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Tous les livres de Richard Millet

" Ce n'était plus la guerre fantomatique à quoi, depuis mon arrivée à Beyrouth, je m'étais habitué et qui ne venait pas: ce n'était plus du roman devenu vague rêverie au fond de l'ennui; c'était l'essence même de toute littérature : la guerre, violente. exigeante. dangereuse. enivrante, aussi. car j'y ai retrouvé les gestes qui étaient les miens, enfant, dans les bois de Siom, quand je jouais à la guerre et que je mourais ou tuais avec une ivresse qui me laissait croire que j'étais la proie d'autre chose que de la lièvre du jeu. Mais à Beyrouth, cette nuit-là, au premier étage du magasin que nous devions tenir, dans le bruit des armes, les éclats, l'odeur de poudre, d'huile et de métal chaud, je sentais les autres miliciens bien plus proches de moi que mes anciens compagnons de jeu. Tout ça me plaisait dans une dimension inquiétante, voire terrifiante du plaisir : celle qu'on connaît dans les très grandes amours. "

À la fin du XIXe siècle, dans le haut Limousin, territoire disgracié de la France rurale, un jeune homme, Antoine Coudert, fils naturel d’une simple d’esprit et d’un inconnu, affligé d’un pied-bot, pauvre de surcroît, découvre les gestes et la technique qui feront de lui un photographe ambulant. Il était né en 1866 et s’est suicidé en 1910. Retrouvées dans le grenier de la mairie d’Aix-la-Marsalouse, ses plaques témoignent d’un singulier souci de donner à voir ce qui n’avait pour ainsi dire pas d’image: une population appelée à disparaître dans les décennies à venir.

L’art du bref n’est pas une biographie d’Antoine Coudert, ce photographe dont on ne sait presque rien et dont l’existence tragique a quelque chose des héros de Faulkner. Parler de lui, c’est se vouer peu ou prou à la fiction. C’est entrer dans un songe noir pour y chercher de la clarté. C’est enfin réfléchir sur la photographie, laquelle n’est peut-être pas un art – ou alors un art par défaut, un art modeste, un art du bref.

Avec des dessins de Philippe Ségéral

" J'ai vu s'éteindre, à Siom, sur les hautes terres limousines, entre les années 60 et le début de ce nouveau millénaire, le monde rural dans lequel je suis né. J'ai vu finir une civilisation qui avait duré des siècles. Ils sont tous morts, les Bugeaud comme toutes les grandes familles siomoises, et c'est pourtant parmi eux, hommes et femmes que j'ai vus vivre et que je croyais immortels, que j'erre aujourd'hui, perdu ou sauvé par l'écriture, ombre parmi les grandes ombres de Siom. " Entre un père inconnu et une mère absente, ce fils de personne grandit à l'ombre de fantômes, errant plus souvent entre les livres et les absents qu'avec ceux de son âge. Le temps d'une nuit, pour sa jeune amante, il déploie le passé de sa terre natale, des lieux et un monde disparus " puisqu'ils n'existent que dans la mesure où on parle d'eux ".

Delphine Descaves et Thierry Cecille, jeunes professeurs et critiques littéraires, ont souhaité visiter de plus près les territoires d'un écrivain : Richard Millet. Tous deux ont vécu dans des villes privilégiées de son imaginaire (Beyrouth, Istanbul) et sont allés jusqu'à Viam, son village natal, en Corrèze. Mais c'est dans la parole vive, dans le questionnement, parfois dans la contradiction, que se dessine la figure de l'écrivain. Richard Millet a accepté de se prêter à un échange qui n'a rien d'un exercice d'admiration mais qui, à l'écart de toute pensée consensuelle, propose une vision critique de la littérature contemporaine.

Issu des rudes plateaux de Haute Corrèze, Philippe a 10 ans et il comprend que, seule, la musique pourra tenir à distance les ténèbres contre lesquelles ses ancêtres paysans n'ont cessé de lutter.

Devenu altiste international, il fait de la musique toute sa vie qu'éclairent cependant brièvement des rencontres féminines. A 40 ans, il rencontre Nicole, troublante et séduisante femme de son âge.

Leur relation, forte, exigeante, est faite de lentes étreintes et de longues conversations au cours desquelles ils mettent au jour leur histoire familiale, peut-être pour mieux saisir un monde rendu opaque par une enfance douloureuse et sans horizon.

Un monde que leur métier et leurs aventures amoureuses les portent à parcourir sans cesse et qu'ils cherchent à pénétrer chacun par son langage propre, par la musique - personnage à part entière du roman - et par la littérature.

