Extraits

L'appartement silencieux est tout entier sous son joug comme un ennemi qui aurait demandé grâce.

L'appartement silencieux est tout entier sous son joug comme un ennemi qui aurait demandé grâce.

On se sent seul auprès des enfants. Ils se fichent des contours de notre monde. Ils en devinent la dureté, la noirceur mais n'en veulent rien savoir.

Le sang revient sans cesse, elle connait son odeur, le sang que Myriam ne peut lui cacher et qui, chaque mois, signe la mort d'un enfant.

Elle aurait voulu lui faire comprendre ce que ça lui coûtait d'humiliations et d'effort que d'élever une fille comme elle.

Mme Perrin l'avait prévenue, il s'agissait bien d'un tribunal et c'est elle qu'on jugeait. Elle, la mauvaise mère.

Elle voudrait, jusqu'à l'ivresse, se nourrir de leur innocence, de leur enthousiasme. Elle voudrait voir avec leurs yeux quand ils regardent quelque chose pour la première fois, quand ils comprennent la logique d'une mécanique, qu'ils en espèrent l'infinie répétition sans jamais penser, à l'avance, à la lassitude qui viendra.

L'appartement silencieux est tout entier sous son joug comme un ennemi qui aurait demandé grâce.

Elle a l'intime conviction à présent, la conviction brûlante et douloureuse que son bonheur leur appartient. Qu'elle est à eux et qu'ils sont à elle.

Le bébé est mort. Il a suffit de quelques secondes. Le médecin a assuré qu'il n'avait pas souffert. On l'a couché dans une housse grise et on a fait glisser la fermeture éclair sur le corps désarticulé qui flottait au milieu des jouets. La petite, elle, était encore vivante quand les secours sont arrivés. Elle s'est battue comme un fauve.

Louise est seule, comme une idiote. Un goût aigre lui pique la langue, elle a envie de vomir. Les enfants ne sont pas là. Elle marche la tête basse à présent, en larmes. Les enfants sont en vacances. Elle est seule, elle a oublié. Elle se tape le front paniquée.