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Commentaire de HundredDreams

Quand tu écouteras cette chanson


« Les hommes sont complices de ce qui les laisse insensibles. »

J'aime beaucoup les musées, ils ont une âme, ils expriment, à travers le temps et l'espace, la mémoire de notre passé.

Lorsque j'ai visité Amsterdam il y a de cela quelques années, je n'ai pas manqué de me rendre dans certains lieux incontournables de la capitale, notamment le musée Van Gogh et le Rijksmuseum. Mais je n'ai jamais été autant bouleversée que par la visite de la maison d'Anne Frank. C'est un lieu de mémoire, mais je me suis sentie gênée, presque honteuse de faire la queue pour visiter cet endroit, comme si je n'avais pas place dans cette histoire.

Cette jeune fille a vécu cachée, pendant vingt-cinq mois, avec sa famille, au deuxième étage d'un immeuble qui ressemble à beaucoup d'autres. C'est dans le silence indispensable de « l'Annexe », une cachette aménagée par son père dans son entreprise, qu'elle va commencer à rédiger un journal, s'inventant une amie imaginaire, Kitty, à qui elle raconte sa vie quotidienne et lui confie ses peurs, ses angoisses.

« Anne n'oeuvrait pas pour la paix. Elle gagnait du temps sur la mort en écrivant sa vie… Son Journal est l'oeuvre d'une jeune fille victime d'un génocide, perpétré dans l'indifférence absolue de tous ceux qui savaient. »

*

Je découvre Lola Lafon avec ce livre intimiste, lequel m'a particulièrement touchée. « Quand tu écouteras cette chanson » assortit admirablement pudeur et respect, authenticité et simplicité, justesse et finesse, délicatesse et sensibilité, partage et transmission.

Vous allez peut-être penser que je suis dithyrambique, trop excessive, mais ce que j'ai ressenti est difficilement exprimable. L'autrice m'a emportée dans son histoire, dans celle d'Anne Frank et de sa famille, et plus généralement dans l'histoire de toutes ces familles victimes de la Shoah.

*

Lola Lafon a choisi de passer la nuit du 18 août 2021 dans « l'Annexe » du Musée Anne Frank, marchant sur les traces d'un passé, celui d'Anne Frank, de sa famille et de leurs amis.

« Cette nuit, je la passerai là où huit personnes, vingt-cinq mois durant, ont dû se plier au silence, en apprendre toutes les nuances, des chuchotements jusqu'aux pas feutrés en passant par l'immobilité totale. »

La solitude et le silence de la nuit accompagnent l'autrice dans ce lieu chargé d'histoire, imprégné d'une atmosphère à la fois feutrée, lourde mais authentique.

C'est avec beaucoup de maîtrise et de finesse que Lola Lafon entrelace passé et présent, le texte d'Anne Frank et le sien. Les mots se fondent ainsi dans la nuit en une narration à deux voix qui se rencontrent et s'entremêlent.

« L'angoisse, écrit-elle le 8 novembre 1943, est une masse sombre qui ne nous pousse ni en bas, ni en haut, mais se tient devant nous, mur impénétrable, qui s'apprête à nous détruire mais ne le peut pas encore. »

*

Ainsi, Lola Lafon raconte cette nuit émotionnellement forte qui va constituer un véritable moment d'introspection. Aux réflexions d'une grande lucidité d'Anne Frank quant à la barbarie des nazis ou au génocide des juifs, vont se superposer celles de l'autrice, sur son identité juive et son histoire familiale tronquée par des vides et des silences.

Des destins de gens ordinaires s'invitent dans cette nuit si particulière, des vies anéanties par les mouvements imperturbables de l'Histoire avec un grand H.

« Un jour, cette horrible guerre se terminera enfin, un jour nous pourrons être de nouveau des êtres humains comme les autres et non pas simplement des juifs, écrit Anne Frank, le 11 avril 1944. »

*

En pénétrant dans les pièces de cette « Annexe », c'est un sentiment de vide et d'absence qui nous enserre. Et de manière très étrange, en même temps, on a l'impression qu'au coeur de ces lieux austères et inhabités, Anna Frank et les siens y « habitent » toujours.

