Brûlante confrontation

Chapitre 1

Ella Montgomery pressa le front contre le petit hublot avec la sensation désagréable que son estomac était en train de lui remonter dans la gorge. Le sol se rapprocha à toute vitesse tandis que le pilote exécutait une sorte de glissade en zigzag à travers les alizés.

Les voyages en avion lui rappelaient toujours à quel point la vie était fragile. Elle tenait à peu de choses, finalement : un moteur qui tombe en panne, une erreur de trajectoire, un coup de vent inattendu… et votre billet aller-retour se transformait subitement en aller simple, sans possibilité de remboursement. Ni de réclamation.

Ella retint sa respiration. Les pneus du minuscule appareil touchèrent sans douceur la piste d’atterrissage, et les ailes ployèrent sous la résistance de l’air comme si le métal venait de se changer en caoutchouc. Des poules détalèrent en mode sauve-qui-peut, le cou tendu par la panique. Un coq agitait fébrilement les ailes pour ne pas se laisser distancer par ces dames.

Le pilote actionna le frein moteur, propulsant tous les passagers en avant. Ella agrippa les accoudoirs d’un siège aux dimensions conçues pour la morphologie de passagers de moins de treize ans et serra les dents, tandis que le petit bimoteur soulevait un nuage de poussière évoquant davantage une piste du Far West que sa destination réelle : l’île paradisiaque de Bora Bora, en Polynésie française.

Le Cessna avala en cahotant la courte piste d’atterrissage avant d’effectuer un virage brutal en direction du minuscule aéroport privé. Deux employés déchargeaient les bagages d’un petit avion immobilisé un peu plus loin. Le premier, accroupi dans le ventre de l’appareil, balançait les valises à l’extérieur pendant que le deuxième les attrapait au vol et les mettait en pile sur le tarmac. À quelques pas de là, un homme en uniforme blanc – le comité d’accueil – portait sur son bras des colliers de fleurs de tiaré qu’il distribuait aux touristes en cadeau de bienvenue.

L’avion était si minuscule que le pilote n’utilisa pas son micro pour parler à ses passagers. Il sortit du cockpit, ouvrit la porte extérieure et déroula un escalier qui se plaqua contre le flanc de l’appareil avec un bruit métallique.

Source : kobo.com