Extraits

- Ne te retourne pas, Livi, je t'en prie. Je t'en supplie, ne te retourne pas, implore Cibi.

Les filles quittent l'allée de leur maison pour rejoindre la rue. À la porte, leur mère sanglote dans les bras de leur grand-père. Livi a néanmoins jeté un coup d'œil en arrière en fermant le portail. Son gémissement de douleur en apercevant la détresse de Chaya a eu l'effet d'un poignard dans le cœur de Cibi, mais il lui faut être forte pour Livi, pour leur mère. L'aînée se redresse et, passant sa petite valise d'une main à l'autre, elle attrape Livi par la taille et les deux sœurs poursuivent leur chemin.

Quelques semaines plus tard, en avril 1946, Cibi épouse Mischka. C'est le jour de l'anniversaire de Hitler, mais elle s'en fiche royalement ; ou plutôt, elle en est heureuse. Elle aurait aimé que chaque Juif trouve quelque chose à fêter ce jour-là, afin de montrer à cet homme et à son armée de meurtriers que l'espoir fleurit dans les recoins les plus sombres.

"On ne nous arrachera jamais les unes aux autres, répond Magda avec ferveur"

"Vous êtes plus fortes ensemble."

"Cette nuit-là, pour la première fois en près de trois ans, les sœurs Meller sont réunies."

"Force et espoir, répète son grand-père. Nos mots secrets. Ce sont les plus grandes qualités que l'on peut avoir. Des qualités que je perçois chez toi, Magda, et chez tes sœurs."

"C'est très simple, Magda. Je veux que vous me promettiez et que vous promettiez chacune à vos deux sœurs de toujours veiller les unes sur autres. Que vous serez toujours là les unes pour les autres, quoi qu'il arrive. Que vous ne laisserez rien vous séparer. Compris ?"

Autour d’une table éclairée à la bougie, la famille Meller partage un repas. Chacun se demande quand une telle occasion se représentera. Ils prient pour Magda, pour leur défunt père, ainsi que pour feu l’épouse de Yitzchak, leur grand-mère. Ils essaient de profiter de la présence des uns et des autres, mais ce qui se profile forme une ombre terrible au-dessus de leur table.

Cibi, comme toujours, est en admiration devant la synagogue, ce grand édifice où sa famille et elle ont prié et ont été consolées par leurs amis à la mort de leur père et de leur grand-mère. Ce lieu qui symbolise la sécurité parmi les leurs n’offre aujourd’hui aucun réconfort. Les nazis l’ont détruit. Les gardes Hlinka l’ont détruit.

Chaya ne sait pas quoi penser de la Hakhshara, un programme de formation visant à enseigner aux jeunes comme Cibi les compétences nécessaires pour commencer une nouvelle vie en Palestine, loin de la Slovaquie et de la guerre qui fait rage en Europe.