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– Callie, qu’est-ce que tu fous ? grommelle le géant presque endormi sur son canapé-lit.
– Désolée, Gus ! Je t’ai réveillé ?
– Pas du tout ! Tu viens simplement de m’envoyer un rouleau de tissu dans la tronche et de t’asseoir sur mon bras.
– Pardon, je réfléchissais.
– Et tu ne peux pas faire ça dans ta chambre ? soupire-t-il.
– Non, il y a des moutons flippants au plafond. Avec les yeux injectés de sang. Un peu comme les tiens.
– Tu ne peux pas voir mes yeux puisqu’ils sont fermés ! râle encore mon meilleur ami.
– Tu vois bien qu’ils sont ouverts ! dis-je en allant soulever ses deux paupières de mes index. Je savais que tu ne dormais pas.
– OK, tu veux quoi ? capitule-t-il avec un soupir.
Afficher en entier-Quel est ton secret ? susurre-til à mon oreille.
-Je n’en ai pas !
-On est incompatibles, toi et moi ! Pas faits l’un pour l’autre ! Alors comment tu fais ça ? insiste-t-il, d’une voix de plus en plus basse, de plus en plus menaçante.
-Je ne fais rien, haleté-je. Je… Ça nous dépasse. Ce sont nos âmes… Indociles !
Afficher en entier– Qu’est-ce que c’est ce bruit ? demandé-je en sursautant.
– Willow est réveillée, répond-il simplement.
– Pas plutôt une bombe ? Une troisième guerre mondiale ?
– Non, juste l’effet Willow plus Poney.
– Tu ne vas pas voir s’il y a des blessés ?
Afficher en entier– Je devrais être avec eux, me dit-il soudain, en pointant deux surfeurs isolés, au loin.
– Je ne te retiens pas.
– Tu prends toujours tout contre toi ?
Lennon me contemple, les yeux délicatement plissés. Je souris, puis admets :
– Souvent.
Assis à moins d’un mètre de moi, le surfeur en costard s’étire de tout son long. Et finit par grogner :
– Si je n’y suis pas, c’est parce que je me suis froissé un muscle dans le dos.
– Si c’est une tentative hasardeuse pour obtenir un massage… le toisé-je avec l’air de celle qui ne se laisse pas faire.
– Ça n’en est pas une, tranche-t-il.
– Tant mieux.
– Parfait.
– J’aurai le dernier mot, affirmé-je.
– Je ne crois pas, riposte le roi du monde.
– J’ai toute la nuit s’il le faut.
Sa Majesté soupire, puis lâche un rire sexy en regardant le ciel.
– Tu n’aurais pas pu être normale ? se lamente-t-il.
– Chiante à mourir, tu veux dire ?
Afficher en entier– Pourquoi tu t’es enfuie, Willow ? relancé-je. Tu es au courant que tu n’as pas le droit de faire de fugue avant… au moins vingt ans ?!
– Parce que ma nounou est nulle ! déclare-t-elle.
– On ne peut pas nier l’intelligence supérieure de cette enfant… commenté-je à l’intention de Gus.
– Et que papa est trop méchant ! Il m’a dit que je ne pouvais plus faire de photos et que tu ne viendrais plus pour me faire essayer des vêtements.
– On ne peut pas nier la rigidité extrême de cet homme… ajouté-je un ton plus bas pour mon copain qui se bidonne.
– Ce matin, avant de partir à l’école, papa m’a envoyée dans ma chambre parce que je criais que j’étais pas d’accord. Alors j’ai pris mes ciseaux dans ma trousse et j’ai découpé tous mes habits ! Pour que tu sois obligée de revenir pour m’en apporter des nouveaux.
– On ne peut pas nier l’énorme énormité de cette bêtise, fais-je en me retenant de rire.
