Vous utilisez un bloqueur de publicité

Cher Lecteur,

Nous avons détecté que vous utilisez un bloqueur de publicités (AdBlock) pendant votre navigation sur notre site. Bien que nous comprenions les raisons qui peuvent vous pousser à utiliser ces outils, nous tenons à préciser que notre plateforme se finance principalement grâce à des publicités.

Ces publicités, soigneusement sélectionnées, sont principalement axées sur la littérature et l'art. Elles ne sont pas intrusives et peuvent même vous offrir des opportunités intéressantes dans ces domaines. En bloquant ces publicités, vous limitez nos ressources et risquez de manquer des offres pertinentes.

Afin de pouvoir continuer à naviguer et profiter de nos contenus, nous vous demandons de bien vouloir désactiver votre bloqueur de publicités pour notre site. Cela nous permettra de continuer à vous fournir un contenu de qualité et vous de rester connecté aux dernières nouvelles et tendances de la littérature et de l'art.

Pour continuer à accéder à notre contenu, veuillez désactiver votre bloqueur de publicités et cliquer sur le bouton ci-dessous pour recharger la page.

Recharger la page

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre soutien.

Cordialement,

L'équipe BookNode

P.S : Si vous souhaitez profiter d'une navigation sans publicité, nous vous proposons notre option Premium. Avec cette offre, vous pourrez parcourir notre contenu de manière illimitée, sans aucune publicité. Pour découvrir plus sur notre offre Premium et prendre un abonnement, cliquez ici.

Livres
714 957
Membres
1 014 534

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode

Tous les livres de Peter Handke

Autour d une ferme, qui est le lieu de l action, s étendent des champs de betteraves et de maïs. Dans la pièce principale de la ferme, deux personnages : le fermier et un jeune garçon qui, probablement, aide aux travaux de la ferme. C est le fermier le tuteur qui a bien entendu le pouvoir. Mais par des détails de comportement de plus en plus sensibles, le garçon le pupille indique au tuteur que ce pouvoir est contesté, puis ébranlé. Dans un premier temps, le tuteur feint de ne pas voir les signes de la contestation ; dans un deuxième temps il pose sur le pupille des regards interrogateurs : s il ne parvient que péniblement à vivre de la culture de la betterave et du maïs, ne serait-ce pas du fait qu il est lui-même, le fermier, un pupille, mais de qui au juste ? À la fois libre et dépendant, un troisième personnage, le chat, contemple les protagonistes ou le public, alternativement, à moins qu il ne prenne part à telle phase de l action, mais toujours comme sans en avoir l air et pour s en détacher presque aussitôt. N est-ce pas sa manière à lui, l imprévisible, de mettre en cause le déroulement de la pièce, et du même coup les comédiens, le metteur en scène, l auteur lui-même et le public, toutes les parties qui se disent prenantes du spectacle ?

Une pièce sans parole faisant depuis partie du répertoire. Plus de vingt ans après, l’auteur renoue avec cette forme. Le « personnage » principal de cette pièce est une place publique. Une place comme celle qui se trouve devant le Centre Commercial du Mail sur le plateau de Vélizy, à laquelle Handke a dédié ce texte.

Mais cela pourrait être n’importe quelle place, et par conséquent les individus qui la traversent sont des plus divers : un équipage d’avion au complet avec ses bagages, un patineur à roulettes, une femme d’affaires moderne qui étudie son dossier en marchant, un téléphone portable à la main, ou un groupe de bûcherons, des haches et des scies sur l’épaule. Des cris d’alouettes, le bruit d’un avion ou une sirène de brume accompagnent la vie de cette place, sereine ou bruyante, venteuse ou calme, pendant cette heure où tout le monde apparaît sur la scène du théâtre du monde, qu’il soit grand ou petit.

Toutefois, est-il encore possible de rassembler les différents éléments, de leur trouver une cohérence ? Cela ne peut être dévoilé ici ; l’épigraphe, tirée de l’oracle de Dodone, nous avertit : « Ce que tu as vu, ne le trahis pas, reste dans l’image. »

" Sans raison ", sous le coup d'une illumination qu'elle n'expliquera pas, la femme de ce récit demande à son mari de s'en aller, de la laisser seule avec son fils de huit ans. La voici, désormais, " libre ", bien que le mot, trop grand, trop précis, ne soit pas prononcé, ni pensé peut-être. Avec la simplicité déroutante que nous lui connaissons, Peter Handke impose puissamment à l'enchaînement des faits et gestes insignifiants de la vie quotidienne une dimension universelle et tragique.

Quatrième de couverture

Le pharmacien de Taxham, faubourg de Salzbourg, raconte à l'écrivain-narrateur l'étrange voyage qui l'a mené à l'improviste, à l'aventure, des mois durant, depuis l'Autriche jusqu'en Andalousie. Parti solitaire et muet, il en est revenu éveillé et serein, après un parcours apparemment arbitraire qui fut en somme initiatique.

«L'exceptionnel n'est pas ici qu'un père élève seul son enfant et prenne soin de lui, ce qui fait de ce petit livre une œuvre d'une telle portée, c'est qu'il s'agit d'un texte premier, initial, comme sans précédents, écrit avec "les mots les plus réels du monde". Les petits faits racontés sont si nets, à ce point pris dans ce qui les fait être ce qu'ils sont, qu'ils paraissent comme les originaux mêmes, les modèles de ces faits. Un geste aussi simple que de pousser une voiture d'enfant devient comme une épopée de l'espace.Ce qui est raconté ici, c'est l'histoire fondatrice de la vie individuelle, ce qui donne son sens aux choses car cette histoire d'enfant est engagée au plus profond de l'histoire, non seulement de l'homme qui la raconte, mais de celle de notre époque tout entière. Son universalité vient de ce que l'"histoire" n'est pas un épisode, mais comme la trame de toute histoire possible. Rien n'est nommé, mais tout est reconnaissable.»Georges-Arthur Goldschmidt.

