Extraits

— J’y vais, annonça Alix après s’être débarrassé de son trench, si tu peux me garder ça.

Acerbe, Roger rétorqua en s’emparant de l’imperméable que lui tendait le maître des lieux :

— Merci de me considérer comme ton porte-manteau, c’est flatteur.

Alix rit, fit quelques pas et… il disparut à la vue de tous.

Quelques siècles auparavant, la littérature avait évoqué les loups-garous et autres métamorphes à travers les scénarios les plus excentriques… L’horreur inspirée au tout début de cette littérature fantastique, avait été supplantée par des intrigues parfois insipides, parfois d’une rare originalité, et qui présentaient souvent les cas de morsures comme tout à fait acceptables… Les ressorts amoureux avaient fait fantasmer nombre de lectrices et lecteurs… Étrange époque !

- Quand nous en avons parlé, tu as utilisé le mot loyauté, pas amitié... Déloyal, mauvais amant et voleur.... L'ardoise s'alourdit.

Oublions ce... paltoquet !

Encore un mot ancien... Dorian ne s'y attarda pas et préféra se blottir.

- Tu ferais bien de te tenir un peu au courant des actualités. Ce type est un musicien pressenti comme le meilleur de sa génération… Violoniste de génie d’après les spécialistes. Ça ne lui était pas monté à la tête, il continuait de donner des cours à des gosses à l’école de musique de l’Opéra.

- Ah…

- Hélicoptère ?

- Plus traditionnel. Quatre roues cette fois. La Bentley…

- Très discrète, cela va sans dire, ironisa son interlocuteur.

Oser prétendre que ses merveilleux ouvrages, pour certains des exemplaires uniques, étaient « moisis » ? Il faisait encore les frais de l’humour acide du médecin.

La silhouette élégante d'Alix émergea de la pénombre d'un couloir. Depuis le haut de l'escalier monumental, le maître des lieux apparut bientôt en pleine lumière, superbe dans une robe de chambre de velours pourpre qui lui conférait une très allure aristocratique.

— Vous en avez mis du temps ! Je vous attendais pour dîner.

— Temps de chien et embouteillage. Il faut traverser la ville pour parvenir à cet endroit et ensuite ces petites routes de campagne ne sont pas des plus directes, je te le rappelle ! C'est l'enfer pour arriver jusqu'ici.

— À cette heure, la circulation est fluide, mauvaise excuse.

— Tu n'avais pas précisé pour le dîner. Qu'y avait-il au menu ?

Lise adressa un clin d'œil à Dorian qui ébahi, suivait l'affrontement. Elle chuchota :

— Chamailleries ! Rien d'inhabituel. Ces deux là s'adorent !

Quand Alix se fixa devant lui, Dorian se rassasia de sa physionomie avenante et du sourire, bouche fermée...

— Bienvenue Dorian. Tu es ici chez toi.

L'accueil chaleureux réconforta l'arrivant et comme par enchantement, la pesanteur qui l'habitait sembla s'évaporer. Il parvint à sourire :

— Merci de me recevoir, Monsieur Sameihada.

— Alix, s'il te plaît, le corrigea aussitôt son hôte. As-tu faim ? Ou envie d'une boisson chaude peut-être ? Cette météo est épouvantable. Je déteste cette fichue humidité.

— Tu pourrais vivre n'importe où ailleurs, glissa Wilhem doucereux, sous les tropiques, là ou le soleil brille...

— Tu sais bien que non, c'est ici le lieu...

Alix s'interrompit. Certaines révélations devraient encore attendre, Dorian aurait tout le temps d'en savoir plus. Le médecin ajouta avec une pointe de fiel :

— Sans oublier que tu n'es pas sensible au changement de température. Rappelle-moi la date de ton dernier rhume !

Piqué au vif, les poings sur les hanches, Alix aboya :

— De quoi je me mêle, petite peste d'humain !

Wilhem lui dédia une magnifique grimace.

— Non, mais franchement, te voir avec le nez qui coule et les yeux larmoyants... Un spectacle de choix !

— Silence, manant !

Lise battit des mains :

— Suffit, vous deux !

Elle entreprit de distraire Dorian qui, les yeux écarquillés, observait les deux protagonistes s'affronter avec une réelle fascination.

— Laissons-les à leurs retrouvailles et filons en cuisine. Un bon bol de chocolat chaud, cela vous tente ?