Extraits

Cher Lili,

Avant tout, tu dois savoir que je t'aime. Garde bien ça à l'esprit pendant que tu liras cette lettre...

Je m'appelle Luke Henry et nous sortons ensemble depuis mon arrivée à Méridian, en octobre. Pour une raison qui nous échappe encore, tu n'as aucun souvenir futur de moi, mais j'aimerais avoir l'occasion de découvrir pourquoi.

A l'heure qu'il est, tu es très en colère contre moi, et ce à juste titre. Je ne t'avais jamais dit que nous nous étions déjà rencontrés, il y a longtemps. Nous allions au même centre aéré quand nous étions petits. Tu me fascinais , redevenant jour après jour mon amie, alors que tu n'avais aucuns souvenirs de moi. A l'époque, je n'avais encore jamais regardé une fille, tu étais la première. Comme tu es la première que j'aime.

Samedi, après la soirée du lycée, je suis tombé sur les mémos dont tu te servais pour ne pas m'oublier et je t'ai avoué la vérité. Tu avais raison de dire que je t'ai menti. Je suis désolé, Lili, tout ce que je demande, c'est une chance de me racheter. J'ignore pourquoi j'ai gardé ça pour moi. Peut-être avais-je peur que tu me prennes pour un fou, obsédé par toi. Peut-être espérais-je que tu finirais par te réveiller et te rappeler qui je suis.

Ca n'est pas arrivé, mais, Lili, nous étions heureux ensemble. Je ne veux pas te perdre. J'ai commis une grosse erreur, mais j'espère que tu pourras au moins envisager de me pardonner. Parce que, comme je l'écrivais au début de ma lettre, je t'aime, Lili Lane. Et je t'aimerai toujours.

Luke

" - Mmmm ... Attend une seconde, Lili.

Il récupère son portable sur la table de nuit, puis, libérant le bras coincé sous ma nuque , tape un message à toute vitesse, qu'il envoie aussitôt. A peine une seconde plus tard, mon téléphone se met à vibrer, m'avertissant que j'ai reçu un nouveau texto.

- Qu'est-ce que tu as écrit ?

- Que le garçon qui dort dans ton placard est ton petit copain. Qu'il t'aime et qu'il te racontera tout ce qui est arrivés hier soir. "

P.206

Mémo du dimanche 30 janvier

Tenue:

-jean délavé

-sweat-shirt rouge

Lycée:

-penser à prendre mon livre pour le cours de littérature

-relire mes d'espagnol avant le contrôle

-acheter un manuel de préparation au SAT

Important:

-Jamie: refuse toujours de m'adresser la parole. Solliciter son aide pour retrouver mon père (relire les anciens mémos et étudier le contenu de la grande enveloppe dans le tiroir du bureau). Réfléchir aussi au moyen de mettre un terme à son histoire d'amour glauque.

-Maman: voir la grande enveloppe évoquée ci-dessus.

-Luke: PETIT COPAIN CANONISSIME! [...] Ah oui: il conduit un minibus, ne pas s'étonner.

- Je me demandais comment tu faisais, finit-il par lâcher.

- Comment je faisais quoi ? dis-je, complètement decontenancée.

- Comment tu te souvenais de moi, cette fois...C'est vrai, j'ai réussi à te coincer une ou deux fois, en parlant d'un truc que tu avais oublié, mais la plupart du temps, tu semblais...normale. Tu semblais me reconnaître.

J'écarquille les yeux : il est au courant. Luke est au courant. L'espace d'une seconde, j'en éprouve presque du soulagement. Je n'ai pas à travailler autant, je n'ai pas...Stop! Luke sait ? Alors, je comprends.

Depuis quatre mois, le garçon qui se tient devant moi me ment. Il ne vaut pas mieux que ma mère. Y a-t-il une seule personne honnête dans ma vie ? Le soulagement a cédé le pas à la fureur : mes épaules s'affaissent, le sang me monte à la tête, mes oreilles se mettent à bourdonner. Mes coeur tambourine, j'ai du mal à parler.

Je me rappelle le futur.

Je me rappelle le futur et j'oublie le passé.