Un aubergiste de Port Royal des Champs devient fortuitement le dépositaire de la véritable histoire de Don Juan. Ce dernier, après avoir fait irruption dans son jardin, lui offre le récit de ses aventures, effaçant tous les autres Don Juan que nous connaissons. Sept femmes rencontrées dans sept pays différents - dans le Caucase, à Damas, dans un fjord norvégien, ou dans les dunes d'une plage hollandaise... Mais Don Juan n'en est pas moins un amant fidèle. Il se révèle dans la rencontre amoureuse, celle qui suspend le temps, à travers ces instants où le moment présent et l'éternité se rejoignent. C'est ainsi que nous rencontrons le vrai Don Juan.

C'était à cause des guerres surtout que je voulais aller en Serbie, dans le pays des <> comme on les nommait en règle générale. Mais cela m'attirait aussi de voir simplement ce pays, celui de tous ceux de Yougoslavie que je connaissais le moins et qui m'attirait le plus à cause de toutes les informations et opinions répandues à son sujet, le plus intéressant pour ainsi dire, avec toutes les rumeurs dérangeantes qu'on en entendait.

La fatigue soudain saisit l'enfant au milieu des siens, puis c'est la fatigue mortelle des cours morts de l'université ; mais il y a des fatigues plus profondes, plus intérieures, séparatrices et révélatrices à la fois. Cette fatigue-là creuse les êtres et leur donne aussi une présence nouvelle : c'est la clairvoyance de la fatigue. Elle peut rassembler pour un moment autour d'une entreprise commune - une batteuse -, mais il y a aussi les infatigables, les tueurs survivants de l'extermination, frais et dispos, et leurs guillerets descendants. La fatigue peut être tranquille mais la fatigue la plus grande naît peut-être à la vue de la cruauté toute simple, quotidienne. La fatigue donne forme au monde, elle aiguise la perception, elle établit une infranchissabilité réciproque entre les êtres, mais par là aussi une communication.

La mère de l'auteur s'est tuée le 21 novembre 1971, à l'âge de 51 ans. Quelques semaines plus tard, Peter Handke décide d'écrire un livre sur cette vie et ce suicide. Simple histoire, mais qui contient quelque chose d'indicible. Histoire d'une vie déserte, où il n'a jamais été question de devenir quoi que ce soit. Vie sans exigence, sans désirs, où les besoins eux-mêmes n'osent s'avouer, sont considérés comme du luxe. A trente ans, cette vie est pratiquement finie. Et pourtant, lorsqu'elle était petite fille, cette femme avait supplié " qu'on lui permette d'apprendre quelque chose ".

L'auteur emprunte le masque d'un narrateur qui lui ressemble : Georg Keuschnig, écrivain autrichien habitant près de Paris et qui évoque une année de sa vie dans une banlieue tranquille en lisière de forêt.

Quatrième de couverture (Gallimard) :

Un écrivain sort de son silence, en compagnie de quelques-uns de ses amis et disciples. Ils ont été conviés sur la péniche baptisée La Nuit Morave qui lui sert de refuge depuis une dizaine d'années, amarrée dans une boucle de la Morava, affluent serbe du Danube. En maître des lieux il les reçoit pour un dîner, puis se lance dans un long monologue mezza voce, ponctué seulement par le coassement des grenouilles sur le fleuve. Devant ses invités tour à tour interrogateurs ou narrateurs eux-mêmes, il est question d'une étrange menace, d'une femme dangereuse, d'un colloque sur le bruit en Espagne et d'une réunion de joueurs de guimbarde en Autriche... Et surtout, de solitude, de perte et d'amour.

La Nuit Morave transporte le lecteur dans un territoire imaginaire envoûtant et singulier. Sans conteste un des livres les plus poétiques et les plus complexes de Peter Handke, il a été salué à sa publication en Allemagne comme un coup de maître du grand écrivain autrichien.

Un ancien gardien de but se croit licencié de l'entreprise où il travaille et il quitte tout. Son errance finit par se transformer en vraie fuite après qu'il a étranglé une caissière de cinéma. Il va se livrer à de gratuites et dangereuses extravagances, jusqu'au jour où il assiste à un match de football au cours duquel le gardien de but réussit à arrêter un pénalty : sa peur va alors être jugulée.

Cet itinéraire intérieur, aux fausses allures de roman policier, permet à Peter Handke de démontrer sa maîtrise.

Quatrième de couverture

Le narrateur, un écrivain autrichien, trouve à son arrivée aux Etats-Unis un mot de sa femme lui interdisant de la revoir. Il lui obéit, la fuit à travers les Etats-Unis sans cesser de s'interroger sur elle et sur lui-même et en la tenant indirectement au courant de ses déplacements. Lorsque la jeune femme, qui n'a cessé de le poursuivre, finit par le rejoindre, le couple parvient de façon inattendue et spectaculaire au bout de la haine amoureuse et se réconcilie avant de rompre. Dans ce roman d'une grande richesse, Peter Handke renoue avec le " roman de formation " de la tradition allemande.

Gregor Keuschnig, attaché de presse à l'ambassade d'Autriche à Paris, rêve qu'il a assassiné une vieille femme. D'un seul coup, au réveil, il sent qu'il ne fait plus partie de rien. Etranger au monde qu'il considère soudain comme pseudo-réel, il s'attache alors, pour le récupérer, à l'observer avec une scrupuleuse attention et à dresser un inventaire maniaque des lieux et des faits. Durant deux jours et une nuit, il arpente Paris et regarde, comme pour la première fois, les rues et l'agencement de son propre domicile, ses collègues et les convives d'un dîner, sa maîtresse Béatrice. Il s'accroche autant à des détails - un bruit, une odeur - qu'à des événements ordinairement marquants - telles la rupture avec sa femme Stéfanie ou la disparition de sa petite fille Agnès. Et le monde lui apparaît bientôt dans sa réalité profuse et secrète. Après le rêve, l'heure angoissée du réveil était donc celle de la sensation vraie.

