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Eyaz était un gamin pacifique, intelligent. Un peu rêveur. Assis sur une lune qui n'appartenait qu'à lui.
Afficher en entierSamedi 4 octobre. 6 h 30
Mon jardinier m'a quitté, je lui cherche un remplaçant... Ça me ferait sincèrement plaisir de pouvoir vous aider...
Comment j'ai pu être assez débile pour gober une énormité pareille ?!
Rémy flanque un coup de pied rageur dans un innocent carton qui traîne là. C'est sûr, le jardinier en question doit servir d'engrais aux rosiers ou de nourriture aux carpes du bassin ! Et maintenant, ça va être mon tour ! Je vais y passer.
Ou plutôt, on va y passer.
Il considère avec empathie ses compagnons d'infortune, plus calmes ou résignés que lui.
Cette nuit, ils ont eu tout le loisir de faire connaissance !
Il y a Sarhaan, le grand Black qui vient du Mali et squattait du côté de Sarcelles entre deux chantiers. Eyaz et son frangin Hamzat, sans papiers eux aussi ; des Tchétchènes qui faisaient escale en Belgique à destination de Paris et que leur passeur a offerts en pâture au Lord en échange d'un bon paquet de billets. Qui ne parlent que quelques mots de français, appris à la va-vite en prévision de leur installation dans le pays des Droits de l'homme...
Afficher en entierUn meurtrier dénué de remords ressemble à s'y méprendre à un innocent...
Afficher en entier— N'empêche que tout ça, c'est de ta faute ! s'insurge Gilles. Et t'avais pas à tirer sur la photographe ! C'était pas ce qu'on avait prévu ! On devait juste la choper et lui parler !
— Tu commences à me casser les couilles, petit ! prévient Margon.
Mais le jeune homme reste sourd aux avertissements ; il continue à chatouiller le chef de meute, à le prendre à rebrousse-poil.
— À cause de toi, on a tué un type et on poursuit une pauvre fille ! À cause de toi, on est dans la merde, jusqu'au cou !
Afficher en entier** Extrait offert par Karine Giebel **
Vendredi 3 octobre - 16 h 00
Diane respire.
À fond.
L'impression que cet air pur, froid et sec va embraser ses poumons, comme une allumette sur un fétu de paille séché au soleil.
Elle prend quelques instants pour admirer. Silence irréel, grandiose ; espace immense qui semble infini ; couleurs flamboyantes qui ensanglantent la forêt cévenole.
Elle sourit, ferme les yeux. Elle sera bien, ici, pendant quelques jours. Même si elle est venue pour travailler, ça ressemblera à des vacances. L'avantage d'avoir un boulot passionnant ! Une chance que beaucoup n'ont pas.
Mais Diane n'a pas eu que de la chance, ces derniers temps.
Elle attrape ses bagages dans le coffre de la voiture, se dirige vers le gîte...
Rémy rie respire plus.
Ça pue tellement qu'il préfère éviter.
Il remonte la braguette de son jean, quitte à la va-vite la ruelle coupe-gorge.
Même pas cinquante centimes pour taper l'incruste dans les chiottes de la gare. Dommage. Là-bas, lavabos, savon, PQ ; là-bas, ça empeste bon l'eau de Javel... Mais aujourd'hui, plus une seule pièce dans la poche de son froc.
Il marche d'un pas rapide vers le carrefour le plus proche, son vieux sac à dos sur l'épaule.
Faire la manche ou... se jeter sous les roues d'une bagnole.
Deux options, il n'en voit pas une troisième. À quoi bon continuer ?
Question récurrente. Surtout lorsqu'il faut tendre la main. Rémy déteste ça par-dessus tout. Quel autre choix, pourtant ?
Il s'arrête près d'un feu tricolore - son feu - sort la petite pancarte en carton griffonnée à la main. Un travail ou quelques euros pour ne pas mourir de faim, SVP, merci.
Pour ne pas mourir tout court, devrait-il ajouter en post-scriptum. Tellement de choses qu'il aimerait écrire sur cette pancarte ; un véritable roman. Son histoire, simplement.
Mais qui prendrait la peine de la lire ?
Afficher en entierVue de l'extérieur, en tout cas. Un joli tableau, une belle peinture. À condition de ne pas gratter la surface... De ne pas enlever le vernis qui cache la désolation, l'usurpation. Pourquoi boit-il ?
Afficher en entierIl a découvert un bouquiniste sympa qui lui a filé un ou deux romans. Au début, Sarhaan a lu avec difficulté. Puis avec avidité, dévorant les livres les uns après les autres. Une véritable boulimie. Un insatiable appétit. Ça le faisait voyager, ça lui changeait les idées. C'était beaucoup plus digeste que le fast-food... Beaucoup plus abordable que les Nike.
Afficher en entierDémonstration implacable qui brise les dernières chimères de Rémy. Même s'il a appris la cruauté humaine par la force, il ne peut se résoudre à accepter que ses semblables soient capables de ça. D'une telle horreur. Ses petits camarades, eux, paraissent moins abasourdis. Sans doute ont-ils vécu ou simplement vu des choses si dures qu'ils savent jusqu'où l'humain peut aller.
Afficher en entierIl s'arrête près d'un feu tricolore - son feu - sort la petite pancarte en carton griffonnée à la main. "Un travail ou quelques euros pour ne pas mourir de faim, SVP, merci."
Pour ne pas mourir tout court, devrait-il ajouter en post-scriptum. Tellement de choses qu'il aimerait écrire sur cette pancarte ; un véritable roman. Son histoire, simplement.
Mais qui prendrait le temps de la lire ?
"Un sourire, un regard ou un bonjour, pour ne pas mourir d'indifférence, SVP, merci."
Voilà ce qu'il devrait marquer sur ce pitoyable morceau de carton.
Afficher en entierLe monde est ainsi fait, qui ne changera jamais. Les chasseurs d'un côté, les proies de l'autre.
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