clopinettes

Résumé

La préface de l’album annonce la couleur : ces Clopinettes seraient « l’un des événements marquants du défunt XXe siècle, avec la chute du mur de Berlin et la disparition de l’empire soviétique ». Carrément ! C’est en tout cas ce qu’affirme un certain Laurent Outang, l’auteur de cette préface. Faute d’avoir pu lever le voile quant à l’identité de ce mystérieux monsieur Outang, nous abonderons dans son sens. Et nous dirons même plus : ces Clopinettes sont un bel exemple de cet « humour glacé et sophistiqué » cher à un certain Marcel Gotlib. Justement, reparlons-en, de ce Gotlib. Il est l’un des deux coupables - pardon, auteurs - de cet album, en compagnie de Nikita Mandryka. Ces deux individus sont bien connus de nos services. Une rapide enquête a permis d’établir qu’ils ont commencé à sévir dans la presse au début des années soixante, n’hésitant pas à corrompre notre belle jeunesse avec leurs bandes dessinées. L’un, Mandryka, était (il est toujours, d’ailleurs) l’auteur du Concombre masqué, dont la carrière a débuté dans l’hebdomadaire Vaillant, le futur Pif gadget. C’est à Vaillant qu’il a croisé la route de Marcel Gotlib, qui dessinait à cette époque les aventures quotidiennes du chien Gai-Luron. Gotlib a présenté Mandryka à René Goscinny, le rédacteur en chef de Pilote, qui l’a engagé. Les deux lascars partageaient le goût du calembour et de l’esprit potache, et c’est ainsi que sont nées les Clopinettes, qui ont paru dans Pilote entre 1970 et 1973. Si l’on devait résumer l’affaire en quelques mots, on pourrait dire que les Clopinettes représentent une tentative de repousser toujours plus loin les limites de l’absurde, du calembour et du n’importe quoi. Gotlib était au scénario, Mandryka au dessin, et ils s’en donnaient à cœur joie pour mettre en scène leurs rébus « au pied de la lettre » ou leurs moralités s’amusant à détourner proverbes et dictons. Le but, dans ce dernier cas, consistant à raconter une petite histoire dont la chute ne fait qu’illustrer une maxime bien connue, mais dont seule la sonorité est conservée au détriment du sens. Exemple : « la baffe du crapaud n’atteint pas la blanche colombe », ou « l’amère, qu’on voit danser le long du golf : Claire », allusion à Claire Bretécher et à un ver de la chanson bien connue de Charles Trénet. Enfin, le mieux est encore de se plonger dans Clopinettes pour comprendre la démarche des auteurs : ce genre de plaisanterie ne se raconte pas, elle se lit et se regarde si l’on veut qu’elle soit comprise… Ensuite, Mandryka, Gotlib et Bretécher s’en allèrent fonder, en 1972, L’Echo des Savanes, première expérience de « bande dessinée adulte », comme on disait à l’époque, avant que la gestion hasardeuse de Mandryka, plus à l’aise devant sa table à dessin que derrière une calculette, ne mette un terme prématuré à l’association des trois lascars. Mandryka poursuivra l’expérience, Gotlib partira fonder Fluide glacial en 1975 et Bretécher s’adonnera aux joies de l’auto-édition avec un certain succès. Mais tout cela est une autre histoire… Les relations entre Marcel et Nikita se dégraderont quelque peu au fil des années, jusqu’à une réconciliation dont l’une des conséquences est cette réédition de Clopinettes – qui est d’ailleurs plus qu’une réédition, puisque la version originale est enrichie d’une trentaine de pages supplémentaires, dont une moitié composée de « clopinettes » restées inédites, et l’autre composée de planches spécialement créées pour cet album. Ce qui est une bonne nouvelle, puisque cette collaboration marque le retour de Gotlib à l’écriture, dont il se tenait éloigné depuis plusieurs années. Mais assez parlé : place au rire, au délire et à l’absurde…