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Gemma retourna le cliché. En bas, quelques mots tracés à la main indiquaient « Stephan et Mary, Noël 1982 ». Gemma fut prise d'un vertige. Si sa mère avait été enceinte à cette époque, elle avait dû naître début 1983 et non en septembre 1984, comme elle l'avait toujours cru.

Par conséquent, elle n'avait pas dix-huit ans, mais presque vingt.

Le prénom de Stephan l'intriguait également. Elle avait toujours cru que son père s'appelait Jon. Pourquoi tous ces mensonges ?

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Dans le fond de la boîte, il y avait une trentaine de petites opales, qui ne valaient pas plus de dix ou vingt dollars l'une. Gemma commença à les collecter, puis elle se figea. Sous les pierres, elle venait de remarquer un papier jauni. Une photographie, comprit-elle en la prenant entre ses doigts.

Le cliché représentait un couple qu'elle ne connaissait pas.

En croisant le regard bleu acier de l'homme, elle sentit une soudaine émotion lui nouer la gorge. Le jeune géant blond qui la toisait fièrement n'offrait aucune ressemblance avec l'homme chauve et bedonnant qu'elle avait enterré ce matin, mais ses yeux étaient bien ceux de Jon Smith. Des yeux qu'on n'oubliait pas, bleu pâle, durs, froids comme la glace.

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Percevant une entaille sur sa face inférieure, elle la retourna et son regard s'agrandit de stupeur. Une partie de la gangue rocheuse avait été ôtée, révélant l'opale logée à l'intérieur. Tout en faisant jouer la pierre devant ses yeux pour en éprouver le jeu des couleurs, Gemma comprit qu'elle tenait entre ses mains une véritable fortune.

L'opale pesait bien un millier de carats et, sauf erreur de sa part, sa forme était d'une fabuleuse rareté. Cette pierre était une pièce unique, elle en avait la certitude.

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Huit cent dollars, compta Gemma. Cela ne suffirait pas pour payer le trajet jusqu'à Sydney, ainsi que ses frais de séjour en attendant de décrocher un job. De plus, il lui faudrait quelques vêlements neufs.

Malgré elle, Gemma tourna les yeux vers la cache logée dans le mur derrière le lit de son père. Elle connaissait depuis longtemps l'existence de la vieille boîte de fer blanc où Jon Smith cachait ce qu'il avait de précieux, mais jamais elle n'avait osé l'ouvrir.

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Gemma n'avait pas une grande expérience de la vie mais elle n'était pas sotte. Elle avait conscience depuis longtemps que le monde ne se résumait pas à ce qu'elle connaissait à Lightning Ridge. De plus, même si elle n'était qu'une simple fille de ce coin sauvage de l'Australie peuplé de rêveurs et de désaxés, elle avait l'esprit vif et du bon sens à revendre.

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En silence, elles traversèrent la petite bourgade de Lightning Ridge, immobile sous le soleil, et poursuivirent leur route le long de Three Mile Road.

Gemma et Ma vivaient à quelques kilomètres de la ville, non loin du lieu-dit Frog Hollow, un endroit typique de la région du Ridge avec son paysage lunaire qui se déclinait dans toutes les nuances du blanc au gris et son sol déchiqueté par les excavations des mineurs. La beauté du site, ici, on ne s'en souciait guère.

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Blue était le chien de Gemma, un bon gros toutou aux airs de fauve que Jon Smith avait ramené un jour pour l'enchaîner devant le bungalow. Blue était le plus efficace des chiens de garde, y compris envers son nouveau propriétaire. En fait, seule Gemma avait su se faire aimer de l'animal, qui n'avait toujours reconnu qu'elle comme maîtresse, au grand dam de Jon Smith.

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Le pasteur, apparemment, ne souhaitait pas s'attarder lui non plus, remarqua-t-elle, maussade. Il disparut dès qu'il eut fini de prononcer l'homélie, suivi par M. Gunther. A présent, elle était presque seule face à la tombe, dans le crissement sinistre des pelletées de terre s'abattant sur le couvercle de bois.

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Gemma sourit. Ma était la pire conductrice qu'elle eût jamais connue. De son vrai nom Madge Walton, celle-ci était venue à Lightning Ridge une trentaine d'années plus tôt. Elle avait cherché fortune en compagnie de son mari, comme tant d'autres, dans les gisements d'opale de ce coin perdu du centre de l'Australie. A la mort de Bill Walton, Ma s'était installée dans une caravane et, depuis, elle arrondissait sa maigre pension de veuve grâce aux opales qu'elle trouvait et vendait aux touristes.

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Gemma ne versa pas une larme, pas plus que quiconque d'ailleurs. En vérité, ils étaient peu nombreux à s'être déplacés pour l'enterrement de son père. Quatre personnes en tout : le pasteur, M. Gunther, Ma et elle-même. Quant à l'ordonnateur des pompes funèbres, il s'était sauvé à peine le cercueil déposé devant la tombe.

Il faut dire que, en cette matinée de février, il faisait plus de trente degrés à l'ombre. Par une telle canicule, personne ne restait debout en plein soleil à moins d'y être absolument obligé.

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