Derrière Willow, Gus me fait de mimes à grands gestes et des grimaces terribles que je traduis par « Cette gamine est complètement folle », « bien pire que toi », « elle me fout la trouille » et « il faut qu’on se tire de là ». Je me retiens de rire en me mordant les joues et le géant se lève pour venir me glisser à l’oreille :
– Occupe-toi d’elle, je vais planquer les ciseaux, je reviens…
Afficher en entierJ’ai compté les moutons une bonne partie de la nuit et je ne tombe jamais sur le même chiffre. Ça ne peut plus durer. Qui a décrété que cet exercice mental aidait à s’endormir ? C’est exactement le contraire ! Essayer de compter des moutons qui bougent sans cesse et se ressemblent tous est l’activité la plus stressante qui soit. Et la plus stupide. Est-ce que j’ai compté celui-ci, déjà ? Bref, tout ce dont j’ai envie, là, maintenant, après une demi-nuit blanche, est de dessiner un foulard vert prairie sur lequel bondiraient des centaines de moutons blancs parfaitement semblables, avec de gros yeux exorbités qui ne se ferment jamais. Le résultat serait immonde. Et le pire, c’est je suis sûre que ça se vendrait. Avec une étiquette Lazzari et une soie légère, vu la tendance des imprimés et l’amour des gens pour les docus animaliers, ça ferait peut-être même un carton. Et c’est exactement la raison pour laquelle je ne vais pas créer ce foulard. Les petites gorges fragiles qui sentent l’eau de parfum luxueuse devront s’en passer. Je ne suis même pas désolée. Je suis… remontée. Ragaillardie. Épuisée mais pleine d’énergie.
Avec mon tout nouvel état d’esprit, je pars en direction du salon sur la pointe des pieds, à la recherche du tissu de mes rêves.
– Callie, qu’est-ce que tu fous ? grommelle le géant presque endormi sur son canapé-lit.
– Désolée, Gus ! Je t’ai réveillé ?
– Pas du tout ! Tu viens simplement de m’envoyer un rouleau de tissu dans la tronche et de t’asseoir sur mon bras.
– Pardon, je réfléchissais.
– Et tu ne peux pas faire ça dans ta chambre ? soupire-t-il.
– Non, il y a des moutons flippants au plafond. Avec les yeux injectés de sang. Un peu comme les tiens.
– Tu ne peux pas voir mes yeux puisqu’ils sont fermés ! râle encore mon meilleur ami.
– Tu vois bien qu’ils sont ouverts ! dis-je en allant soulever ses deux paupières de mes index. Je savais que tu ne dormais pas.
– OK, tu veux quoi ? capitule-t-il avec un soupir.
Afficher en entier« Faire sortir la douleur pour ne plus avoir à la trimballer partout »
Afficher en entier- Tu as une belle âme, Callie. Tu es une battante. Une perle. Une écorchée vive qui fait passer les autres avant elle.
Afficher en entier– On ne croise pas souvent de gens qui sortent de l’ordinaire par ici.
– Je sais, les privilégiés peuvent être d’un ennui…
– C’est ça de vivre dans une petite ville friquée de bord de mer, plaisante-t-elle. Tellement lisse, tellement léchée, tellement… blanche ! Je crois qu’on fait un peu taches, Hazel et moi.
– Vous n’êtes pas beaucoup plus foncées que ces vieilles peaux qui se font bronzer toute la journée !
– C’est vrai ! rit Seraphina. Je voulais le meilleur pour ma fille en venant m’installer ici. Mais je ne sais pas s’il vaut mieux être pauvre parmi les riches et noir parmi ceux qui se trouvent trop blancs… ou le contraire ?
– Mieux vaut être soi-même et se moquer du regard des autres, je crois…
– Facile à dire quand on est belle et forte comme toi !
– Excuse-moi… Tu as dit « bête et folle », c’est ça ?
Afficher en entier– Je t’ai entendue ce matin ! me balance sa petite voix. Je sais que tu m’as abandonnée !
– Non ! sangloté-je alors en m’approchant d’elle.
Dans son regard noir, plein de chagrin et de rage, je vois tous mes espoirs s’envoler. Je vois mon futur avec ma fille se briser.
– T’es pas ma maman ! s’écrie-t-elle soudain en courant vers sa nounou. Si j’ai une maman, c’est Tempérance !
Je pleure de plus belle, tends la main vers l’enfant dans une ultime tentative pour la retenir, mais ma remplaçante l’emporte déjà loin de moi.
Exactement comme la sage-femme, il y a presque six ans.
– Willow, attends !
– Non, me retient Lennon. Callie, non !
Ses bras s’enroulent autour de moi et m’emprisonnent. Je me débats, il refuse de lâcher prise.
– Laisse-moi lui expliquer ! couiné-je, secouée par mes sanglots. Je dois lui expliquer. Elle doit comprendre… Je la voulais ! Je l’aimais ! Je l’ai toujours aimée !
Mon cœur se déchire, à l’intérieur. Je ne tiens plus sur mes jambes. Lennon me soutient, m’enveloppe, puis m’installe dans un fauteuil, me murmure d’inspirer, d’expirer, s’assure que je vais bien, presque bien, puis retourne à l’intérieur de la maison. Pour aller consoler sa fille.
Ma fille.
Perdue. Envolée. Détruite. Comme ce pompon rouge sang qui gît au sol.
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