour une action de dix minutes, trois cents ans de patience et de soleil, trois cents années de religion de la maison, et de fiançailles sous les ombrages du parc.
Afficher en entierIl est aisé de fonder l'ordre d'une société sur la soumission de chacun à des règles fixes. Il est aisé de façonner un homme aveugle qui subisse, sans protester, un maître ou un Coran. Mais la réussite est autrement haute qui consiste, pour délivrer l'homme, à le faire régner sur soi-même.
Afficher en entierJe comprends le sens de l'humilité. Elle n'est pas dénigrement de soi. Elle est le principe même de l'action. Si, dans l'intention de m'absoudre, j'excuse mes malheurs par la fatalité, je me soumets à la fatalité. Si je les excuse par la trahison, je me soumets à la trahison. Mais si je prends la faute en charge, je revendique mon pouvoir d'homme. Je puis agir sur ce dont je suis. Je suis part constituante de la communauté des hommes.
Afficher en entierLe coup de vent qui circulera sur la moissson ressemblera toujours à un coup de vent su rla mer. Mais le coup de vent sur la moisson, s'il nous paraît plus ample encore, c'est qu'il recense, en le déroulant, un patrimoine. Il s'assure de l'avenir. Il est caresse à une épouse, mais pacifique dans une chevelure.
Afficher en entierJ'ai tous les droits car, en cette seconde, je connais bien ce que je fais. J'accepte la mort. Ce n'est pas le risque que j'accepte. Ce n'est pas le combat que j'accepte. C'est la mort. J'ai appris une grande vérité. La guerre, ce n'est pas l'acceptation du risque. Ce n'est pas l'acceptation du combat. C'est, à certaines heures, pour le combattant, l'acceptation pure et simple de la mort.
Afficher en entierLa victoire seule noue. La défaite non seulement divise l'homme d'avec les hommes, mais elle le divise d'avec lui-même. Si les fuyards ne pleurent pas la France qui croule, c'est parce qu'ils sont vaincus. C'est parce que la France est défaite, non autour d'eux, mais en eux-mêmes. Pleurer sur la France serait déjà être vainqueur.
Afficher en entierEt, de même que les villages croulent l'un après l'autre dans l'égout commun, de même ces camions militaires, absorbés par la paix, se convertissent un à un à la paix. Ces poignées d'hommes qui eussent parfaitement accepté la mort - mais il ne se pose point à eux le problème de mourir - acceptent les devoirs qu'ils rencontrent, et réparent ce brancard de vieille carriole, où trois religieuses ont empilé pour Dieu sait quel pélerinage, vers Dieu sait quel refuge de conte de fées, douze petits enfants menacés de mort.
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