«À la durée, ni essai, ni pièce, ni histoire – à la durée, un poème, comme si elle était un être vivant, corporel, comme si avec elle on pouvait discuter. Le poème comme une offre, une avance, comme s'il fallait seulement que l'un et l'autre disent "oui". Qu'est-ce que la durée,qu'était-elle? Car elle se fonde sur du passé, elle naît, puisque s'est enfui "le plus fugitif de tous les sentiments", dans le présent et devient futur accompli.

Le poème à la durée est un exercice, un exercice spirituel et corporel. La durée n'est pas un cadeau qu'on puisse solliciter, elle est résultat, elle est un état accessible.

Un poème à la durée ne veut rien d'autre que prétendre à ce que l'homme ne peut plus exiger depuis sa "chute". Un déroulement dialectique : reconnaître dans l'éphémère, dans le fragile ce qui est durable et le conserver dans un poème, une œuvre d'art – ce synonyme d'éternité terrestre.»

Existe-t-il des mots pour dire le monde ? Grande angoisse de toute la littérature autrichienne (et particulier d'Hofmannsthal), cette interrogation Durmentait Handke à cette époque.

Il se plaçait pour écrire dans une sorte de no man's land, une île de Mururoa, où les expériences sont ossibles. Et sans vraiment nous regarder en ace, de toute son énergie sensible et inflexible, s'essayait à parler."

Nicole Casanova Le Quotidien, 1980

" Les pièces parlées sont des représentations théâtrales non imagées en ce sens qu'elles ne donnent aucune image du monde. Elles montrent le monde non sous la forme d images, mais plutôt sous la forme de mots; les mots des pièces parlées ne représentent pas le monde comme une chose qui serait en dehors des mots mais plutôt comme le monde dans le contexte des mots eux-mêmes. Les mots qui forment les pièces parlées n offrent pas une image du monde, mais seulement une notion du monde. Les pièces parlées sont théâtrales en ce qu'elles puisent tout naturellement dans le langage réel. Elles se servent uniquement de formes qui, même dans la réalité, sont l'expression de notre nature, c est-à-dire qu'elles empruntent aux formes de langage purement orales. Les pièces parlées usent donc du langage naturel de l'insulte, de l'introspection, de l'aveu, de l'affirmation, de l'interrogation, de la justification, de la dissimulation, de la prédiction, du cri de détresse. Elles appellent la présence d'un interlocuteur, d'une personne au moins, qui écoute. Sans quoi, elles ne seraient pas des expressions spontanées, mais seulement des élucubrations d'auteur. En cela, les pièces "parlées" sont du théâtre. Elles parodient sur le ton ironique tout ce que l'on trouve dans les formes de langage que je viens d'énumérer. "

C'est un coup de tonnerre qui réveilla le comédien, en cette journée qui se terminerait par la Grande Chute. Il s'était endormi chez une femme qu'il retrouverait le soir même, là-bas, dans la mégalopole. Complices ou bien amants, le duo qu'ils forment est encore bien flou aux yeux du narrateur qui suit pas à pas la préparation de "son comédien". Le tournage doit débuter le lendemain, mais il faut déjà quitter la maison, traverser la forêt, puis rejoindre la capitale. Les rencontres les plus étranges se succèdent sans que l'on sache réellement quels personnages existent ou lesquels sont fantasmés. Peter Handke nous saisit par sa plume unique et nous emporte dans une pérégrination poétique. La société, la politique ou encore la nature conversent à travers cette figure de comédien qui se dirige inexorablement vers la Grande Chute. Annoncé tout au long du récit, cet événement mystérieux et angoissant nous hypnotise jusqu'à la dernière ligne de ce très beau livre.

« L'Homme aux bras croisés de Cézanne occupe tout entier le regard de l'auteur, c'est à peine s'il remarque les différentes Montagne Sainte-Victoire dans la rotonde de l'exposition Cézanne, au Grand-Palais. Or, la Montagne Sainte-Victoire, à peine regardée, ne le lâche plus, au point qu'il va à Aix-en-Provence, en suit toute la crête à la recherche de ce "point invisible" à l'œil nu et qui pourtant ne cesse de revenir dans les tableaux de Cézanne. La peinture de Cézanne devient une expérience personnelle, une aventure, un voyage, une réalisation de l'espace. Elle est vécue comme un lieu du corps ; calme et exaltante à la fois, elle fait insensiblement s'éclairer et devenir anonyme le "soi". Regarder un tableau de Cézanne, c'est découvrir les assises du monde.» Georges-Arthur Goldschmidt.

Après une journée entière de concentration sur le vide générateur des formes de l'écriture, l'écrivain descend à travers la ville pour aller au café ; à la nuit tombante, il va de cour en cour, de passage en passage.

Dans la foule, prête à toutes les agressions, ça et là on le reconnaît de façon hostile ou avide. Le collègue écrivain, l'homme qui exige un autographe pour son enfant, la vieille femme tombée dans les buissons au bord d'une route, l'ivrogne au café, autant de rencontres à la fois fortuites, hostiles ou roboratives, mais toujours observées avec une acuité et une précision exceptionnelles. La réalité sous ses yeux s'exacerbe, s'exorbite, s'agrandit, son regard ne cesse d'être celui de l'écrivain : le moindre détail particulier devient une dimension du monde.

Il arrive en retard au rendez-vous avec son traducteur, délivré lui de l'écriture propre par la fidélité à l'écriture d'autrui, et finit par remonter chez lui en pleine nuit, redécouvrant soudainement le tressaillement d'exister. G.A.G.

