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Avec les réformes en cours, une des opportunités d’affaires les plus lucratives était l’immobilier. Dans le passé, quand tous les terrains appartenaient à l’État, les habitants dépendaient des affectations de logement. Chen avait obtenu ainsi un studio par le quota du bureau. Mais au début des années quatre-vingt-dix, le gouvernement avait commencé à vendre à des entreprises. Peng était l’un des premiers et des plus puissants promoteurs. Comme les prix et l’attribution des terrains étaient décidés par des dignitaires du Parti, la corruption planait autour des opérations comme un essaim de mouches assoiffées de sang. Grâce à ses relations, Peng avait obtenu l’accord du gouvernement pour son projet Bloc 9 Ouest. Les vieilles constructions devaient y être démolies et Peng avait chassé les résidents. Ceux-ci n’avaient pas tardé à se plaindre des lacunes dans cet accord, et un scandale avait éclaté.
Afficher en entierL’inspecteur principal Chen Cao, de la police criminelle, fut tiré de son rêve par un coup de téléphone matinal.
Il décrocha en se frottant les yeux et vit que le réveil sur la table de nuit indiquait sept heures et demie. Il s’était couché tard pour écrire une lettre à une amie de Pékin. La citation d’un poète de la dynastie des Tang l’avait aidé à exprimer ce qu’il éprouvait des difficultés à dire avec ses propres mots. Puis il s’était égaré, encore pénétré du poème, dans un rêve de saules indifférents le long d’une rive déserte, dans une légère brume verte.
« Allô, ici Zhong Baoguo, du Comité de réforme du système judiciaire de Shanghai. Vous êtes le camarade inspecteur principal Chen ? »
Chen s’assit. Cette commission, nouvelle institution du Congrès du peuple de Shanghai, n’exerçait aucune autorité directe sur lui, et Zhong, son supérieur dans la hiérarchie des cadres du Parti, ne l’avait encore jamais contacté, encore moins lui avait-il téléphoné chez lui.
Les fragments du rêve ombragé de saules s’effacèrent rapidement.
Afficher en entierSon jogging changeait aussi. Autrefois, quand il courait dans la solitude sous les étoiles, avec juste quelques véhicules à l’horizon, Huang avait aimé sentir le pouls de la ville l’accompagner. Désormais, à cette heure matinale, il sentait la présence des voitures, qui klaxonnaient même parfois, et une grue s’élevait sur un nouveau chantier de construction à une rue de là. On annonçait un complexe résidentiel de luxe pour les « nouveaux riches ».
Et non loin, sa vieille maison shikumen(1) où il avait habité avec une douzaine de familles ouvrières, allait être remplacée par une tour commerciale. Les résidents seraient bientôt relogés à Pudong, autrefois terres agricoles à l’est du Huangpu. Il n’était plus possible de courir dans cette rue familière du centre de la ville. Ni de déguster un bol de soupe au soja servi au Restaurant de l’Ouvrier et du Paysan du coin de la rue. La soupe fumante parfumée à la ciboule, avec de la crevette séchée, de la pâte frite hachée et de l’algue violette, une soupe délicieuse à cinq fens seulement. Cet endroit bon marché, recommandé autrefois « pour son dévouement à la classe ouvrière », avait disparu et cédé la place à un Starbucks Coffee.
Afficher en entierL’haleine du maître ouvrier Huang, un des lève-tôt de Shanghai qui courait dans la rue de Huaihai Ouest, se transformait en buée sous les étoiles pâlissantes. Cet homme de soixante-cinq ans environ avait encore une foulée vigoureuse, même s’il essuyait son front en sueur. En fin de compte, la santé est plus précieuse que tout le reste, pensa-t-il fièrement. Que pouvaient représenter pour les Messieurs Gros-Sous maladifs tout l’or et l’argent amoncelés dans leur arrière-cour ?
En ces années quatre-vingt-dix où la transformation matérialiste balayait la ville, un ouvrier retraité tel que Huang n’avait guère d’autre motif de fierté pendant qu’il faisait son jogging.
Huang avait connu des jours meilleurs. Ouvrier modèle dans les années soixante, membre de l’équipe de propagande de la pensée de Mao Zedong pendant la Révolution culturelle, membre d’un comité de surveillance de quartier dans les années quatre-vingt, il avait été, en résumé, un « maître ouvrier » de la classe prolétaire politiquement glorieuse.
Afficher en entierToi et moi brûlons l'un pour l'autre, comme perdus dans le four du potier.
D'une poignée de glaise, forme un toi, forme en moi. Réduis-nous de nouveau en glaise, ajoute de l'eau, reforme un toi, reforme un moi.
Afin que tu sois dans mon corps et moi dans le tien.
Guan Daosehen, poétesse du XIIIe siècle
Afficher en entierIl prit d'autres ouvrages de référence en songeant aux superstitions qui entouraient l'aspect sexuel de l'amour dans la Chine ancienne. D'après ses souvenirs, les taoïstes s'opposaient à l'acte sexuel, ou plus exactement à l'éjaculation, considérant qu'elle privait l'homme de son essence.
Afficher en entierConfucius : "Il y a des choses qu'un homme peut faire, et d'autres qu'il ne peut pas faire."
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