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Extrait

Extrait ajouté par magaliB 2018-08-21T23:00:58+02:00

On avait surpris le garçon à commettre un acte répugnant sous les gradins du stade de l’école et on l’avait renvoyé chez lui. Âgé de huit ans, il faisait ça depuis déjà plusieurs années.

Dans un sens, c’était dommage. Il était gentil, ce gosse, et mignon, quoique sans rien d’extraordinaire. D’autres enfants et certains professeurs le trouvaient plutôt sympathique, mais il y en avait aussi qui ne l’aimaient guère. Une fois la nouvelle connue, tout le monde se ligua contre lui. Il s’appelait Horton – Horty – Bluett. Bien entendu, il en prit pour son grade en rentrant chez lui.

Il ouvrit la porte le plus doucement qu’il put, mais ils l’entendirent et le tirèrent au beau milieu du salon. Il y resta planté, tout rouge, la tête basse, une de ses chaussettes retombant sur sa cheville, les bras chargés de ses livres et d’un gant de Baseball.

Pour un gamin de huit ans, c’était un bon receveur. « Je me suis fait renv…

— Nous sommes au courant », le coupa Armand Bluett. C’était un homme osseux qui possédait une petite moustache et des yeux glacés toujours humides. Il se prit la tête dans les mains, puis leva les bras au ciel. « Mon Dieu, gamin, mais qu’est-ce qui t’a pris de faire quelque chose d’aussi écœurant ? » Quoique incroyant, Armand Bluett invoquait le Seigneur chaque fois qu’il se prenait la tête entre les mains, ce qui lui arrivait souvent.

Horty resta muet. Mme Bluett, qui répondait au prénom de Tonta, poussa un soupir et réclama un whisky-soda. Non-fumeuse, quand les mots lui manquaient, il lui fallait un substitut à la pause méditative pendant laquelle on allume sa cigarette. Les mots lui manquant rarement, une bouteille de whisky lui durait six semaines. Armand et Tonta n’étaient pas les véritables parents de Horty. Ceux-ci habitaient à l’étage supérieur, mais les Bluett l’ignoraient. Horton avait la permission d’appeler Armand et Tonta par leurs prénoms.

« Pourrais-je savoir, reprit Armand d’un ton glacial, depuis combien de temps tu te livres à cette répugnante habitude ? Ou c’est peut-être ton coup d’essai ? »

Ils ne le lâcheraient pas, Horty le savait. Le visage d’Armand avait l’expression concentrée qu’il affichait lorsqu’il goûtait du vin et le trouvait d’une qualité aussi exceptionnelle qu’inattendue.

« Ça ne m’est pas arrivé souvent… » Horty attendit la suite.

« Que le Seigneur nous prenne en pitié pour la générosité dont nous avons fait preuve en recueillant ce petit pourceau », dit Armand avec onction, se prenant de nouveau la tête dans les mains.

Horty soupira. Maintenant, pour sûr, ça allait barder. Armand ne manquait jamais de proférer cette prière chaque fois qu’il se fâchait vraiment contre l’enfant. Il alla d’abord préparer un whisky à l’eau pour son épouse.

« Pourquoi as-tu fait ça, Horty ? » Tonta avait la voix plus douce que son mari, mais seulement parce que la nature l’avait dotée de cordes vocales différentes. Son visage exprimait la même impitoyable froideur que celui d’Armand.

« Ma foi… ça m’est passé par la tête. »

Horty déposa ses livres et son gant sur un tabouret. Tonta détourna la tête et émit un son guttural, assez semblable à un hoquet et impossible à transcrire. Armand revint vers elle, tenant à la main un verre où tintait un morceau de glace.

« Jamais je n’ai entendu chose pareille, décrétat-il avec un écrasant mépris. Et toute l’école est au courant, je suppose ?

— Je crois.

— Tes camarades ? Les professeurs aussi ? Évidemment. Quelqu’un t’a dit quelque chose ?

— Le principal. Il m’a dit… dit qu’ils n’avaient…

— Parle, à la fin ! »

Horty était déjà passé par là. Pourquoi, pourquoi fallait-il subir de nouveau cette torture ? « Il a dit que l’école n’était pas faite pour des sauvages… ou des… des petits dégoûtants comme moi.

— Je le comprends ! intervint Tonta d’un air suffisant.

— Et les autres enfants ? Ils n’ont rien dit ?

— Hecky m’a apporté des vers. Et Jimmy m’a appelé “le Tatou”. » Kay Hallowell, elle, avait ri aux éclats, mais Horty ne s’en vanta pas.

