Extraits

Arachné avait raconté à Pandore l’histoire de la sorcière et de la nymphe, et se souvint d’avoir pensé : « Une de plus. »

Méduse transformée en gorgone.

Les compagnes de Perséphone changées en femmes-oiseaux après sa disparition.

Les harpies condamnées à cause de leur violence.

Scylla, le monstre des mers.

Toutes ces femmes que les dieux avaient arrachées à leurs corps, par jalousie, par chagrin, par vengeance, et dont ils craignaient tant la vue qu’ils les cachaient sous les océans ou dans des grottes. Toutes ces femmes avaient un point commun : elles étaient dangereuses. Dangereuses, implacables et en colère.

Si j'avais été un homme, j'aurais été un héros. De ceux dont les poètes chantent les louanges, de ceux dont les histoires noircissent les pages des livres. On aurait vanté ma ténacité, mon ingéniosité et ma résistance. Mais je suis une femme, et tout ce qui aurait fait de moi un héros me rend cruelle, possessive, envieuse à leurs yeux.

Elles échangèrent un regard, et Méduse sut qu’elle avait raison. Pour les autres, elle n’était qu’un monstre sans cœur. Pour les autres, Aphrodite était le cauchemar de toutes les mères et de toutes les épouses. Mais la vérité était ailleurs. Elles le savaient toutes les deux. Et peut-être que c’était suffisant pour l’instant.

Tu sais, c’est drôle, ils ne pensent jamais que, nous aussi, nous pouvons être terrifiantes. Pourtant c’est Nyx et ses nuits sans étoiles que Zeus craint le plus. Ce sont les Moires, qui tissent les liens du destin, qui ont le pouvoir de nous arracher à notre immortalité. C’est Gaïa qui était là la première, avant nous tous.

Ils la disaient victime. Victime de qui ? D’un homme qui l’avait aimée et lui avait offert un endroit à elle ? D’une mère trop protectrice qui la forçait à remonter sur terre une fois par an ? Ou d’un monde qui ne lui laissait aucune place pour être plus d’une chose à la fois ?

La guerre de Troie n'aura été qu'un gâchis, la guerre de deux hommes qui se battaient pour ma propriété comme on se dispute la garde d'une maison, d'une amphore ou d'un bateau.

Ils chantent les louanges des hommes comme Orphée, Thésée ou Héraclès, qui avaient pénétré dans les Enfers et en étaient ressortis vivants. Mais qu'en était-il de Perséphone ? Celle qui non seulement entra dans le monde souterrain, mais en devint aussi la reine ?

« Les souvenirs ne disparaissaient jamais. Ils connaissaient les yeux fermés le chemin vers son cœur et s’installaient sous sa peau. Ils étaient là jour et nuit et l’épiaient en attendant le bon moment pour ressurgir. »

- page 238

Ils se souviennent toujours de ma beauté, jamais de mon courage. Ils se souviennent toujours de la mortelle, jamais de la demi-déesse que je suis. Peut-être qu'aujourd'hui ils n'oublieront plus tout ça.

Car si l'on ne peut jamais blâmer les dieux, on peut toujours blâmer les femmes