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Victor reporta son attention sur le mur de verre. Dans le reflet de la vitre, son regard croisa celui d’un technicien, qui le salua. Compagnons d’infortune, ils s’étaient vus cent fois sans même échanger dix mots. Il lui fit un signe de tête et, tenant compte des traces d’impact, tenta de déterminer l’endroit où le tireur avait pu se poster.
Il réfléchit un instant, puis revint vers le cadavre. Alors qu’il se tenait penché au-dessus du corps, la mare de sang lui renvoya le reflet de son visage, semblable à celui d’un vieux lion ruminant les malheurs du monde.
Victor ferma les yeux. Des souvenirs surannés se mirent à tourner dans sa tête. Les victimes. Les visages de la mort. Les fantômes qui le hantaient. Il avait vu tant de cadavres, tant de vies brisées, tant de violence larvée. S’il ressentait de la compassion pour ces existences stoppées net, il éprouvait la même empathie pour les vivants, pour ceux qui souffraient en silence. Ceux dont on ne retenait jamais le nom.
Et, au fil de chaque enquête, leur douleur devenait sienne. Souvent au détriment de sa santé physique et mentale. Peut-être en était-il un peu ainsi à cause de la faille qui traversait son enfance. Il ne le saurait jamais avec certitude.
Pour chasser son trouble, Victor gonfla ses poumons, puis les vida en exhalant l’air lentement, par la bouche. Peu à peu, les images s’estompèrent. Mais ce lourd fardeau qui le gangrenait, il le traînait chaque jour plus difficilement, comme une carcasse pourrissante. Et, quoi qu’il pût encore lui arriver, peu importe ce que la vie lui réserverait, il n’en guérirait jamais, comme il ne pourrait jamais s’empêcher d’avoir envie de boire. Tout au plus réussissait-il, d’heure en heure, de jour en jour, à gagner du temps, à retarder l’échéance. Mais, tout ça, c’était fini.
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