Extraits

Yvonne n'avait jamais admis n'être qu'une femme comme les autres. Elle estimait qu'elle se détachait nettement au-dessus du lot, et cela parce qu'elle s'appelait Delalande. Pour elle, il était évident qu'une famille aussi importante ne pouvait vivre comme tout le monde. Elle ne se croyait pas supérieure, elle se savait supérieure. Et quiconque aurait tenté de lui expliquer qu'elle n'avait pas plus d'importance qu'une autre, que le privilège d'être née dans une famille fortunée ne lui donnait pas tous les droits se serait heurté à une incompréhension totale de sa part. L'idée même lui aurait paru inconcevable.

Elle ouvrit la boite, y plongea les mains, en sortit l'objet et le laissa retomber à l'intérieur en poussant un cri. Elle recula comme si elle venait de se brûler, jusqu'à ce que ses jambes heurtent une chaise sur laquelle elle se laissa tomber.

La cuisine s'était mise à tourner autour d'elle et plusieurs secondes s'écoulèrent avant que cette sarabande ne fasse mine de ralentir. Cramponnée à sa chaise comme un naufragé à son radeau, Laura luttait contre l'évanouissement. Lentement, l'impression de se trouver au centre d'un tourbillon régressa. Laura sentait les larmes couler sur ses joues, sans pouvoir les faire cesser ni les essuyer.

Lorsqu'elle fut à peu près certaine qu'elle ne s'évanouirait pas, elle attira le colis à elle et y plongea la main pour en sortir ce qu'elle renfermait. C'était un ours en peluche d'une vingtaine de centimètres.

Le même que celui que sa fille Lucie avait eu avec elle le jour de sa disparition, cinq ans auparavant.