Mais pour les huit personnes qui ont vécu dans l'inconfort de ces minuscules pièces pendant de si longs mois, qu'a représenté cette « Annexe » ? Un refuge ? Une prison ? Un piège ? Un supplice ? Un espoir ?

« On ne peut pas se représenter la lourdeur des heures, l'épaisseur des semaines. Comment imaginer vingt-cinq mois de vie cachés à huit dans ces pièces exiguës ? »

Des mots de l'autrice me reviennent à l'esprit au moment d'écrire ces lignes : courage, combat, vie, mort, confiance, espoir, tristesse, souffrance, extermination.

Mais celui qui revient le plus souvent dans le texte de l'autrice, c'est la peur qui a habité continuellement les pensées d'Anne Frank. Cette peur qui revient sans cesse, laissant une empreinte indélébile sur ce récit : peur d'être entendus, peur d'être dénoncés, arrêtés et séparés, peur de mourir, peur de perdre l'espoir.

« La peur est-elle un envahissement brutal, semblable à un courant d'arrachement, cette force qui entraîne au large contre laquelle on ne peut lutter, ou la peur se dilue-t-elle dans les jours qui passent, et on finit par s'y faire, à la peur ? »

Le journal d'Anne Frank s'achève le 1er août 1944 lorsque les clandestins sont dénoncés anonymement, arrêtés et déportés. Anne Frank meurt du typhus dans le camp de Bergen-Belsen à l'âge de 15 ans. Des huit clandestins, seul, le père d'Anne Frank survivra aux camps de la mort.

Le livre de Lola Lafon s'achève sur le vide laissé par la mort d'une personne qui habite ses pensées. Une autre époque, plus récente, un autre régime politique, mais avec toujours cette folie meurtrière qui pousse les hommes à des génocides.

« I started a joke

Which started the whole world crying

Till I finally died, which started the whole world living

Oh, if I'd only seen that the joke was on me »

Bee Gees (*)

*

C'est dans un style épuré et posé, doux et amer, nostalgique et mélancolique, que l'autrice appelle l'intime pour aborder avec beaucoup de profondeur, les thèmes de la mémoire, des souvenirs, de l'identité, des traumatismes transgénérationnels.

Avec subtilité et pertinence, Lola Lafon va être également amenée à s'interroger sur l'acte d'écrire, sur le sens et le poids des mots, et à évoquer la censure du texte de la jeune autrice à sa parution, un sujet malheureusement d'actualité avec Agatha Christie retitré ou Roald Dahl réécrit ou retouché.

« Peut-être commence-t-on parfois à écrire pour faire suite à ce qu'on a perdu, pour inventer une suite à ce qui n'est plus. Pour dire, comme le petit rond rouge sur un plan, que nous sommes ici, vivants. Si la mémoire s'étiole, les mots, eux, restent intacts, ils sont notre géographie du temps. »

*

Pour conclure, c'est avec honnêteté et délicatesse que Lola Lafon nous transmet un récit poignant et émouvant. Sans jamais supplanter Anne Frank, sans jamais édulcorer les propos de la jeune femme, l'autrice redonne vie au passé, à Anne, à sa soeur Margot et aux six autres personnes recluses, à cette « Annexe » marquée par ces deux années d'enfermement. Je me suis glissée dans les pas de l'autrice, ils m'ont ramenée dans ces pièces sombres et exiguës. A ses côtés, j'ai retrouvé les traces du passage d'Anne Frank.

« Quand tu écouteras cette chanson » est un très beau roman qui perpétue la mémoire, pour que le passé ne s'efface jamais et que personne ne puisse dire un jour que les déportations massives et les camps d'extermination n'ont jamais existé.

« L'amour s'en va comme cette eau courante

L'amour s'en va

Comme la vie est lente

Et comme l'Espérance est violente »

Apollinaire

****

(*) Traduction de la magnifique chanson des Bee Gees

J'ai voulu faire une plaisanterie, qui a mis en pleurs le monde entier,

Mais je n'ai pas compris que c'était de moi qu'on rirait, oh non.

Jusqu'à ce que finalement je meure, ce qui permit au monde entier de vivre

Oh, si seulement j'avais compris que c'était de moi qu'on rirait

****

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