Quelqu'un - c'est le colporteur - est témoin d'un crime. Etranger au lieu, simple " voyeur ", il est soupçonné. Son attitude l'accuse. Il est poursuivi. Finalement libéré, au lieu de s'éloigner, il reste sur les lieux. Nouveau crime. Suspect de nouveau, il est arrêté, emprisonné. De nouveau libéré, il ne s'éloigne toujours pas. Pris au jeu, soupçonné, allant jusqu'à comprendre qu'il pourrait se soupçonner lui- même, il devient pur constat (comme le livre lui-même). Il enquête. Il découvre un fait caché aux autres. Pour finir, il trouvera le vrai coupable. Ce " roman policier " qui est aussi un " nouveau roman " est en fait mi-théorique, mi-narratif. Chaque chapitre a deux parties. L'une met en avant les principes, l'autre présente la suite de l'action, qui ne confirme que rarement ces principes. Ouvrage rapide, laconique, où se rencontrent cependant, en passant, certaines réflexions qui ont valeur d'aphorismes, Le colporteur, comme les pièces-happenings dont il est l'auteur, place Peter Handke parmi les écrivains majeurs de la littérature allemande contemporaine.

« Lucie, en réalité, s’appelait autrement. Mais elle ne voulait pas s’appeler comme elle s’appelait vraiment. Elle aurait voulu s’appeler Theodora, Aurora, Renata, Jelena ou simplement par exemple Lucie. Aussi s’appelle-t-elle maintenant Lucie dans cette histoire.

Lucie n’avait en réalité que sept ans. Mais pour l’histoire qui lui arrivait, il fallait qu’elle soit un peu plus vieille. Et, au début de cette histoire, elle venait de fêter son dixième anniversaire. »

Un court roman mystérieux et surprenant, écrit par l’un des principaux écrivains de langue allemande d’aujourd’hui, à découvrir en édition bilingue.

" Vous avez été notre chanteuse d'avant-hiver. Après vous il ne nous reste que le chemin du retour. Maudit chemin du retour. Même long-temps après minuit. Même vers mon hangar à bateaux au bord du fleuve. Mes parents étaient des Indiens. Ah si j'étais un Indien. Si j'étais un Indien, je saurais où aller, matin comme soir, jour comme nuit. Seulement mes parents sont morts. Et les Indiens sont dans un autre pays. Et tous les Indiens sont morts ". La voix de la cantatrice ne cesse de résonner lorsqu'elle descend de scène. Elle part rejoindre à grands pas une région chère à son passé, le " coin mort ". Parmi tous les émigrants, elle ne peut qu'avancer vers l'horizon sombre qui l'attire. Cette cité à la nudité saline, peuplée de réfugiés du monde entier, est construite autour de Kali, une mine de potasse. La Troisième Guerre mondiale fait rage, et c'est au milieu de cet absurde enfer sans diable que la chanteuse tente de retrouver un enfant disparu. Mais lorsque l'homme vit sous terre, loin du ciel qu'il méprise, lorsqu'il ne veut plus voler ni même rêver, il reste bien peu des quêtes et de l'amour... Peter Handke nous emporte dans une errance extraordinaire avec. pour simple guide, une voix à l'ambiguë lucidité. Voyage aux contrastes déroutants, la lumière n'a plus de légitimité dans ce parcours chaotique où la langue et les sons se tordent pour explorer à tâtons un monde qui ensevelit. Et étouffe.

«Andréas Loser, professeur de lettres dans un lycée de Salzbourg, est archéologue amateur à ses heures, spécialiste du dégagement des seuils des maisons antiques. En disponibilité ou en congé, on ne sait, il se rend à l'autre bout de la ville à une partie de tarots sur le Mönchsberg, l'un des "monts de ville" de Salzbourg. En route il surprend l'Ennemi, un dos, en train de peindre des croix gammées sur les arbres. Le monde alors s'obscurcit, toute lumière s'en retire et il ne reste que le meurtre - mais en est-ce même un ? -, simple geste de mort dans un monde mort. L'ennemi une fois jeté par-dessus bord, la partie de cartes a lieu, mais autrement que d'habitude. Désormais le monde est décalé, déjanté. S'il n'y avait le cri de l'enfant débile et s'il n'y avait le meurtre, une perception nouvelle, une autre façon de voir seraient possibles. Le livre montre cela : la vie, les choses après la Révélation de l'imperceptible différence.» Georges-Arthur Goldschmidt.

L'histoire du crayon

[Die Geschichte des Bleistifts]

Trad. de l'allemand (Autriche) par Georges-Arthur Goldschmidt

Collection Du monde entier, Gallimard

Parution : 03-11-1987

«Dans ce livre fait de notes prises par Peter Handke pendant qu'il écrivait Histoire d'enfant et Par les villages, le fragmentaire devient continu, comme une épopée dont la trame resterait en filigrane. On assiste à la naissance de l'écriture, à son éclosion, que chacun peut ainsi revivre. Insensiblement, vie quotidienne et création littéraire se confondent, et le lecteur voit l'œuvre germer en lui-même : il est, grâce à ces notes, ramené à ce moment initial où elle est sur le point de se faire. Ces pages restituent pour chacun cette frange exactement située là où l'intuition devient texte, où s'opère cette métamorphose qui fait apparaître hommes et paysages. Il s'en dégage une façon nouvelle et très simple de voir le monde : à la fois offert à la vue de tous et toujours à redécouvrir.»

Georges-Arthur Goldschmidt

264 pages, 140 x 205 mm

Achevé d'imprimer : 12-10-1987

Genre : Essais Pays : Autriche

Époque : XXe-XXIe siècle

ISBN : 9782070711642 - Gencode : 9782070711642 - Code distributeur : A71164

Un journal (novembre 1975 - mars 1977)

[Das Gewicht der Welt]

Trad. de l'allemand (Autriche) par Georges-Arthur Goldschmidt

Collection Du monde entier, Gallimard

Parution : 21-02-1980

«Ce journal de Peter Handke couvre une période de deux ans ; il ne raconte pas d'événements mais fait part de toutes les impressions ressenties, à mi-chemin de l'âme et du corps. Leur succession établit l'histoire de l'auteur, mais devenue comme anonyme à force d'intimité. Supposer que ces notations se succèdent au hasard et qu'on pourrait en modifier la disposition ou même en isoler des fragments, ce serait en négliger le "vécu", ce serait en détruire le déroulement et la durée qu'elles restituent. Ici la figure de l'écrivain se trouve "désacralisée", rendue à sa simple dignité humaine. Contrairement à l'usage, le lecteur ne se voit pas donner des leçons, il n'est pas écrasé par la rhétorique ou par l'autorité littéraire, mais simplement ramené à lui-même par une écriture comme issue de lui et qu'il reconnaît, au point d'avoir l'illusion de pouvoir être l'auteur de ce qu'il lit.