« Le Tatou ! Pas mal trouvé pour un gosse ! Un fourmilier. » Une fois de plus, les mains d’Armand se portèrent à son front.

« Mon Dieu, gémit-il, mais de quoi vais-je avoir l’air lundi matin, en arrivant au bureau, si M. Anderson me lance : “Salut, le Tatou !” Cette histoire-là va faire le tour de la ville,aussi s ûr que deux et deux font quatre. » Il fixa Horty d’un regard humide et acéré à la fois. « As-tu l’intention de gagner ta vie plus tard en dévorant des cafards dans les foires ?

— Pas des cafards », rectifia d’un ton mal assuré Horty, mû par un souci d’exactitude scientifique.

« Des fourmis. Des petites brunes. »

Tonta s’étrangla avec son cocktail. « Épargne nous les détails ! protesta-t-elle.

— Mon Dieu ! répéta une fois de plus Armand. Que deviendra cet enfant en grandissant ? » Il mentionna deux éventualités. Horty n’en comprit qu’une, mais l’autre fit sursauter Tonta, qui s’y connaissait pourtant. « File ! »

Horty se dirigea vers l’escalier tandis qu’Armand, exaspéré, se laissait tomber à côté de Tonta.

« J’en ai soupé, déclara-t-il. J’en ai jusque-là ! Depuis le jour où j’ai vu sa sale petite gueule, ce gosse symbolise l’échec. L’un de nous deux est de trop ici. Horton !

— Hein ?

— Reviens ici et emporte tes affaires. Je veux oublier ta présence. »

Veillant à rester hors de portée, Horty s’exécuta.

Il prit ses livres, son gant de base-ball, laissa tomber sa trousse – ce qui arracha à Armand un « Mon Dieu ! » supplémentaire –, la ramassa, faillit lâcher le gant et grimpa enfin l’escalier quatre à quatre.

« Les péchés des pères adoptifs retomberont sur leurs têtes jusqu’à la trente-quatrième génération. Qu’est-ce que j’ai fait au Ciel pour mériter ça ? »

Sans quitter son verre des yeux, Tonta le fit tourner entre ses doigts, tout en esquissant une moue entendue. À une époque, elle s’opposait souvent à Armand. Par la suite, sans tomber d’accordav ec lui, elle avait appris à se taire. Mais à la longue, l’une et l’autre attitudes s’étaient révélées trop fatigantes. Maintenant elle se composait une expression compréhensive et attendait que celle-ci fasse effet sur son époux. Grâce à cette méthode, la vie conjugale devenait beaucoup plus facile.

Une fois dans sa chambre, Horty s’assit sur son lit, les bras encore chargés de ses livres. Il ne ferma pas sa porte : la pièce n’en possédait pas. Pour Armand, la faculté de s’isoler ne valait rien aux enfants. Il n’alluma pas, parce qu’il connaissait cette chambre par cœur ; il aurait pu, les yeux fermés, tout retrouver. Elle ne contenait d’ailleurs pas grand-chose : un lit, une commode, une penderie, une psyché fêlée et un pupitre d’enfant, presque un jouet, trop petit pour lui depuis longtemps.

Dans la penderie, il y avait trois housses de toile cirée bourrées de vêtements dont Tonta ne se servait plus, ce qui ne laissait presque pas de place pour les siens.

Les siens…

Rien dans cette chambre ne lui appartenait réellement.

Si la maison avait comporté une pièce plus petite, on l’y aurait fourré. Il y avait deux chambres d’ami à son étage et une à celui du dessus, toutes trois presque toujours inoccupées. Les habits même qu’il portait n’étaient pas à lui, mais une concession à ce qu’Armand appelait « sa position sociale » ; sans cette « position », des haillons auraient suffi.

Il se leva. Le mouvement lui fit prendre conscience des objets dans ses bras. Il posa le tout sur son lit. Le gant, au moins, lui appartenait.

Il l’avait acheté soixante-quinze cents au magasin de l’Armée du salut. Il avait obtenu la somme nécessaire à force de poireauter au supermarché

de Dempledorff et de porter des paquets – moyennant dix cents la course. Il croyait qu’Armand, qui parlait toujours de la nécessité de se débrouiller et d’apprendre la valeur de l’argent, serait enchanté, mais il avait interdit à Horty de recommencer.

« Mon Dieu ! Les gens vont nous croire réduits à la mendicité. » Le gant constituait donc le seul résultat tangible de cet épisode.

Et tout ce qu’il possédait au monde – avec Junky, bien sûr.

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