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" Certains après-midi, nous ne disons rien pendant des heures.
Du reste, ce sont cette immobilité et cette langueur qui, un jour, ont provoqué ma décision d'écrire notre histoire. Car, contemplant Léa murée dans sa nuit personnelle, je me suis rendu compte que, pour le monde extérieur, nous n'étions que des victimes collatérales. Pour cette raison, on nous priait d'être des victimes invisibles et silencieuses. Et j'ai refusé de me résoudre à cette invisibilité, à ce silence." p.203-204
Afficher en entier" La brutalité n'a pas forcément besoin de grands discours ni de grands gestes." p.72
Afficher en entierLéa qui a répliqué de la façon la plus ingénue, donc la plus cruelle : « ça signifie qu’elle ne serait peut-être pas morte, si vous aviez fait votre travail ? ».
Afficher en entier" (Un détail, en passant: le mot "féminicide" est souligné en rouge dans le traitement de texte que j'utilise, comme le sont les mots qui n'appartiennent pas au dictionnaire. En fait, ce n'est pas un détail.)" p.176
Afficher en entier" Et puis sont apparus d'autres signes inquiétants. Quelquefois, alors que nous étions en train de discuter, à table, ou au cours de nos balades au parc, elle se taisait, elle pouvait même s'arrêter au milieu d'une phrase, comme si on avait abaissé un interrupteur, coupé le courant. Et on avait l'impression qu'elle n'était plus du tout avec nous, elle ressemblait à une poupée posée sur une chaise, ou a un automate dont le mécanisme se serait enrayé. Dans ces cas-là, m'a expliqué le psy, elle faisait probablement le noir en elle, pour annuler temporairement la réalité.
Parce que la réalité, c'était une mère au fond d'un trou dans un cimetière et un père dans une cellule. La réalité, c'était que la personne à laquelle elle était le plus attachée avait été tuée, massacrée par la personne qui était supposé incarner la protection. Et on avait beau s'efforcer de fabriquer de la normalité, tous les jours, on n'arriverait jamais à faire disparaitre cette réalité-là." p.159
Afficher en entier" Je n'ai pas pris la parole et Léa non plus. Pourtant, on nous l'avait suggéré, ce serait l'occasion de rendre hommage à notre mère, de dire ce que nous avions sur le cœur et de commencer à laisser partir la disparue, mais nous avons jugé que c'était au-dessus de nos forces; peut-être aussi voulions-nous la garder pour nous. Parler d'elle, c'était la perdre un peu plus." p.142
Afficher en entier" Et puis, sans nous être concertés, cernés par la nuit vaporeuse, nous avons éprouvé; au même moment, le besoin de parler d'elle. Elle, notre mère. Mais d'en parler non plus comme d'une morte, comme d'une femme assassinée, comme d'un sujet d'investigation, non, comme de celle qu'elle avait été pour nous, de son vivant.
Tout à coup, pour tenter de calmer la confusion dans laquelle nous étions plongés, et de mettre, au moins pour quelques instants, la désolation à distance, nous avons eu besoin de nous souvenir, de nous dire: nous avons été heureux avec elle, c'était une femme bien, voilà ce qui devrait subsister, pas le reste, pas les images d'une scène de crime, pas les échos de disputes, pas la perspective d'un long périple judiciaire et d'un deuil interminable." p.107
Afficher en entier" Cette réponse, simple, énoncée sans détour, a aussitôt provoqué un effondrement intérieur. Vous voyez les barres d'immeubles vétustes qu'on fait sauter à l'explosif et qui s'écroulent sur elles-mêmes? Eh bien, c'était ça, cette sensation. Dans le corps." p.91
Afficher en entier" D'emblée, j'ai posé la question que je ne cessais de me poser depuis le coup de téléphone, celle qui me brûlait les lèvres, celle sur laquelle je butais: "Tu sais pourquoi, toi?" Contre toute attente, Léa a tout bonnement délivré le probable mobile du meurtre en quelques mots lapidaires: "Maman avait décidé de repartir." p.87
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"Léa, je dois encore te demander quelque chose..."
La phrase a provoqué une nouvelle déflagration muette.
"D'après ce que tu as entendu, puis vu, d'après ce que tu as perçu, ton père était-il rentré à la maison dans l'intention de tuer ta mère ou c'est la dispute qui a déclenché son acte?
- Quelle différence ça peut faire?
- C'est celle entre un assassin et un meurtrier." p.46-47
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