La grandeur de Handke, c'est son exacte simplicité, c'est son effort de réflexion, c'est aussi son attention à ce qui affleure sous la vie quotidienne, repérée à ce point exact où elle est universelle.»

Georges-Arthur Goldschmidt.

Peter Handke

À ma fenêtre le matin

Carnets du rocher 1982-1987

Der Doppelgänger

Traduit de l'allemand (Autriche) par Olivier Le Lay

496 p

ISBN : 978-2-86432-468-3

Parution : mars 2006

Les lignes qui composent ces carnets ont été écrites lors des cinq dernières années d’un séjour de huit ans à Salzbourg, Autriche. Ce sont là, avant toute chose, notes, perceptions, réflexions et questions, nées d’une période de sédentarité où j’ai habité mon pays, ma terre natale, où j’ai travaillé et aussi, partant, beaucoup musardé.

En recopiant ces notes salzbourgeoises, ces instants et ces heures, j’ai dû supprimer les trois-quarts du texte de départ : en règle générale des citations de lecture, la plupart des rêves, de nombreuses descriptions, la majorité des points de vue (j’en ai reproduit malgré tout quelques-uns, surtout, comme on l’imagine, afin de donner au lecteur des verges pour me battre). Pour tout dire, je n’ai presque rien changé aux notes qui ont donné naissance à ce texte.

Ce recueil s’est attaché exclusivement au lieu, dans toute son ampleur, ainsi qu’à ses ramifications, discrètes et moins discrètes, aux endroits où les instants sont nés pour prendre forme : à la sédentarité.

Et si je devais donner une idée de ce qui constitue la singularité de ces carnets, je dirais peut-être ceci : des maximes et des réflexions ? non, plutôt des reflets ; des reflets, involontaires, pour ainsi dire circonspects ; des reflets nés d’une circonspection profonde, fondamentale, et qui veulent osciller à leur tour, osciller aussi, par-delà le simple reflet, si loin que porte le souffle.

P. H

Quatre personnages anonymes, une femme, un soldat, le joueur et le vieil homme, réunis par l'aventure de l'espace quotidien le découvrent au fur et à mesure qu'il s'étend devant eux : le plus proche devient un paysage lointain, un terrain vague devient l'immensité, une étendue dénudée le désert. À chaque pas naissent des paysages inconnus,c'est le regard qui les fait apparaître. Les endroits les plus banals deviennent des terres inconnues. Peut-être le voyage s'est-il déroulé à travers un grand pays vide ou aux confins immédiats d'une ville, on ne sait, mais il révèle aux voyageurs les lignes du sol, sa consistance, ses dimensions et les transforme en lieux d'être.La fin du voyage, aussi fortuite que le début, sépare ce groupe rassemblé par le visible et rend chacun des voyageurs à sa solitude initiale. Le «guide» qui les a conduits est peut-être l'absence. Ce qu'ils ont en commun, c'est ce qu'ils ont vu.Georges-Arthur Goldschmidt.

Ce roman est la première œuvre de Peter Handke. Manifeste dirigé contre une certaine impuissance de la littérature à décrire la réalité, c'est aussi un roman d'apprentissage de l'écriture, et il s'inscrit par là dans la grande tradition qui, dénonçant l'érosion du langage et son inadéquation profonde, le régénère et invente un style. La contradiction est maintenue entre l'investigation obstinée d'une réalité qui se dérobe et l'exploration systématique des ressources qu'offre le langage pour la transmettre : un homme tente de reconstituer un livre qu'il a lu ou qu'on lui a raconté, sans qu'on sache si ses souvenirs renvoient à ce livre hypothétique ou à des événements de sa propre existence, ni si ce qui le touche n'est pas en réalité ce qui arrive au héros aveugle du roman ainsi fragmenté. Ces interférences aux frontières indécidables de la vraisemblance dans le récit comme dans la réalité qu'elles présupposent sans jamais la garantir font jouer les glissements subreptices des différentes surfaces narratives comme autant de miroirs déformants interposés à plusieurs niveaux de notre perception. L'«inquiétante étrangeté» de ce texte tient précisément à cette constante alternance entre une réalité minutieusement décrite, celle de la mort d'un frère du héros, obsédante dans sa densité, et sa dissolution aussi soudaine dans la futilité, l'ironie, la fadeur d'un monde désespérément lisse.

Dans le dernier volet du polyptyque qu'il consacre à l'exploration littéraire de notre quotidien (après Essai sur le Lieu Tranquille, Essai sur la journée réussie, Essai sur le juke-box et Essai sur la fatigue), le grand écrivain autrichien narre la vie d'un ami «fou de champignons» et transforme le cœur des forêts en lieu d'enchantement. Peter Handke atteint un degré de sensibilité et de précision, une attention au détail qui n'ont que peu d'équivalents dans le paysage littéraire contemporain. Assis à sa table, muni d'un crayon, il mue ses pérégrinations à la périphérie de nos existences urbaines en campagnes d'observation et poursuit rigoureusement le mot juste. À la recherche du miracle dans le profane, de ces moments d'exaltation intense où les choses simples se révèlent étincelantes, Peter Handke fait émerger l'utopie du plus ténu.