Mes souvenirs, mauvais, ennuyeux ou bons, restent à vivre. Ainsi, que ça me plaise ou non - et je peux vous dire que ça me plaît pas -, je me souviendrai de cette scène dans le cimetière jusqu'au jour où je la vivrai, de ces silhouettes noires entourées de pierres tombales jusqu'au jour où je me trouverai parmi elles. Je me souviendrai de l'enterrement jusqu'à ce qu'il ait lieu...jusqu'à ce que quelqu'un meure.

Et après, je l'oublierai.

" Je passe le reste du cours à essayer de me défendre du mieux possible pendant ce " jeu " cruel , qui devrait être interdit dans tous les lycées du monde. Il se résume en deux mots : souffrance et humiliation.

Il explique cet avertissement dans mon mémo - avoir l'oeil dès le début du cours de gym. C'est l'enfer sur terre. C'est la balle aux prisonniers. "

P.136

" Pour moi, lire c'est se souvenir. "

P.230

Une vague question me titille : quelle heure est-il ? La question flotte, puis file, chassée par une pensée beaucoup plus merveilleuse ... Je crois que je suis en train de tomber amoureuse. Non,j'en ai la certitude. Je suis tombée amoureuse de Luke.

Je ferme les paupières pour apprécier cette nouvelle pendant une seconde. Pendant quelques secondes. Pendant un long moment.

Oh, non ... oh, non ! Non non non non non !!!

Impossible ! Quelque part dans le tréfons de ma conscience, je réalise que je me suis assoupie. Je plonde dans les recoins de mon esprit endormi à la recherche du mémo que j'ai oublié de rédiger. Il n'est pas dans mon sommeil, il ne sera pas là à monr éveille.

Il n'y a rien de noté.

Il n'y aura pas de souvenir.

Luke aura disparu.

— On dirait qu’on se connaît depuis un moment, non ?

— Mmm... mmm... marmonné-je en me rapprochant de la tiédeur de son épaule.

— J’ai une théorie, tu veux l’entendre ? demande-t-il en s’inclinant lentement vers moi.

Une lueur malicieuse brille dans ses yeux, comme s’il avait un secret à partager.

— Oui, s’il te plaît.

— La réincarnation.

— La réincarnation ?

— Ouais, tu connais le concept, non ?

— Bien sûr, je ne suis pas débile. Mais quel rapport avec nous ?

— Eh bien, ma théorie, c’est que nous avons été mariés dans une vie antérieure. J’étais sans doute un grand roi et toi ma reine, et nous avons été tués par le peuple.

Je le taquine :

— On les a mis en colère à ce point ?

Luke éclate de rire.

— D’accord, oublions ça. On avait peut-être une vie banale, autrefois.

— Et autrelieu.

— Ce mot n’existe pas, réplique-t-il, décontenancé. — Je sais, je viens de l’inventer. Continue.

— D’accord, très bien, alors on était mariés autrelieu et on est morts, disons de mort naturelle. Pourtant notre amour était si fort que nos âmes se retrouvent quelle que soit la forme que prennent nos corps.

— Tu es hindou ou quoi ?

Je fais comme si je ne me sentais pas bouleversée par sa magnifique théorie.

— Non, j’étais catholique. Mais je suivais un cours de religion dans mon précédent lycée, où on nous exposait les différentes croyances. Et, à mon sens, la réincarnation est un excellent concept.

— Si tu es catholique, tu ne devrais pas plutôt croire au paradis et à l’enfer, tout ça ?

— J’ai dit que j’ai été catholique.

— Pas de paradis, alors, hein ?

— Comment savoir tant qu’on n’en a pas fait l’expérience ? À mon avis, le paradis et la réincarnation sont des moyens de nous rassurer sur ce qui arrive à l’âme des morts. J’espère qu’au moins l’une des deux théories est vraie. Je n’aime pas l’idée de servir de repas aux vers de terre. — Je n’aime pas penser à la mort, moi non plus.

Un silence assourdissant tombe sur l’habitacle, jusqu’à ce que Luke le brise.

— On n’est sans doute pas censés aborder ce sujet avant le troisième rendez-vous..

" - Je ne supporte pas de rester loin de toi, chuchote-il lorsqu'il reprend son souffle "

P.199