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— Tu crois que je la connais pas ta chanson ? Tu vas me chanter le petit couplet du pauvre gars naïf que son copain a plombé parce qu’il baisait d’autres mecs ?
— OUAIS !
Je braille.
— Et alors ? J’ai pas le droit ? Mon histoire à moi, pourquoi elle serait moins merdique ou moins tragique que celle des autres ?! Je vais crever aussi !
Afficher en entier— T’es séropo…, souffle-t-il.
Ce mot si laid rameute son cortège de copains avec lui. Tous ceux que j’arrive à oublier de temps en temps.
La peur me broie les tripes.
— Ça t’étonne ? Je suis une pute, tu as oublié ? C’est que je l’ai bien cherché.
— Et les mecs avec qui tu baises ? Comme cette nuit ? Ils l’ont bien cherché aussi ?
Le noir de ses yeux a absorbé le monde entier. Il agrippe mon poignet avec la même violence que mes cheveux, ce jour-là. Seb me méprise à nouveau, sauf que je ne suis pas capable de bander.
J’ai envie de lui cracher à la gueule. Chacun son tour.
— Parce que tu crois qu’ils ne savent pas ?
Bien sûr que si. Personne n’est aussi naïf. Sauf peut-être Seb.
— T’as envie de les tuer ? Si tu te fous en l’air, c’est ton problème, pas le leur.
— Va te faire enculer !
Je lui arrache mon poignet et agrippe le col de son t-shirt.
— Qu’est-ce que tu crois ? Qu’on veut crever ? On veut vivre ! On veut vivre ! Comme avant. La maladie, c’est pas nous. On veut pas crever. Alors on baise. Ceux qui viennent là-bas, ils savent. Et s’ils ne savent pas encore, c’est qu’ils font semblant, alors ça revient au même.
— T’es qu’un putain d’inconscient. Égoïste de merde !
Il me gifle et ma tête décolle. Mon corps, lui, s’affaisse contre la cloison de la cuisine. Quelque chose s’attarde à la lisière de son regard, sur le point d’engloutir le noir.
Je comprends alors que ce n’est pas la suie de ses yeux qui dévore les couleurs. C’est ce… truc en lui. Ça bouffe tout. Cette chose a tout dévoré.
Le rire me consume, amer. Qu’elle est la teinte de l’amertume déjà ?
Je ferme les yeux.
— Pour eux, c’est comme de jouer à la roulette russe. Moi, j’ai déjà perdu. On m’a déjà volé mon corps.
Afficher en entier« Et putain ce qu’il regrette son égoïsme ! Parce qu’il sait qu’il va la perdre… Mais en vérité, ce n’est pas à lui qu’il pense. C’est à elle. Elle a tout fait, tout donné pour ses mômes. Et pour quoi en retour ? Quelques appels passés avec lassitude, avec mauvaise volonté parfois. Pour des excuses foireuses. Un téléphone qui ne capte pas, un mal de gorge factice, une fatigue à moitié illusoire… »
Afficher en entier« — Dis, Gilbert ? T’as déjà eu envie de pisser ? Non, mais genre, vraiment envie de pisser ? Au point que tu te dis que tu pourrais te lâcher dans ton futal et que ça n’aurait plus d’importance ? Bah, c’est pareil. C’est pas magique, poétique ou ce que tu voudras. Écrire, dessiner, c’est une envie de pisser. Ça gène, ça fait mal, c’est inconfortable, ça t’obsède au point de te rendre taré. Faut que ça sorte. Maintenant. Pas demain. Pas dans trois semaines quand t’auras fait un beau petit planning. Maintenant ! T’as envie de pisser, de cracher, de baiser. Tout ça à la fois. Alors tu pisses, tu craches et tu baises. En couleurs, steuplait. »
Afficher en entier« — Mec, nana, une bouche à pipes reste une bouche à pipes.
Fatalisme ? Cruauté gratuite ? Lucidité ?
— Alors un cul reste un cul. Tu peux avoir le mien.
— Je ne fourre pas ma queue dans les égouts de la ville.
Ça me fait rire. J’aime bien l’image. Si Paris est belle, pourquoi pas ses égouts ? Avec un petit effort, je serais la plus grande catin de ma fière cité. Je ne serais plus un égout, mais des catacombes. Un petit côté mystérieux et décadent. Oui, la décadence me parle. »
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