Depuis son enfance, Alexia aime à voler des fruits dans les jardins, les vergers, les parcs. Au fil des années, cette activité est devenue son identité, sa manière de vivre presque vagabonde dans un monde où elle essaye de trouver peu à peu sa place. Sur les traces de sa mère disparue, elle poursuit ses détours au coeur des terres de Picardie dans un voyage aventureux au cours duquel, comme le dit l'un de ceux qu'elle rencontre, elle apprend sur elle-même : "Tu reviens d'un combat, tu reviens de la guerre, une double : l'une dans laquelle tu t'es bien battue, et une autre où personne ne peut donner des coups : la guerre avec toi-même. Pour l'heure, à celle-ci aussi, tu as survécu, et les deux guerres t'ont fait t'épanouir."Attentif aux lieux, aux trésors cachés de la nature, au quotidien encore peu exploré d'une région, aux turpitudes et aux joies qu'une jeune femme de notre époque peut traverser, Peter Handke exprime dans La voleuse de fruits une vision personnelle et acérée de notre société, doublée d'un hommage à la famille, dans une histoire aussi vaste qu'introspective.

Le 6 mai 2008, Peter Handke s'envole vers l'enclave serbe de Velika Hoca, dans le sud du Kosovo. Irrité par les comptes rendus déconnectés de la réalité qui ont paru dans la presse allemande, notamment, il a hâte de voir de ses yeux ce qu'il advient de ces gens qui vivent désormais sous la juridiction albanaise. Il décèle des changements inquiétants : refus du bilinguisme, cartes géographiques faussées, destruction de bâtiments du patrimoine culturel orthodoxe, difficultés d'approvisionnement, pénurie d'eau, situation économique précaire, taxes exorbitantes, non-respect des droits de propriété... La liste est précise, longue, confondante... Mais Handke discerne aussi un désir de paix dans les deux secteurs, albanais et serbe, de la ville de Mitrovica, la beauté des vignobles et des champs de blé sous le soleil de mai, le chant des coucous omniprésents...

"Il est temps de mettre les choses au clair : les lieux tranquilles, tels et tels, ne m'ont pas seulement servi de refuge, d'asile, de cachette, de protection, de retrait, de solitude. Certes ils étaient aussi cela, dès le début. Mais ils étaient, dès le début aussi, quelque chose de fondamentalement différent ; davantage ; bien davantage. Et c'est avant tout ce fondamentalement différent, ce bien davantage qui m'ont poussé à tenter ici, les mettant par écrit, d'y apporter un peu de clarté, parcellaire comme il se doit." Après Essai sur la fatigue, Essai sur le juke-box et Essai sur la journée réussie, des textes inclassables qui ont contribué à le rendre célèbre, le grand écrivain autrichien poursuit ici son exploration littéraire de notre quotidien, et ce quatrième opus de la série surprend le lecteur autant qu'il le séduit.

Un homme de la quarantaine, héritier d' une lignée d'émigrés slovènes en Carinthie, "raconte" le voyage qui l'a mené, à vingt ans, sur les traces de son frère disparu en Yougoslavie. De l'Autriche au golfe de Trieste, par les vallées, les tunnels, les voies ferrées et les autocars, cette "montée" au centl'e du Karst est aussi un voyage initiatique que rythment les images, les barres horizontales et verticales, notamment, de ces anciens parcs et passages à bestiaux préfigurant les stries de l'écriture. Car c'est au fond d'une entrée dans la vie qu'il s'agit, dans la Vie majuscule : d'une éducation scripturale qui permet au narrateur de traverser, au lieu des miroirs, les fenêtres aveugles. De l'exil vers le Royaume, vers l'identité du Récit, de l'Écriture, plus cristalline que jamais.

C'est comme si un seul objet pouvait résumer le monde et la façon dont il vient à vous. Dérisoire et suranné, le juke box devient pourtant mémoire. Tout se met en place autour de cet objet, les lieux, la ville, les évènements de la vie eux-mêmes. Il n'est pas sûr que ne soient grandes que les grandes choses : des objets tels que le juke-box n'ont jamais joui de la moindre considération peuvent soudain contenir tout le poids du monde. C'est autour d'eux que les faits et gestes, que la vie toute entière se disposent par étapes. Dès lors, dans la petite ville d'Espagne où il tente d'écrire son " Essai " l'auteur se voit se déployer ce qui l'entoure. Tout le visible, les choses, et les gens ramènent au juke-box qui est comme le centre de la mémoire puisque c'est autour de lui dans l'adolescence que le monde prit forme.

Immer noch Sturm, publié en allemand en 2010, s’inscrit dans la continuité des grands récits au souffle épique – à la John Ford – écrits par Handke ces dernières années. Mais, comme l’écrit un critique de l’influent Neue Zurcher Zeitung, ce texte peut aussi apparaître « comme la fin d’une ligne qui passe par son précédent coup de génie, Le Malheur indifférent, et son meilleur roman à ce jour, Le Recommencement ».

Ce texte, d’une exceptionnelle qualité littéraire à laquelle rend justice la traduction d’Olivier Le Lay, est construit comme une succession de monologues alternés où interviennent sept personnages : le narrateur (« moi ») qui se présente comme un vieil écrivain, auquel Handke prête de nombreux traits de sa propre biographie, la mère, les grands-parents maternels, les trois frères et la sœur de la mère.

Le narrateur va à la rencontre des personnages qui surgissent du passé et racontent leur histoire, depuis 1936, chaque voix conservant sa singularité. Récit d’une tragédie familiale – deux des trois oncles maternels sont morts pendant la guerre – c’est aussi l’épopée d’un peuple, le peuple slovène, emblématique des éternels perdants de l’Histoire, de sa résistance à l’occupation nazie et à la germanisation, et une nouvelle réflexion de l’auteur sur ses origines et sa propre biographie.

La pièce Gaspard, nous dit Peter Handke, « montre comment, en parlant, on peut amener quelqu'un à parler ; elle pourrait aussi s'appeler Torture verbale ». Né sur la scène et ne vivant que sur scène, Gaspard apprend peu à peu à faire l'expérience du monde, par le biais d'accessoires et d'objets usuels qui ne signifient rien.

