Ajouter un extrait
Liste des extraits
Tous les habitants d’Ardagh ne partageaient pas les vues des deux religieux. Un grand nombre de ceux qui se rendaient à la messe tous les dimanches et accrochaient de petits bénitiers dans leur entrée détestaient les Bluestone à cause de leur différence. La mère de Danny faisait manifestement partie de cette catégorie.
Afficher en entierLe vieux père Hely, le curé de la paroisse, et sœur Anne, la supérieure du couvent de l’immaculée Mère de Dieu, s’étaient montrés très compréhensifs quand Eliza avait décidé de ne pas obliger sa fille à pratiquer. Elle voulait qu’elle apprenne les traditions catholiques car elle ne voyait que des vertus à la connaissance et à la tolérance. Eliza se passionnait pour toutes les religions, catholicisme, protestantisme, hindouisme, bouddhisme et autres. Pratiquer n’était pas la même chose. Pour Eliza, la vérité ultime résidait dans l’univers qui l’entourait, l’univers qui existait bien avant que les hommes se donnent une religion.
Afficher en entierPeu après, Danny lui avait déclaré qu’il se sentait trop jeune pour s’installer. Les racines de leur érable avaient à peine eu le temps de se déployer. Tous les matins, Star le bichonnait, pleine de joie à l’idée de ce qu’il symbolisait.
Afficher en entierSa mère lui avait conseillé de planter un arbre pour s’en souvenir et Star s’en était étonnée. « Je n’oublierai jamais », avait-elle répondu. En ce temps-là, tout le monde répétait qu’elle était au faîte de sa beauté, aussi resplendissante que les précieuses pivoines d’Eliza. Une bouche aux lèvres pulpeuses, des cheveux d’or qui lui descendaient à la taille… Les femmes de la famille Bluestone naissaient toujours avec une chevelure d’un blond lumineux, quelle que soit la couleur de cheveux de leur père. Star avait secrètement choisi sa robe de mariée avec sa meilleure amie, Trish, et rêvait du bonheur qu’elle connaîtrait avec Danny une fois louée la maison sur la colline. De là, ils verraient la ville et la mer et Danny se rendrait en quelques minutes au garage de son père où il était mécanicien.
Afficher en entierDanu et Bridget, ses deux chattes, s’étirèrent à côté d’elle avec leurs petits bruits habituels du matin. Bridget était une boule de fourrure blanche dont la beauté réclamait de longues séances de brossage. Danu, la plus petite, était une chatte tigrée sauvée de l’abandon et que l’on avait donnée à Star au moment précis où elle en avait besoin. Moppy, la sœur de Bridget, venait de mourir. Star avait compris très tôt que cela fait partie des étrangetés de la vie : elle vous offre ce dont vous avez besoin au moment où vous en avez besoin, et non pas ce qu’on veut quand on le veut. La volonté n’entre pas en ligne de compte. Il y a une grande différence entre « vouloir » et « avoir besoin ».
Afficher en entierStar et sa mère ne pouvaient pas prédire les événements mais leurs connaissances leur permettaient de comprendre les lois de la vie. Les amies de Star qui se lançaient à l’aveuglette dans n’importe quelle aventure s’étonnaient ensuite que l’homme rencontré dans une boîte de nuit ne les rappelle pas. La méchanceté les choquait alors que rien ne surprenait Star.
Afficher en entierCela se passait trente-cinq ans plus tôt. A l’époque, Star parlait déjà à ses fleurs et à ses abeilles chéries dans leurs ruches blanches. Quand elle était petite, ses camarades d’école n’en comprenaient pas la raison mais personne ne se moquait d’elle. Star est différente, disait-on, comme sa mère. Les autres mères ne faisaient pas pousser les fines herbes avec autant de succès. Elles ne savaient pas préparer les tisanes de matricaire et de camomille pour calmer les crampes des femmes et ne passaient pas la nuit à admirer la lune du solstice d’été.
Afficher en entierEn observant ce jeune homme si attachant, Star se rappelait avec émotion que les bons jardiniers font de bons amants. Un homme capable de séparer les jeunes frondes d’une fougère avec la finesse de doigté requise ne traitera pas n’importe comment le corps d’une femme.
Afficher en entierStar Bluestone avait toujours parlé aux abeilles, comme elle parlait aux fleurs, et en particulier à ses pavots jaunes si rares. Elle les avait obtenus à partir de graines ramassées dans un vieux jardin à l’italienne, à cinquante kilomètres de chez elle, dans les collines de Wicklow. Il y avait là-bas un jeune jardinier néo-zélandais avec lequel elle s’entendait bien. Quand il lui faisait visiter le verger, leur conversation prenait toujours un tour passionnant et, s’il touchait une pomme en formation pour la lui montrer, c’était avec la délicatesse d’une caresse.
Afficher en entierC'est effrayant, le nombre de choses pour lesquelles on n'a aucun choix. On se soucie de sa couleur de cheveux, de l'emplacement de son logement et de mille choses sans importance qui nous paraissent vitales, alors que l'on n'a aucune prise sur le temps à passer avec son enfant chérie et son mari.
Afficher en entier