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Peu importe. J’ai trouvé ce que je cherchais. J’oriente la lampe vers la feuille que j’ai arrachée au classeur. Je reconnais l’écriture fine de Charlotte et je retrouve sa liste. La liste de ce qu’elle voulait faire avant ses trente ans, quelques vœux jetés sur une feuille de bloc-notes, qui résument à eux seuls la fille dont je suis tombé amoureux il y a plus de dix ans. Le souvenir de cette soirée-là me fait sourire.
Afficher en entierCharlotte tourne dans les bras de mon frère, se laissant porter par la musique comme jamais elle ne l’a fait avec moi. Avec moi, Charlotte a toujours été sur la défensive, prête à parer à mes attaques, doutant de toutes mes propositions. A l’inverse, elle fait totalement confiance à Théo, il la rassure, parvient à décrypter ses réactions. La relation de mon frère avec Charlotte m’a fait découvrir la jalousie. Ce soir, je constate qu’elle est toujours là, amère et acérée.
Afficher en entierLa bretelle de sa robe noire glisse sur son bras ; elle est aussi jolie que dans mon souvenir. Le tissu tombe parfaitement sur sa silhouette, révélant ses jambes fines. Ces dix ans de séparation ne semblent pas avoir eu de prise sur elle. Ses cheveux sont juste plus longs et plus foncés et elle a abandonné sa silhouette d’adolescente pour des courbes féminines et sensuelles. Ses yeux verts pétillent de bonne humeur. Je fourre le collier et sa liste dans la poche de ma veste.
Afficher en entier— Je te trouve plutôt élégant… et vraiment doué pour me faire danser. Personne n’y est jamais parvenu.
— Personne ? répéta-t-il, stupéfait.
— Personne. Pas même ton frère !
Au même instant, Théo me fit à nouveau tourner sur moi-même, et je me retrouvai le dos contre son torse, son bras autour de ma taille.
— Je veux bien une seconde chance, lança l’homme que je découvris devant moi.
— Pour… Pour la… danse ? bégayai-je d’une voix d’outre-tombe.
— La danse, pour commencer.
Afficher en entierLa porte de la salle grinça et le professeur Tate apparut, vêtu de son habituel jean et de sa veste en cuir craquelé. Lui comme moi détonnions dans cette salle : il n’avait rien du cliché du vieux professeur soporifique et bedonnant ; le professeur Tate était volontiers iconoclaste, nous forçant à nous poser des questions sur la légitimité de certaines décisions de justice. Quant à moi, je ne ressemblais pas aux autres étudiantes : j’étais plus âgée et j’avais choisi de suivre ce cours pour combler mes lacunes en droit constitutionnel. Mon diplôme, je l’avais déjà obtenu cinq ans plus tôt. Si j’avais démissionné de mon poste d’assistante juridique dans un cabinet prestigieux, c’était pour passer l’examen du barreau, examen que j’avais loupé de peu lorsque je l’avais passé après mon diplôme.
Afficher en entierComme je l’avais supposé, la salle de cours était presque vide. A peine une vingtaine d’étudiants occupaient les gradins, assis en grappe de trois ou quatre. La plupart riaient et discutaient ensemble. Je remontai jusqu’au cinquième rang de l’amphithéâtre, à l’écart des autres, m’installai sur le banc et ouvris mon bloc-notes. Le professeur Tate n’était pas encore arrivé, me laissant ainsi quelques instants pour relire mes dernières notes de cours. Le droit constitutionnel ne m’avait jamais passionnée et je devais admettre un certain nombre de lacunes. Avec l’examen du barreau qui se profilait, j’avais choisi de venir à ce cours du soir à l’université en espérant qu’il m’aiderait à me sentir à l’aise avec cette partie du droit que je ne maîtrisais pas suffisamment.
Afficher en entierJ’ai des souvenirs uniques dans cette salle. Tous liés à Charlotte, évidemment. Contrairement à ce qui a été écrit sur les invitations, cette soirée n’est pas pour nos camarades de lycée, ni pour promouvoir la Fondation. Cette soirée est le fruit d’une dizaine de coups de fil et d’un entretien avec une organisatrice d’événements mondains recommandée par mon frère. Un prétexte pour voir Charlotte et pour me retrouver presque en tête à tête avec elle.
Afficher en entierIl se redresse péniblement, pendant que je lui tends sa canne. Pliés en deux, nous regagnons le long couloir du quatrième étage de la maison. Il est vide depuis des lustres ; ma chambre est au troisième, celle de Théo au premier. Mon frère descend les escaliers en clopinant, et je retourne dans ma chambre, heureux comme un pape.
Afficher en entierJe ne prends pas le temps de lui répondre et je lui arrache des mains le classeur. C’est là. C’est forcément là.
Afficher en entierAux yeux de tous, ma vie est simple, ma vie est parfaite.
Si c’était vraiment le cas, je ne serais pas ici aujourd’hui, armé d’une lampe torche, couvert de poussière et à deux doigts de tuer mon frère. J’ai passé les deux derniers jours dans ce grenier. Deux jours pendant lesquels je me suis replongé dans mon passé, j’ai analysé chacune de mes erreurs et j’ai fouillé dans mes souvenirs.
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