Extraits

— C’est l’entrée du fogou ? demanda-t-il les mains en visière. Elle a l’air… plus grande, bizarrement. Immense.

— C’est pour mieux te manger, mon enfant, dit Anna sombrement.

Elle fit la grimace.

— Je regrette de l’avoir dit.

Lee sourit jusqu’aux oreilles.

— Comme nous tous. C’est vrai qu’il y a quelque chose d’étrange. Après tout, c’est le véritable Imbolc, là où le voile entre les mondes s’affine. La lune sera pleine dans deux heures, une nuit de Saint-Valentin. Au fait, j’imagine que vous n’avez pas plus de vie tous les deux que le pauvre Gideon et moi…

— Aucune, le rassura Jack. Une caméra dans une grotte est ce qui se rapproche le plus du sexy pour moi.

— Parfait. Parce que je ne sais pas ce qui va se passer ce soir, mais je suis certain qu’on est là au bon moment. Accrochez-vous bien, madame et messieurs, nous entrons à nouveau dans la gueule de l’inconnu.

Ezekiel recula d’un pas. Il jeta à Gideon un long regard sombre.

— Cette semaine, dit-il d’une voix lente, j’ai été le témoin… J’ai vu un homme au chevet d’un autre. Un homme qui a à peine dormi et mangé, qui a refusé catégoriquement de te laisser. Qui t’a pris la main, a écouté avec dévotion chaque battement de ton cœur sur cette machine…

— Mmh. J’adore ton uniforme, même la veste d’apparat qui gratte.

— Et ce pull ? Qu’est-ce que tu en penses ?

— Merveilleux. Mais je préfère ce qu’il y a dessous… Pourquoi tu ris ?

— À cause de toi. Qui ne vois pas le nez au milieu de sa figure.

Lee recula juste assez pour le regarder de haut en bas.

Il y avait quelque chose dans la poche du jean de Gideon. Avec discrétion, il y mit la main et sentit la douceur soyeuse des rubans que Lee lui avait dit de garder comme souvenir.

— De plus, il a su me distraire.

— Je t’en prie. Épargne-moi les détails.

Gideon haussa un sourcil. Venant de quelqu’un d’autre, cela aurait pu être un simple désir de ne pas avoir plus d’informations. Avec son frère, il ne pouvait en être certain. Ezekiel avait peut-être appris à apprécier Lee, peut-être même revu son point de vue après avoir été témoin de sa dévotion à l’hôpital, mais il ne pouvait approuver leur relation. Dieu en personne l’avait interdit.

- [...] Oh, c’est bon, maman, ne renverse pas la pauvre Eleanor.

Eleanor s’écarta juste à temps. La vieille dame cogna son déambulateur contre le lit et s’effondra plus ou moins sur le matelas.

- Je lui avais dit. J’avais juré !

- Quoi, maman ? À qui ?

- À Dieu. Que je ne lui parlerais plus jamais s’il prenait l’un de mes fils !

Malgré le bouleversement de sa mère, Gideon sourit jusqu’aux oreilles. L’expression d’Ezekiel n’avait pas de prix.

- Je ne crois pas que tu es censée le... menacer, maman.

- Je m’en fiche. Je suis malade et j’en ai assez que des hommes me donnent des ordres. Et ça a marché : tu es réveillé !

Les doigts de Lee se crispèrent sur les bras de Gideon.

— Oh, merde.

— Je sais. Mais écoute-moi : tu as fermé tous les volets et tu as retiré nos peintures comme à ton appartement de Falmouth, pour ne pas lui donner l’opportunité de s’accrocher. Et je vais faire le lien le plus tiré par les cheveux du monde et dire que mon rêve et la voix sont connectés.

Lee s’accroupit devant lui. Il baissa la tête et appuya le front sur le genou de Gideon.

— J’avais tellement peur, dit-il d’une voix lasse. Je ne supportais pas l’idée que tu aies été entraîné dans un de mes cauchemars.