Extraits

Elle avait dépassé l’âge de faire ses débuts dans le monde mais deux ans plus tôt, alors qu’elle venait d’avoir dix-huit ans et qu’on préparait son entrée dans le monde ainsi que le mariage décidé par son père et le comte de Rushford, le père de Lionel, le jeune homme avait été retenu dans le nord de l’Angleterre par la grave maladie d’un oncle. Jennifer avait beaucoup pleuré ce printemps et cet été-là, pas tant sur le report de ses débuts que sur celui de son mariage. Elle avait si rarement croisé lord Kersey... Et voilà que l’année précédente, le désastre avait encore frappé en janvier avec le décès de sa grand-mère. Il n’avait plus été question de saison ni de mariage.

C’était donc à l’âge canonique de vingt ans qu’elle venait à Londres pour la première fois.

La petite blonde rougit. Elle avait une très jolie façon de rougir. Elle incarnait de façon parfaite la beauté anglaise – le genre de beauté qu’un homme rêvait de rencontrer lorsqu’il commençait à penser au mariage. La grande brune ne rougit pas. Sa chevelure, remarqua-t-il, n’était pas châtain foncé comme il l’avait cru tout d’abord. Quand elle releva la tête, le soleil alluma des reflets de feu dans ses cheveux d’un somptueux auburn. Et elle avait de grands yeux noirs. Quant à sa silhouette... Si l’autre jeune fille pouvait donner des envies de mariage même à un célibataire endurci, celle-ci pouvait lui donner de tout autres idées.

Il était parfois difficile de se souvenir qu’on avait vingt ans et qu’on était une femme du monde. Il était parfois difficile de ne pas faire tourner son ombrelle comme une toupie et de ne pas crier sa joie à la terre entière. Demain, elle reverrait Lionel. Demain – peut-être – elle serait officiellement fiancée avec lui.

Demain... Mon Dieu, demain arriverait-il jamais ?

Le vicomte Kersey ne se contentait pas d’être beau et élégant. Il était la perfection même. Il n’y avait aucun trait de son visage, aucune partie de son corps susceptible d’être améliorée. Ce fut ce qui frappa Jennifer en regardant la blondeur argentée de ses cheveux, l’azur profond de ses yeux, la grâce de ses traits et les proportions parfaites de son corps sous les vêtements impec- cablement coupés. Il était un peu plus grand qu’elle, heureusement. L’idée qu’elle pourrait encore grandir et le dépasser l’avait terrifiée, mais le danger était passé maintenant.