Il est professeur dans une banlieue difficile de Paris. Mais ses racines plongent dans le Limousin, au coeur de la province française. Dans ses classes, les élèves sont durs, violents. Peut-être d'autant plus qu'il est, lui, resté un enfant, l'enfant soumis d'un père tyrannique, l'enfant abandonné d'une mère trop tôt enfuie et qu'il recherche dans chaque femme. Lauve, Lauve le pur, est à jamais du côté de ceux qui ont tout perdu, qui ont toujours tort, ni là ni ailleurs : intellectuel pour les paysans, provincial chez les Parisiens, faible parmi les forts, innocent avec les innocents.

Et si la création artistique reposait sur une imposture? L'un des plus beaux mythes antiques nous rappelle qu'il est dangereux de regarder derrière soi. Le regard qu'un jeune compositeur porte ici sur sa vie semble n'avoir d'autre but que d'en finir avec soi comme avec toute Eurydice : d'en finir avec une illusion qui aurait ruiné sa vie. En nous livrant son autobiographie, ce musicien entre dans le désoeuvrement ; il met à jour les mécanismes de son imposture avant de s'abandonner à l'hébétude qui suit tout renoncement , à une sorte d'angélisme, à une délivrance infinie.

Ce village est celui d’André Pythre âgé de douze ans et dont la jeune mère vient de mourir. Cette odeur de mort va lui coller à la peau toute sa vie. C’est la destinée et la descendance de ce jeune orphelin que l’on va suivre à travers trois générations de la famille Pythre.

Avec l’histoire de cette famille, on parcourt la vie rurale du début de XIXe siècle jusqu’à la fin des années 60 dans les petits villages isolés du limousin. Les conditions de vie et d’hygiène y sont précaires, les relations entre les hommes et les femmes inexistantes, et comme l’ordre social repose sur un « patriarcat absolu » la condition des femmes y est inhumaine.

Dans de brefs portraits d'élèves, un professeur de français saisit au vol, avec de vrais bonheurs de style, le moment exquis où la gamine répète, devant le spectateur pédagogue, la scène de la séduction qu'elle jouera à un autre. Que les parents ne s'alarment pas trop, cette chasse subtile est seulement littéraire.

Chacune de ces histoires raconte un secret, et chacune est à l'image du secret qu'elle raconte : retenue et mélancolique d'abord, et puis violente, cruelle, montrant des êtres tourmentés d'avoir à confronter à d'autres leurs fantasmes, leurs souffrances, leurs extases.

" Je suis descendue ouvrir la porte que faisait trembler un semi-remorque chargé de rondins, tremblant moi aussi devant cet homme d'une cinquantaine d'années, un peu plus grand que ne le sont les hommes des hautes terres : quelqu'un d'épuisé, ou qui revient de loin, ou encore un homme revenu de tout ; un homme qui ne s'aimait pas, c'était visible, ma mère m'avait appris à les reconnaître, les plus dangereux, selon elle, car ils exigent tout d'une femme, sans contrepartie, parfois jusqu'au sacrifice suprême.

" Estelle, la narratrice, est serveuse dans un routier, à Saint-Andiau, dans le haut Limousin. Sa vie, à la monotonie désespérante, bascule avec l'arrivée d'un écrivain, qui, après avoir tant attendu de l'écriture, a renoué avec son métier d'instituteur. Elle va projeter sur " le maître " son désir, son dévorant besoin d'amour...

«L'unanimité violente qui s'est créée autour de Désenchantement de la littérature (Gallimard, 2007) et, plus généralement, de ma propre personne montre que non seulement on n'a pas voulu lire ce livre, mais aussi que la littérature reste un objet de scandale. L'affaire relève donc moins de la politique, comme on a voulu le faire croire, que de cette science annexe de la littérature : la démonologie. Oui, les démons sont plus que jamais à l'œuvre parmi nous. Ces forces du mal, la toute-puissance du nihilisme, voilà ce que ce livre tente d'exorciser.»

Il se peut que la démocratie moderne dénie toute grandeur à l'écrivain. Il se peut que la littérature ait chu avec la religion, l'autorité, les pères. Il se peut que nous soyons, nous autres écrivains, des survivants ou, au contraire, des guetteurs de l'aube.

R.M.