Les personnages de cette pièce de Peter Handke, ce sont les comédiens eux-mêmes, les acteurs qui l interprètent : individus et non stéréotypes qui s interrogent sur leurs rapports avec leur vie, leur métier, les problèmes de la création, l intervention du concret... Jusqu à ce qu ils finissent comme pétrifiés après l irruption d une comédienne jouant le rôle d une femme de ménage, mais qui porte dans ses bras un bébé hurlant : ils étaient déjà morts et ils l ignoraient, de même que le cavalier d une ballade célèbre en Allemagne tombe foudroyé lorsqu il s entend dire que ce lac de Constance dont il cherchait à atteindre la rive, il vient d en traverser sans le savoir la surface gelée.

C'est en mars 1998 que Peter Handke s'est rendu pour la première fois à La Haye afin d'assister à quelques-unes des audiences du Tribunal pénal international consacré aux crimes commis dans l'ex-Yougoslavie. Quatre ans plus tard il y est retourné à l'occasion de l'ouverture du procès de Slobodan Milosevic, puis six mois après, quand les journalistes et les équipes de télévision étaient passés à autre chose.

Toutefois, Handke n'écrit pas ici en chroniqueur judiciaire, ce qui l'intéresse, c'est de débusquer la réalité qui se cache derrière les récits, ceux des témoins, par exemple, qu'il rencontre au hasard dans les différents hôtels autour du tribunal. Mais les images du procès l'interpellent aussi, où juges et procureur font figures de héros de séries policières télévisées. Et pourquoi les personnages borderline des romans de Chandler et de Hammett surgissent-ils alors dans son esprit ? C'est que, dans ces lectures d'adolescence, Peter Handke a entrevu l'incertitude qui entoure le coupable comme le justicier, et que la littérature a décidément quelque chose à dire sur cette affaire-là. Mais existe-t-il témoin plus suspect qu'un écrivain ?

Ceci n'est pas un recueil d'essais. Il est probable que ne s'en dégage aucune image du monde donnant lieu à dissertation ; tout au plus serait-il possible d'y observer une sorte de crainte, croissante au fil du temps, devant les rituels de la théorie critique cultu­relle dont j'ai encore fait étalage au début avec un certain sans-gêne. Par la suite, j'ai essayé en revanche de décrire davantage, organisant les diverses observations de sorte qu'elles puissent parler d'elles-mêmes à la lecture sans ôter, dès la première phrase, toute possibilité de découverte personnelle au lecteur doté du schéma habituel d'analyse et de critique. La description des Légendes de la forêt viennoise de Horvath, par exemple, n'est pas une paraphrase, mais une sélection consciente de certaines phrases de la pièce. Elles sont censées être le commentaire de la conscience qui s'y trouve for­mulée.

Pour moi qui n'avais jamais écrit que des histoires, le travail sur quelque chose, sur un thème, m'était plutôt étranger. Si je l'ai entrepris, c'est seulement parce que j'avais besoin d'argent. La radio payait 300 schillings par feuilleton de 15 minutes. Il me serait parfois venu davantage de choses à l'esprit, mais j'étais obligé de m'interrompre au bout d'un certain nombre de lignes : on le remarque à la lecture des feuilletons sur les dessins animés et sur le cirque. J'étais incapable d'en écrire autant sur le football, et j'ai plutôt bluffé pour arriver à mes 300 schillings. Pourtant je n'ai pas écarté ce texte du recueil, car on y trouve aussi certaines descriptions plus minutieuses. De tous les textes réunis dans ce livre, je n'ai en fait écrit vraiment spontanément que Les Tautologies de la justice. Friendly Cartoons est le titre d'une série américaine de dessins animés : sous ce titre générique, on peut lire beaucoup de choses de ce recueil.

Eminent chef d'entreprise, Hermann Quitt invite un jour ses pairs afin de mettre fin à une guerre des prix et déterminer une politique commune favorable à l'économie de marché. Mais bien vite, ce personnage complexe confesse son absolue tristesse face à une situation sans issue, et éprouve un profond sentiment d'inactualité. En décrivant le monde des rivalités économiques, c'est bien la condition humaine que dévoile Handke ; cette condition où, face à l'angoisse, chacun finit par éprouver la tentation de la déraison. Né en 1942 à Griffen, Peter Handke est un romancier, dramaturge, scénariste, réalisateur et traducteur autrichien. Dès 1966, il rencontre un immense succès avec la publication d'Outrage au public. Sa collaboration avec le cinéaste Wim Wenders, qui adapta à l'écran plusieurs de ses romans, est mondialement célèbre. Auteur d'une production littéraire riche et foisonnante, à la recherche de la vérité et de l'être du langage, Peter Handke a reçu de nombreux prix (prix Ibsen en 2014 en récompense de l'intégralité de son oeuvre, prix Würth de littérature européenne en 2016). Son théâtre est publié à L'Arche.

L'action se déroule sur une route départementale, "le dernier chemin encore libre sur la terre, le dernier non étatisé, non socialisé, non cartographié, non botanisé endroit de la planète". C'est là que coexistent le moi épique et le moi dramatique. Tous deux vont rencontrer les "occupants", arrivant seuls ou à plusieurs et formant la tribu des innocents, ainsi que leur chef, sa femme, et enfin l'inconnue, "l'espérée, la désirée depuis longtemps".

Le théâtre : une sorte d'enclave sous un ciel limpide. Elle est déserte. Se détache un grand-père presque nu, entouré de deux femmes près d'accoucher. « Vengeance ! Vengeance ? Justice ! » sont les trois premiers mots prononcés par le grand-père. L'ère lumineuse d un horizon fermé, l'étendue paisible d une enclave, la tranquillité d un petit peuple sont révolues. La guerre s'infiltre, des frères meurent pour des armées étrangères et des femmes mettent au monde des enfants dont on ne connaît guère les pères. L'espoir, par qui et par quoi pourrait-il surgir ? Pablo et Felipe, bien qu'encore dans le ventre de leurs mères, sont destinés à rendre à leur peuple son histoire et sa justice, et par là épargner le déclin à leur enclave. Tandis que Pablo est appelé à devenir roi, Felipe essaie de récrire l'histoire. Ses efforts, ses écrits restent vains, il n'arrive pas à vaincre l'absence de tout sens historique. C est seulement lorsque Pablo revient du vaste monde que l'espoir s installe. Pourtant la « Section des Pourchasseurs d espace », cette bande d'inconnus, se fait de plus en plus menaçante.

