Extraits

Je ne me suis pas éclipsée, je ne suis pas passée de l'autre côté du miroir, je suis morte. C'est mon karma, mon destin, on ne peut pas revenir là-dessus. Toi tu dois vivre.

Je suis veuf, pas gâteux, Cyrian. C'est ta mère qui s'est éclipsée, moi je suis encore là. Alors ne parle pas en mon nom.Compris?

Je m'appelle Joseph, tu m'appelais Jo. C'est moi au premier rang dans l'église, avec des yeux rougis, le caban et le pull turquoise posé sur les épaules. Tu disais que les lys avaient un parfum à réveiller les morts, j'aurais dû t'en acheter. Tu avais un sens de l'amour mais un sens de l'humour pire que le mien. Notre vie, tu l'as passée à me faire des blagues nulles. Je n'arrive pas à admettre qu'une femme lumineuse comme toi s'est éteinte. Il y a forcément un piège. Je vais tomber dedans quand ?

Tu croyais au Dieu de ton père, je crois au Dieu des marins. Il m'a lâché, je fais naufrage sur le plancher des vaches, je me noie de chagrin sans avoir pris la mer.

Je connais le nombre à deux chiffres de nos années passées ensemble. Je sais le nombre à mille chiffres de nos éclats de rire.

« On ne sait pas de quoi on meurt, mais on peut décider comment on vit. »

Je n'irai pas à la messe de minuit. C'est mon premier Noël sans toi, Lou, je suis paumé. On ne fait pas d'études pour devenir veuf, on se jette à l'eau et on boit la tasse.

La vie se construit comme un oignon, par couches successives.

Le miroir se fendille. Sa robe trop serrée est vulgaire. Elle a un bouton d'herpès au coin de la lèvre. Son bronzage est artificiel. Elle n'aime ni les enfants, ni les dessins à la craie, ni les chiens, ni les oiseaux. Elle n'aime qu'elle.

Je dois vider ta chambre qu'une famille attend avec impatience. Les maisons de retraite sont comme les rentes viagères : le malheur des uns fait le bonheur des autres.