Extraits

Je ne peux pas m'empêcher d'être soulagée de le sentir aussi inquiet et ému que moi. Même si je sens qu'il est sincère, je ne sais toujours pas ce que cette Kate Etheridge est censée faire sans que je me doute de quoi que ce soit... Je suis soulagée de lui avoir dit que je ne pourrai pas en supporter plus et je crois qu'il a compris que j'étais sérieuse. Je décide toutefois de m'en assurer et lève la tête vers lui. Mais quand il baisse les yeux vers moi, ce que je vois me coupe le souffle. Darius, l'imperturbable et impassible Darius Winthrope, a les larmes aux yeux !

D'un seul élan, je me hisse sur la pointe des pieds et pose mes lèvres sur les sienne. Il pousse un soupir et répond à mon baiser. Nos langues s'unissent, d'abord avec une grande douceur, puis avec fièvre. Je me presse contre lui, noue mes bras autour de son cou tandis qu'il me saisit par la taille pour me serrer encore. Après un long moment, à bout de souffle, nous reprenons nos esprits, toujours enlacés dans ce couloir.

Darius me prend alors le visage entre ses deux mains et, me regardant d'une façon qui me fait me sentir comme la plus belle personne au monde, murmure :

– Je te remercie de me faire confiance. Tu ne sais pas à quel point ça compte pour moi.

Je fais mine de lui répondre, mais il me réduit au silence d'un autre baiser, si doux que j'en ai les jambes qui flageolent.

– Grâce à toi, je me réconcilie chaque jour avec mon passé, avec moi-même. Jamais personne n'avait encore réussi à me faire autant de bien.

Sans m'en rendre compte, je me suis mise à crier dans le bar désert. Mireille, imperturbable, continue de nettoyer sa machine à café, sans paraître avoir entendu quoi que ce soit. Les larmes aux yeux, je reprends, plus doucement.

– J'en ai marre d'être tout le temps en train de me demander s'il me cache encore une tragédie ou s'il a déjà été marié, j'en sais rien, moi ! J'en ai marre de ne pas savoir... Tu te rends compte, il a traversé un océan pour cette femme, alors que là, c'est moi qui dois le suivre tout le temps ; et encore, quand il le veut bien !

Je ne pensais pas en dire autant. Épuisée, mais aussi un peu soulagée d'avoir enfin vidé mon sac, je sanglote maintenant franchement.

– J'en ai marre, répété-je plus doucement.

– Je sais, je sais...

Charlotte, tendrement, me prend la main et la serre entre les siennes. Puis elle fouille dans son sac et en sort un paquet de Kleenex qu'elle me tend. J'essuie mes larmes et mouche mon nez. Pendant ce temps, mon amie fait un signe à Mireille, qui m'apporte un verre minuscule, rempli à ras bord d'un liquide ambré.

De plus, il s'y entend très bien pour préserver sa vie privée, j'ai pu m'en rendre compte à de nombreuses reprises. D'ailleurs, avant que Pénélope ne l'appelle pour lui annoncer le décès de sa tante, je venais justement de lui poser une question, à laquelle il n'a jamais répondu.

Pourquoi diable est-il revenu en France après s'être enrichi aux États-Unis ?

J'essaie de me rassurer, en me disant qu'il finira bien par me le dire, mais je ne peux pas m'empêcher de redouter ce que je pourrais apprendre. Qu'est-ce qui pourrait avoir été si important pour qu'il quitte le pays de sa réussite et l'affection chaleureuse de son ami Francesco pour retourner à portée de griffes de sa tante ?

Un instant, j'envisage même de poser la question au restaurateur italien, si bavard à propos du « petit Dario », mais je sais que ce serait trahir la confiance de Darius.

Pourtant, je suis sûre que Francesco en connaît la raison.

Mais le contacter directement est impensable. Darius en serait plus que blessé et il est hors de question pour moi de faire quoi que ce soit qui puisse lui faire du mal.

Pour avoir ma réponse, mieux vaut encore être directe.

Déterminée, je pose la tasse de thé sur mon bureau et ouvre ma messagerie.

À peine vingt-quatre heures plus tard, je suis face à l'océan, derrière une baie vitrée. Encore un peu fatiguée par le décalage horaire, j'admire, émerveillée, les vagues qui viennent mourir sur le sable, juste devant la magnifique villa de Darius.

Nous sommes en Californie, non loin de la ville de Santa Cruz. Darius a fait construire cette maison au bord d'une plage privée. Un ponton de bois part depuis la terrasse et file loin sur l'océan, droit devant moi. Le soleil achève de se coucher et fait rougeoyer l'eau. Le spectacle est sublime.