« Je m'assois à la table ronde du salon. Je suis là à la demande d'Antoine Gallimard pour examiner, en compagnie de Philippe D., les papiers d'un des écrivains qui ont le plus compté pour les écrivains de ma génération - un de ceux qui m'ont appris à lire, dès l'âge de dix-huit ans, rendant possible le fait même d'écrire, non sans que se nouât un rapport d'identification que la nature d'une certaine façon impersonnelle de son oeuvre donnait néanmoins à combattre. »

- Présentation de l'éditeur - (date de publication : 25 janvier 2007)

" On m'avait assez répété que j'étais laid : il me fallait le devenir, et j'avais, à quinze ans, assez de jugeote pour deviner que tout se jouerait dans le domaine amoureux, à tout le moins sexuel, puisque, je le savais déjà, j'étais de ceux à qui l'amour est refusé, et qui, par conséquent, doivent séparer ce sentiment du désir qui en est la dimension incendiaire, et consolatrice. "

Il était de ces êtres, si incompréhensibles aujourd'hui, qui ont le goût de la solitude : une solitude qui était plus un accomplissement que de la misanthropie ou la contestation de l'ordre social qu'elle est devenue dans une société qui a fait du vivre-ensemble, de la transparence, du festif, de la convivialité, une des figures de la démocratie où les solitaires sont suspects aux vertueux hédonistes du nouvel ordre moral. Mais s'il aimait autant la solitude, c'était qu'il pouvait ainsi laisser libre cours à ce qu'il faut bien appeler son originalité ou ses bizarreries

Nous sommes entrés dans l'ère postlittéraire. Un spectre hante la littérature : le roman, devenu à ce point hégémonique que toute la littérature semble s'y réduire. Le roman tue le roman : le roman international, insipide, sans style, immédiatement traduisible en anglais, ou traduit de l'anglais, l'unique objet d'une littérature sans autre histoire que le jeu de ses simulacres, de ses plagiats, de sa fausse monnaie. Il n'est donc pas question ici du cliché sur la décadence de la littérature française ni de la fin du genre romanesque. mais plutôt de ce qui est né avec Homère et qui relève de ce que. nous autres écrivains, nous continuons d'appeler la littérature. R.M.

"Dans le plateau venteux de Millevaches, là où paissent les vaches et grognent les cochons, la vieille Yvonne Piale narre sa vie, et ses sœurs, au jeune cousin éloigné venu l’écouter.

Yvonne, l'institutrice, l’amoureuse des mots et des livres, est une femme rude et intransigeante mais elle manifeste une douceur toute de protection et de chaleur envers sa sœur Lucie, l’innocente, la simplette au visage d’ange. Et puis il y a la dernière, Amélie, la rebelle, la sauvageonne, celle qui n’a pas de prudence mais acceptera dignement d’en souffrir les conséquences.

Trois vies dont la rudesse du climat, la pauvreté, les travaux et les jours accomplis les dents serrées, la rusticité des hommes et surtout le temps, ce temps inexorable qui désarme les luttes et abat l’amour, creuseront la lourde terre dont se nourrira leur fierté, leur endurance et ce lien de sang, de cœur qui toujours les unira, telles les trois Parques, au sein de ce nom : Piale.

En écho, dans une sorte de contrechant à ce récit, le jeune homme reçoit, chaque soir, la version d’une autre femme de la région, Sylvie, son amante qu’il n’aimera que le temps d’entendre l’histoire jusqu’à sa fin, comme si le temps de l’amour se confondait avec celui de la parole, l’amour étant parole et la parole amour.... "

"Le renard dans le nom" nous révèle une facette supplémentaire de cette "comédie humaine" du bourg de Siom, en Haute-Corrèze, que Richard Millet construit patiemment livre après livre. "Ma vie parmi les ombres" était une longue et lente méditation funèbre, en l'honneur d'un monde disparu, de fermes aujourd'hui abandonnées, de familles éteintes ou parties loin de leur terre d'origine. "Lauve le pur" et "La voix d'alto" évoquaient le sort de deux de ces déracinés, enfants timides grandis en marge de la communauté siomoise, aujourd'hui transplantés à Paris mais poursuivis par la nostalgie de cette terre où pourtant ils n'étaient pas heureux. Beaucoup plus bref et dense que les trois romans que je viens de citer, "Le renard dans le nom" est une tragédie réduite à l'épure, une de ces tragédies où les passions humaines - désir, haine, volonté de vengeance - se révèlent dans toute leur force et leur cruauté: une jeune fille violée et assassinée, et le fils Lavolps - au renard dans le nom - soupçonné de ce crime qui est tué à son tour. Une tragédie qui se déroule au début des années soixante, mais qui aurait pu aussi bien prendre place dans les temps bibliques, "à l'Ancien Testament, au peu qu'en savait Jacques Râlé: à cet "oeil pour oeil" auquel Louis Lavolps avait vainement opposé le "Tu ne tueras point", et à quoi le Râlé avait répondu que ça ne s'appliquait pas à un renard enragé, sans peut-être songer que le père portait le même nom et qu'il était un tout autre renard". L'ombre du Roi Salomon plane d'ailleurs sur ce récit, où les vers du "Cantique des Cantiques" disent l'éveil du désir, et l'ombre de Faulkner aussi car le texte de Richard Millet n'est pas loin d'atteindre à la force de l'épi de maïs ensanglanté et des deux gibets sur lesquels se referment le "Sanctuaire" de l'écrivain américain.

