Extraits

— Bon. J’imagine que je devrais te parler un peu plus de tout ça. Je suis en train d’ouvrir un refuge pour les animaux d’élevage. Actuellement, j’ai deux vaches et trois moutons mais, à terme, il y aura beaucoup plus d’animaux dans les parages.

Samuel tourna son visage vers lui, inexpressif.

— Et, hum, en plus du refuge animalier, je suis végétalien. Les repas que je servirai seront donc végétaliens. Beaucoup de riz, de pâtes et de ragoûts de haricots. Du pain. Des choses comme ça. J’aime le sucré aussi. Mais pas de viande.

La réaction de Samuel ne se fit pas attendre.

— Pas de viande ? demanda-t-il avec un air perplexe.

— Non, je suis végétalien, répéta patiemment Eddie. Après, je me fiche de ce que tu manges quand tu n’es pas ici. Si tu veux sortir et te prendre un Big Mac ou peu importe, c’est ton affaire. Mais j’insiste sur le fait que tu ne peux pas conserver ou manger de la viande dans cette cuisine. Après tout, c’est un refuge. Si tu veux manger de la viande de bœuf séchée ou autre chose dans ta chambre, ou même avoir un mini-frigo là-haut, eh bien, ça dépend de toi.

Samuel continua de le fixer d’un air incertain mais ne dit rien. Eddie lâcha un soupir tendu qu’il n’avait pas eu conscience de retenir et but une gorgée de son café.

— Si c’est quelque chose de rédhibitoire pour toi, je comprends tout à fait. Après tout, les repas font partie de ton salaire.

Samuel regarda l’assiette de cookies, en attrapa un autre et mordit dedans avec un air pensif, comme s’il en évaluait la qualité.

— J’imagine que j’peux me passer de viande s’il y a du pain, des gâteaux et d’autres choses du genre.

Eddie ne put retenir un sourire face au ton très sérieux de Samuel.

— Il y aura incontestablement du pain et des gâteaux.

— Très bien, alors.

Samuel croisa le regard d’Eddie et lui adressa un petit sourire timide.

Il y avait tellement d’espoir dans ce sourire, c’était mignon. Il en eut métaphoriquement les jambes coupées. Merde. Il frotta son sternum pour soulager une douleur soudaine.

— Eh bien soupira-t-il d’un ton bourru. Si tu es toujours intéressé, j’imagine qu’on peut faire un essai. Pour une semaine, peut-être ? Juste pour voir si ça marche bien, cependant. Je ne peux rien te promettre.

— Merci, répondit Samuel avec un sourire de plus en plus large. Tu ne seras pas déçu.

Tout était très silencieux. La ferme avait l'air vide, mais pas d'une manière négative. C'était bizarre pour un homme seul de posséder un endroit aussi immense, mais ce n'était pas ses affaires. Samuel se mit à penser à Eddie, se demandant ce qu'il attendait d'une ferme comme celle-ci. Il ressemblait à l'un de ces nombreux touristes qui venaient visiter la région mais, contrairement à la plupart d'entre eux, il avait l'air en très bonne forme physique. Il était de taille moyenne, un mètre soixante-dix environ, et vraiment svelte. Quel âge avait-il ? Il n'y avait pas de gris dans ses courts cheveux bruns ou dans sa barbe douce.

Il avait de si jolis yeux marron.

Non, pas jolis. C'était stupide. Mais il avait une manière de regarder les gens qui était troublante. Samuel avait l'habitude d'être regardé sans être vu par sa famille ou par les gens de l'église. Peut-être qu'ils le voyaient sans se demander ce qu'il portait dans son cœur, comme on survole du regard quelque chose qui a toujours été là. La manière dont Eddie l'observait attirait et capturait son regard.