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C’était arrivé deux ou trois fois. Notamment un après-midi près de la gare du Nord. Face à des branleurs qui avaient tenté de racketter Léo. Ils étaient quatre. Tchekhov avait commencé à grogner avant même de les voir. Un grondement d’abord, plus qu’un grognement, pareil au bruit des lignes haute tension. Ils étaient apparus quelques secondes plus tard. Rien que du mépris et de l’agressivité dans leur attitude. Ils voulaient du fric ou de l’herbe et avaient encerclé Léo en gardant une distance raisonnable car les grognements de Tchekhov étaient passés en surmultiplié. Pas un seul aboiement, juste le tonnerre de ses grognements, la foudre s’abattant sur un arbre, un déluge de blocs de granit sur le bitume, une avalanche de wagons rouillés charriant le chaos à travers la ville entière. Il aurait pu aisément arracher le bras de Léo qui le retenait par la corde s’il avait tiré dessus avec la force équivalente à ses grognements. Mais il n’avait pas bougé. Sauf quand l’un des mecs, du genre gringalet qui se la jouait tête brûlée, avait fait un pas de trop. Tchekhov avait simplement bondi, tendant la corde et le bras de Léo au millimètre près, pour planter ses crocs dans la jambe de ce guignol. Au niveau du genou. Un quart de seconde. Pas de sang. Juste un cri. Inaudible sous les grognements de Tchekhov. Le mec à la renverse. Son visage déformé par la douleur. Les crocs avaient dû briser la rotule ou disloquer les cartilages. Et toujours le tonnerre, la foudre ininterrompue, le charivari des wagons rouillés. Les quatre racailles avaient décampé à reculons en priant que la corde ne se brise pas.
Il y avait aussi eu ce vilain pit-bull, croisé un matin sur les quais de la Seine, sans maître, sans laisse ni muselière, aboyant à tout-va, ses yeux porcins injectés de sang, ses dents comme des poignards, la gueule écumant de bave. Visiblement prêt à déchiqueter tout ce qu’il pourrait saisir entre ses mâchoires. Il avait suffi à Tchekhov de retrousser les babines et de grogner sans bouger. Le pit-bull surexcité avait aussitôt fui, la queue basse, les pattes secouées par la peur. Tous les témoins qui avaient assisté à la scène étaient devenus aussi pâles que les nuages. N’osant plus caresser Tchekhov. Alors qu’ils s’amusaient avec lui une minute plus tôt.
Léo ne savait pas vraiment comment réagir dans ces situations. A la fois surpris et intimidé. Persuadé que Tchekhov risquait de lui échapper. Il le flattait alors sous la gorge ou derrière les oreilles pour le calmer. Et Tchekhov lui lapait le menton. Il n’y avait plus rien à craindre. Seul le danger le métamorphosait.
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