Une tragédie épurée, un texte dense et d'une grande force dramatique. Et une belle occasion de découvrir le style de Richard Millet, ses longues phrases alternant envolées musicales et pesanteur terrienne, de longues phrases où la plume de l'auteur est guidée à la fois par une recherche de précision et par la pure jouissance des mots et de la langue.

Faut-il se lamenter sur le sort du roman français, quasiment absent de la scène internationale ? Pas si sûr quand on mesure à quel niveau d'abêtissement conduit le roman dit "international ". Ainsi Umberto Eco n'a-t-il pas hésité à "réécrire" Le Nom de la rose à l'intention des lobotomisés du Culturel : suppression des citations latines, passages amputés des descriptions, appauvrissement du vocabulaire. Un processus de vulgarisation où seul subsiste le scénario, en attendant le video game. Ce qu'on appelle encore "roman" est ainsi devenu le lieu même de la destruction de la langue et de la littérature. La tiers-mondisation culturelle de la France le proclame de toutes parts. Et quand, à la mise à mort de la littérature, s'ajoute la négation de l'idée de nation, n'est-ce pas au néant qu'on donne droit de cité ? Ainsi, le massacre perpétré par Anders Breivik, en Norvège, loin de constituer l'acte d'un homme seul, encore moins celui d'un aliéné, renvoie les politiques et agents "culturels" au miroir d'une société qui, par-delà le scénario "multiculturaliste", a choisi de renoncer à toute communauté de destin, à ses racines vivantes, chrétiennes, donc littéraires.

«J'ai présumé de mes sens. La ville est là, en bas, et le désir que j'ai d'elle et de mon enfance est à présent si calme que je renonce à rien analyser. Je veux me dépouiller de l'homme que je suis devenu. Je connais la rigueur de l'attente, la joie austère qu'elle donne. J'ai appris à distribuer dans le temps mes émotions, à ruser avec elles. Je sais me rendre maître de mes heures, tout en observant en moi le triomphe du temps. Beyrouth ne se donnera pas d'emblée. Je ne veux pas me heurter à moi-même dans cette nuit où il commence à pleuvoir doucement.»

«Quelque chose s’achève, que je suis encore incapable de mesurer mais dont l’obscur mouvement en moi fait entendre sa rumeur. Je ne serai pas un écrivain français : j’écris ce récit ; je le mènerai à bien ; ensuite je me tairai dans cette langue, moi qui suis pourtant né dans un nom français, Butte, Montana, 1 742 mètres d’altitude. Je reprendrai de la hauteur. Je m’élèverai au-dessus de la langue française que j’aurai sans doute mieux aimée que les Français, qui la négligent, commencent même à l’ignorer, tombent dans le puits où ils s’oublient, comme tous les peuples d’Europe. Je reviendrai à ma langue natale pour y vivre, aimer, mourir. Je dirai la vérité sur mon amour pour Rebecca. Je serai un écrivain américain, c’est-à-dire un homme sans nostalgie.»

Dans un vagabondage souvent personnel et parfois intime, Richard Millet nous rappelle que nous sommes tous les enfants de la Méditerranée.

Bêtise souveraine, perte des valeurs, politiquement correct, doxa littéraire, sous-culture, déchéance de l’esprit critique  : voilà quelques-unes des formes que prend la guerre en cours, aux yeux de l’écrivain qui n’a, aujourd’hui, presque plus de voix, dans un monde où règne l’insignifiance.

D’où ces textes, de nature diverse, le plus souvent brève ou fragmentaire, qui envisagent ce qui s’achève tout en se maintenant comme cadavre : la culture, quasi morte, parce que tuée par le refus d’hériter et devenue le pouvoir culturel.

Il faut donc repenser la figure de l’écrivain comme partisan sans parti, comme témoin animé de la volonté de dire ce qu’il voit, chaque jour, en France et ailleurs.

