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Je n’aurais pas dû entrer dans ce dépôt-vente. Je le sus exactement comme j’avais su, deux mois plus tôt, que Stacey allait me quitter, quand un sentiment de malaise m’avait noué l’estomac. Le jour de son départ, je m’étais arrêté, en revenant du travail, pour nous acheter à dîner, parce qu’une petite voix intérieure, placée au premier rang, pépiait comme un hamster et refusait de regarder en face le désastre qui s’annonçait. Il maintenait obstinément qu’un délicieux Chow mein et du porc aigre-doux rendraient à Stacey son sourire et que tout s’arrangerait.
Bien sûr, le hamster s’était tu en découvrant la maison vide et la petite note scotchée à la porte de la chambre.
Mais ce stupide rongeur ne retenait pas la leçon. Aujourd’hui, sa petite voix
était de retour et il me rappelait que l’anniversaire de Stacey était dans deux jours. Je ne pouvais pas manquer de lui offrir un cadeau, avait expliqué le hamster, pas après tout ce temps passé ensemble. Et plus que tout, comment aurais-je pu laisser filer cette occasion de la reconquérir ?
Mais j’allais acheter le cadeau en question dans un dépôt-vente. Et même pour le hamster, c’était un pas de plus vers le désespoir.
Je finis par pousser la porte, mais un coup d’œil suffit à me figer. Le néon extérieur « Achat-Vente-Gage » aurait dû me mettre en garde sur l’atmosphère du lieu. Je n’étais jamais entré dans un dépôt-vente auparavant, et la réalité était pire que ce que j’avais imaginé.
La boutique était sale, encombrée et triste. Des articles mis au rebut, surtout des télévisions, des chaînes stéréo et des lecteurs Blu-ray, reposaient comme des cadavres sur les étagères. Un mur entier était dédié aux instruments de musique, silencieux depuis leur abandon. Un parfum de cigarette flottait dans l’air et se mêlait à une autre senteur que je ne parvenais pas à identifier clairement.
Comme un relent d’échec. Je me sentis écrasé par la même impuissance que celle qu’on ressent dans un refuge pour animaux, où, derrière les barreaux, ils demandent de leurs regards tristes pourquoi plus personne ne les aime.
Je manquai de tourner les talons et de partir, mais l’homme derrière le comptoir me regardait, ses bottes posées sur le présentoir de verre devant lui, une cigarette entamée en équilibre au bord des lèvres.
— Je peux vous aider ? demanda-t-il.
Le fait que sa cigarette ne tombe pas m’émerveilla.
Je glissai les mains dans mes poches.
— Je cherche un bijou.
Il retira sa cigarette de sa bouche et se leva.
— Vous êtes au bon endroit, mon ami.
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