Extraits

- Vous ne voulez pas les impressionner ?

- Je ne veux pas avoir l'air d'un beauf qui vient passer quelques jours dans un village pauvre et reculé puis lance "Hasta la vista, baby" et s'en va faire un safari de luxe. Ça semblerait en contradiction avec l'idée fondamentale - célébrer un rite de passage de l'enfance à l'âge d'homme."

"Coucou, maman, lancé-je en arrivant près de l'eau, ma voix se répercutant sur les parois carrelées avant d'être absorbée dans les vapeurs de chloramines qui s'élèvent de la surface. Coucou, maman" dis-je de nouveau.

La classe entière se tourne vers moi. "Coucou", répondent toutes les dames présentes dans l'eau.

Ma mère porte un bonnet en latex, du même genre que celui qu'elle portait il y a trente ans - blanc orné de grosses fleurs en caoutchouc épanouies au sommet. S'agirait-il du bonnet de bain qu'elle a depuis toujours ? Elle nage à ma rencontre, et, dans la mesure où elle était alitée il n'y a pas si longtemps, il est perturbant de la voir pousser sur ses jambes, faire glisser ses bras à la surface de l'eau. Elle rallie à la brasse le bord de la piscine et mon regard plonge alors vers un visage étrangement ouvert - auréolé de fleurs en latex - et vers un décolleté profond et tout fripé.

"Tu as grande mine, dis-je. Comment ça va ?

- A merveille", répond-elle.

Un homme au torse bombé nage jusqu'à elle.

"Bonjour, fiston, dit-il.

- Bonjour.

- Content de te voir.

- Moi aussi, dis-je me prêtant au jeu.

- Comment va ta soeur ?

- Bien, dis-je même si je n'ai pas de soeur.

- Je me fais beaucoup de souci pour ta mère, dit-il. Je ne la trouve nulle part." Il parle d'une voix tonitruante, comme un ancien animateur radio.

"Tu ne la trouves pas parce qu'elle nous a quittés, lui rappelle ma mère. Mais maintenant tu m'as moi.

- Vous vous avez ? dis-je.

- Oui, répondent-ils.

- Et papa ?" Je suis troublé, retombant soudain en enfance.

" Ton père est mort depuis des années - j'ai le droit d'avoir une vie, dit ma mère.

- Voulez-vous rejoindre le cours, tous les deux ?" demande le maître-nageur, et ils se retournent et nagent jusqu'à leurs camarades, leurs couches dépassant de leur maillot de bain.