Tous les livres de Hideo Furukawa
En 1943, l'armée impériale japonaise laisse derrière elle quatre chiens sur une île déserte. Ils la quitteront, et leurs descendants se répandront sur la terre pour chercher, au fil de leur généalogie chaotique, un lieu où ils puissent se sentir véritablement à leur place. Leur terre promise à eux.
Ils participeront à toutes les aventures du XXe siècle, sur terre, sur mer, et même au-delà, pour nous donner à lire, dans un prodigieux renversement de valeurs, une nouvelle histoire du monde et adresser en même temps une déclaration de guerre à notre XXIe siècle.
Un roman polyphonique au rythme trépidant et d'une insolence extravagante qui remet en cause l'autorité naturelle de l'humanité sur le monde. Un livre hors normes dans la littérature japonaise contemporaine qui repousse stylistiquement encore plus loin les frontières du réel et de la fiction.
De quoi est fait le monde, selon vous, sinon de fiction ?
Car il s'agit bien, dans ce roman, de lâcher les chiens de la fiction !
Ce livre est l'incandescente mise à l'épreuve de l'écriture face au réel et place définitivement Furukawa Hideo parmi les plus grands écrivains de sa génération. Après la catastrophe, il part à Fukushima, dans cette terre victime d'un « désastre annoncé », elle qui a fourni la chair à canon des guerres coloniales et le lumpen-prolétariat de la modernisation, avant que lui soient imposées les centrales nucléaires dont l'électricité fait briller Tôkyô. Parvenu à la limite de la zone interdite, dans la ville de Sôma, Furukawa Hideo se trouve face aux chevaux rescapés du tsunami, blessés, hallucinés.
Fin du XXe siècle. Deux enfants, un garçon et une fille, se retrouvent échoués sur une île déserte dans le Pacifique. En deux années, ils développent des techniques de survie et de communion avec la nature, proches du chamanisme. Devenus grands et rendus à la civilisation, ils découvrent un Tokyo transformé par le réchauffement climatique et l'immigration clandestine. Envahi par une végétation tropicale et des colonies de corbeaux à gros bec. Où il vont devoir apprendre à survivre, sur les décombres de la société des hommes.
Ce roman d'une puissance imaginaire stupéfiante, à l'écriture fiévreuse comme un long solo de guitare rock, emprunte les codes de la science-fiction pour mieux dynamiter la fiction tout court.
Sa forme est celle d'une spirale qui se resserre et tourne de plus en plus vite. Pour Furukawa la littérature est une arme, une tornade qui emporte tout, et Soundtrack le roman fondateur de toute son oeuvre.
"J'étais un humain, j'étais en colère, et j'ai juré de mettre mes tripes à écrire un chant à la gloire des corbeaux. J'ignore à quel âge je mourrai, j'ignore combien de dizaines de romans j'écrirai jusqu'à ma mort. Mais je peux dire une chose. S'il y a quelque chose que l'on puisse appeler l'ère Furukawa, alors son année 0 correspond à l'année de publication de Soundtrack."
Il existe une Iliade japonaise, une épopée guerrière chantée par des moines aveugles qui sillonnaient le pays en s’accompagnant au luth biwa. Elle s’appelle le Heike monogatari et conte la lutte des clans Minamoto et Taira au XIIe siècle, dont le point culminant fut la bataille navale de Dan-no-ura, où périt le clan Taira.
Le roman de Furukawa commence où s’achève l’épopée guerrière. Cent cinquante ans plus tard, Tomona, fils de pêcheur-plongeur, naît à Dan-no-ura. Un jour, l’enfant et son père remontent l’épée sacrée qui avait été perdue lors de cette bataille. L’éclat magique de la lame tue le père et aveugle le fils. Et l’épée retombe dans la mer.
Tomona part pour la capitale où il devient joueur de luth biwa. C’est là qu’il croise Inuô, « le Roi Chien », enfant difforme et masqué qui pratique la danse. Une amitié fusionnelle se développe et l’aveugle devient le chanteur du récit héroïque de la guerre des Taira et des Minamoto sur la danse et les textes d’Inuô. Quand seront apaisées les âmes courroucées des vaincus, Inuô retrouvera sa beauté humaine en se réconciliant avec le malheur d’être soi.
Au croisement du mythe et du chant, de la violence et de la grâce, Furukawa invente ainsi une suite à ce long poème épique. A la douleur endurée par les humains sont intimement tressées la puissance de l’art, de la danse, et ce qui en naît : la beauté.