Extraits

Une fois couchée, je roulai sur le côté et enfuis mon visage dans l’oreiller, honteuse d’avoir craqué devant lui. Ce n’est qu’un robot, bordel ! Je sentis le lit bouger lorsqu’il s’assit près de moi. Il passa ses doigts dans mes cheveux qu’il coiffa de telle sorte qu’il puisse voir mon profil.

— Nous allons trouver une solution Tahia. Ne t’inquiète pas.

Je ne lui réponds pas, craignant que ma voix se brise, et gardai les yeux clos. Il continua à me caresser les cheveux, et sa tendresse finit par calmer mes tourments. Je m’endormis apaisée, le souffle régulier.

Si les androïdes s’habillaient comme nous, les femmes, en fonction des saisons, ce n’était, certes, pas parce qu’ils souffraient du froid ou de la pluie. Non, ils le faisaient pour ne pas déroger à la règle qui voulait que tout à chacun fasse comme tout le monde. Et puis vous imaginez tous ces beaux spécimens se baladant à poils tout le temps sous notre nez ?

Je levai le nez et l’observai du coin de l’œil. Il terminait de réparer une des portes de placard de ma cuisine qui, depuis des années, couinait et ne se refermait plus sur l’angle droit du meuble. J’aurais pu le faire il y a longtemps. À vivre seule, on apprend à faire à peu près tout et n’importe quoi, mais je n’avais pas eu le goût d’entretenir mon taudis de logis. Vivre seule, c’était aussi ne pas pouvoir partager ses souffrances, ses doutes, ses galères. Alors cette porte de placard était comme moi, bancale dans ce monde-ci et cela m’allait parfaitement, du moins jusqu’à ce que T.O. s’invite chez moi, remette de l’ordre, répare ma claudication mentale comme cette foutue porte.

— Trésor, tu as l’air exténuée. Qu’as-tu fait ce week-end ? La fête ? À ton air, j’en doute. T’est-il arrivé quelque désagrément ?

Désagrément, oui c’est cela ! Il fallait forcément être un robot pour utiliser ce terme. Un putain de désagrément, oui ! Sans lui répondre, j’entrai dans la salle de bain et fermai la porte sous son nez.

— Tu as faim, Tahia ? Je t’ai préparé une salade, me dit-il à travers la porte sans se départir de son rôle de gentil super-robot.

Ce qu’il pouvait être agaçant.