Richard Millet est écrivain. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont, en 2014, Le Corps politique de Gérard Depardieu (Pierre-Guillaume de Roux) et Sibelius, Les Cygnes et le Silence (Gallimard).

La musique de Sibelius accompagne Richard Millet depuis qu’à Beyrouth, enfant, il jouait à quatre mains la fameuse Valse triste avec son père. Elle ne l’a jamais quitté. Sibelius s’est tu pendant les trente dernières années de sa vie, alors qu’il était devenu un monument national. Le mystère de ce long silence donne une résonance particulière à cette œuvre, hantée par les forces élémentaires et la confrontation avec la nature. Ce livre se veut moins un commentaire musicologique de l’œuvre ou une biographie que l’accompagnement spirituel d’une grande aventure artistique.

Comme les cinq actes d’un drame brutal, les cinq parties de ce court récit se situent loin des terres limousines ancestrales auxquelles Richard Millet nous a habitué ; nous sommes tout près de Paris. Un homme, en proie à ses rêves, se lève avant l’aube. La journée sera ponctuée de visions et d’événements étranges, probables signes prophétiques, nous maintenant sous tension, comme sous une nuée menaçante, jusqu’à la nuit, fatale.

Pendant une année, j'ai regardé naître, croître et finir ce qu'il me faut bien appeler un amour - dans une distance qui fut, pour Laura comme pour moi, la plus singulière des proximités. Nous n'avons peut-être cherché qu'à saisir ce qui se dérobait, elle dans une sorte de jeu d'une douceur parfois cruelle, et moi dans le trouble, l'émerveillement et, pour m'en délivrer, l'écriture.

Plus acerbe que jamais, Richard Millet s’insurge contre l’actuel discours journalistique – consensuel, mou et édulcoré – au sujet des insurrections en Syrie, et nous donne à voir son appréhension, à contre-courant de la doxa occidentale, quant à la portée des événements qui frappent le Proche-Orient.

L’antiracisme, qui est devenu la nouvelle idéologie internationale, se signale en France par la dictature de nouveaux dévots dont le zèle inquisitorial, l’hypocrisie, la volonté de culpabilisation sont particulièrement à l’œuvre dans le milieu prétendu littéraire, où le faux règne en maître. L’écrivain qui s’aventure encore à nommer le réel et en appelle à l’intégrité de son être comme au génie chrétien de la nation, celui-là est non seulement traité de « réac » ou de « facho », suivant la typologie héritée de la Propagande communiste, mais il est surtout accusé de « racisme » : criminalisation de la pensée, pour laquelle il encourt l’ostracisme, la censure, le tribunal. La plupart sont amenés à se taire, ou à bêler avec les brebis pénétrées par le Bien. Quelques-uns parlent, cependant, comme Richard Millet qui, à l’accusation de « racisme » lancée contre lui par le parti dévot, répond que l’antiracisme est une terreur littéraire, c’est-à-dire un des vecteurs du Faux, et une vraie forme de racisme visant à éradiquer cette vérité qu’on appelle littérature, donc la vérité sur le monde.

Un écrivain notoire et misanthrope se rend à Siom, en Limousin, d’où il est originaire, pour y rencontrer une jeune Libanaise qui travaille à une thèse sur la place de la femme dans son oeuvre. C’est surtout du rôle des femmes dans sa vie qu’il sera question, au cours de ces conversations nocturnes sur l’impossibilité de l’amour, le sexe comme art ou comme damnation, la littérature, la musique, la France, la mort de l’Europe, le Liban, la Suède enfin où, pendant quelques heures, l’écrivain a été le lauréat du prix Nobel de littérature, c’est-à-dire au coeur de ce théâtre de chair et d’ombre, dérisoire et irremplaçable, qu’est l’existence.

À Paris, un écrivain qui approche de la soixantaine tombe amoureux d une cantatrice russe beaucoup plus jeune. Rencontre entre un homme de l'ombre et une diva ; rencontre difficile, dans laquelle intervient aussi la fille de la soprano, Dolores, 16 ans, venue d'Amérique. Nouvelle Lolita ou adolescente en quête de parents, la jeune fille les amènera devant leurs propres gouffres.

On retrouve ici le personnage de Pascal Bugeaud, double de l'auteur, cette fois placé devant une interrogation inédite : la cantatrice est-elle sa dernière passion, ou Dolores une autre figure amoureuse ? Est-ce pour lui la fin de l'écriture, ou bien, grâce à la musique, le début d une nouvelle vie ?