Dans tout ce qui entoure quelqu'un, soudain un fait insignifiant peut se détacher de tout le reste et contenir ― bien qu'en étant décrit ― toute l'amplitude du champ du monde. Des gestes quotidiens : le chargement d'un navire, des faits insignifiants : la neige qui tombe, et soudain tout se transforme, devient gigantesque, fait naître un tout autre regard. Un voyage mène l'auteur de Yougoslavie au Japon et en France mais le voyage qui importe est partout visible, partout à découvrir.

Une journée peut être vaste comme le monde, longue comme te temps même, elle dispose alors, à son rythme, selon sa propre " ligne de beauté et de grâce ", comme sur une gravure de Hogarth, ce peintre anglais du XVIIIe siècle. Mais la réussir c'est réinventer toute la poésie du monde et faire que l'histoire n'ait pas été, comme un premier jour. Cette journée réussie toujours en suspens, on ne cesse de la voir en filigrane à travers toutes les autres. Les faits et les choses vues les plus minimes, conduits par une sorte d'émerveillement franciscain, retrouvent l'immensité perdue qui les a fait naître. Ils sont pourtant à tout instant menacés de se perdre. C'est entre Saint-Cloud et le Val d'Or, dans le virage du RER au- dessus de Paris, que le monde peut aussi bien se déployer que se défaire. Avec ce livre, se clôt le triptyque inauguré par l'Essai sur la fatigue et continué par l'Essai sur le juke-box.

Le train souterrain traverse la ville de part et d'autre. La distance entre les stations donne son rythme au trajet, les intervalles sont plus ou moins longs. Dans un des wagons un homme sauvage attaque les passagers par ces mots : Et encore vous. Et encore devoir être parmi vous. Alléluia ! Miséréré. Marée basse sans marée haute. Si au moins vous étiez des malfaiteurs. Personne ne répond. C'est seulement quand une femme sauvage monte à son tour que la donne change...

Au moment où les généraux de l'OTAN et de l'armée serbe s'entendaient à Kumanovo sur une possibilité de paix, le rideau tombait au Burgtheater de Vienne (mercredi 9 juin 1999) sur la première de cette pièce de Peter Handke qui parle de l'impossibilité d'écrire sur la guerre. De quoi y est-il question ? Dans le hall d'un hôtel d'une petite ville des Balkans, deux metteurs en scène préparent un film, " dix ans après la dernière guerre ". Le scénariste a disparu, restent " quelques lignes directrices tracées par le Comité mondial pour l'éthique ". Défilent alors les personnages susceptibles de jouer dans le film qui ne verra jamais le jour. Des gens du village ou des environs, dont l'égaré, le " coureur des bois " qui ne peut plus entendre les mots " mon voisin ", " coexistence pacifique " ou " droits de l'homme " sans avoir envie de trancher une gorge. A travers lui, Peter Handke proclame sa détestation des " hyènes humanitaires ", des experts internationaux, des historiens et, bien sûr, des journalistes. Tous ont créé la réalité de la guerre dans les Balkans selon leurs représentations, ou plutôt selon les directives de la centrale monopolistique de production de la vérité. Le peuple a disparu et le pays aussi, dont le nom -Yougoslavie -n'est plus que chuchoté, au profit d'une " situation " que les experts internationaux maîtrisent.

Sans questions, sans musique ! Je ne connais de belle absence de questions que dans la fatigue... Jadis l'avenir n'était-il pas un continent ? Et la question des questions, en tout cas de mon temps. "Que devons-nous faire ?" Et pourquoi ce continent est-il de nos jours réduit à ton, à mon îlot-questions : "Que dois-je faire moi, moi tout seul ?" Où a disparu notre communauté avec tous ceux qui s'en allaient partout ? N'étions-nous pas jadis tous réunis dans le tremblement, fût-ce celui des nappes en papier dans un jardin d'auberge abandonné, la nuit, à la sortie d'une ville ? "Paresseusement s'effaçait de la corniche du toit la fable d'enfance de l'hirondelle successive" ? Qui pourrait appeler les temps actuels une époque ?

Une jeune femme, à la tête d'un empire financier, quitte un matin sa grande ville d'Europe du Nord pour rejoindre la Manche, région aride et sauvage rendue illustre par Cervantès. Elle veut y retrouver l'auteur qu'elle a chargé d'écrire sa biographie et qui vit retiré là-bas depuis des années. Chemin faisant, la princesse de la finance s'adresse en pensée à son auteur, l'interroge, prévient ses questions, ses remarques, ses objections. Elle évoque sa fille adolescente, indépendante et fugueuse, son jeune frère, en prison pour terrorisme, et son ancien compagnon, loin d'elle depuis des années. Arrivée enfin dans le palais de gentilhomme campagnard où vit l'auteur, elle s'installe au coin du feu pour raconter en détail sa traversée de la Sierra de Gredos. L'auteur n'a plus qu'à écrire le roman de cette femme, l'histoire de la perte de l'image - et de sa redécouverte. Don Quichotte montrait qu'à l'effondrement du monde médiéval succédait l'effondrement de sa reproduction factice ; de même Handke nous dépeint une société moderne parvenue à la fin d'un cycle, sevrée d'authenticité et totalement inféodée à l'artifice. La tâche de l'écrivain, en cet entre-temps , consiste à frayer la voie, coûte que coûte, vers des images nouvelles et vraies, pour sauver ce qui peut l'être d'une certaine grâce du monde.

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode