Extraits

— Je suis en pause. Il me reste… quinze minutes, répond-elle en regardant sa montre.

— On peut en faire, des choses, en un quart d’heure… Les possibilités sont infinies.

Il sourit et l’effleure de l’épaule en sortant à son tour dans le couloir.

— Tu viendrais dans ma chambre, par exemple ?

— Hein ? Ben ça alors, tu perds pas de temps, toi !

Richard comprend l’indécence de sa question.

— Oh ! merde. Je voulais pas… c’était pas une proposition. En même temps, t’es très mignonne, mais… euh… j’ai un nouveau jeu de skate Tony Hawk, et deux manettes.

« Tu as changé de coiffure ? »

Hanna avait ravalé un sourire ; son père avait toujours eu le sens de la litote. Depuis leur dernière rencontre, elle avait fait bien plus que « changer de coiffure », elle avait adopté un look gothique intégral, à savoir teinture corbeau tirant sur le rouge et maquillage à l’avenant – fond de teint ivoire, rouge à lèvres brun –, longue jupe fluide et bustier ajusté, tous deux entièrement noirs.

Elle sourit au souvenir de son expression perplexe alors qu’il tentait de digérer la nouvelle « lubie » de sa fille.

Même si elle se trouve dans son entreprise à lui, au dernier étage de son immeuble à lui, c’est bien sa scène à elle qu’elle est venue jouer. Elle tente d’apaiser les battements de son cœur.

Ça y est. Elle est prête.

S’il la maudit déjà, Dieu seul sait ce qu’il ressentira après avoir entendu la nouvelle. Il a longtemps fait partie intégrante de sa vie – en tant qu’ami, confident et même amant –, mais jamais jusqu’ici il n’a eu le pouvoir de la briser.

— Si charmante que soit ta visite, lance-t-il sur un ton cassant qui dément ses propos, j’ai une réunion dans cinq minutes. Tu veux quoi, au juste ?

Il n’en a aucune idée, et c’est bien le problème. Symptômes de la fébrilité qui s’empare d’elle au moment d’avouer, ses bras pèsent des tonnes, ses doigts tremblent, elle est au bord du vertige. Elle prend une profonde inspiration pour s’exprimer enfin – elle s’est infligé neuf heures d’avion dans cet unique but.