Extraits

La sépulture de tout espoir.

Le tombeau des étoiles.

Les hommes doivent se parler seul à seul pour dire quoi que ce soit de valable. Dès qu'ils sont plus de deux, leurs paroles s'éparpillent aux quatre vents comme des jacassements de corneilles.

Une goutte glacée tombe sur le front de Naoko.

Puis une autre.

Des flocons.

Elle repense au jeune Quentin, que les premières neiges avaient ravi. Cette nuit, ce même spectacle l'épouvante. Elles a l'impression horrible que ces flocons, ce sont les étoiles agonisantes elles-mêmes, qui se détachent de la voûte céleste pour chuter doucement vers la terre telles des feuilles mortes. Et ce ravin profond où elles s'abîment, c'est leur caveau.

La sépulture de tout espoir.

Le tombeau des étoiles.

L'éloquence d'Annabel frappe Waya. II mesure le courage qu'il lui faut, à elle naguère si coquette, pour oser ainsi dévoiler la vision d'horreur qu'est devenu son visage. Il sait aussi qu'en polarisant tous les regards, elle empêche les Comanches de s'intéresser trop à lui et de déceler les détails qui pourraient trahir sa condition d'immortel.

"Nous nous nommons les Desperados, parce que les vampyres nous ont tout pris, conclut-elle. Nous avons juré de le leur faire payer. En nous tuant, vous leur rendriez service."

Un sentiment de tristesse le prend au dépourvu, et le chavire. C'est cela, aussi, de ressentir à nouveau.

Il ne peut détacher ses yeux de ceux de Cornelia, exorbités sous le masque métallique où la Faculty a cru bon de faire graver un sourire.

Ils semblent crier des mots que sa bouche bâillonnée ne peut articuler.

Au secours. Par pitié. La mort plutôt que ce martyre.

Ses yeux cernés de rides sont toujours tournés vers le ciel, vers ses chères étoiles qu'elle surveille depuis plus d'un siècle.

Les constellations continuent de se refléter à la surface de ses cornées figées, comme dans deux miroirs gelés.