Extraits

— Je ne t’ai jamais simplement associé à ta marque.

Eli leva les yeux vers lui, mais ne répondit pas, et Daniel fit un pas vers lui.

— Jamais.

— La plupart des gens ne me voient pas du tout.

Je te vois. Daniel tendit la main et passa un doigt sur la cicatrice et le long de la pommette d’Eli.

Eli regarda Daniel, se demandant si Talon laisserait passer le ton de son partenaire. La remarque était raisonnable cependant, même si Daniel ne l’avait pas formulée comme une question.

Talon acquiesça, puis observa Eli avant de s’adresser à Daniel.

— Je veux des rapports. Je veux des nouvelles de l’un de vous toutes les deux heures jusqu’à ce que vous rentriez.

Daniel fixa Talon dans les yeux.

— Bien sûr.

La testostérone était si palpable dans l’air ambiant qu’on aurait dit de la glu.

Eli indiqua brièvement son visage.

— C’est ce que je suis.

— Non, contra Daniel en secouant la tête avec véhémence. C’est comme dire qu’une barbe me définit. Une marque sur ton visage ne détermine pas la personne que tu es.

Il sourit.

— Ça te rend seulement encore plus incroyable.

La haine. Elle brûlait si vivement. Le gardait en vie quand il aspirait à la mort. Et pour chaque son discordant qu’il connaissait, certains si vils qu’ils étaient seulement à peine chuchotés, la haine grondait comme le tonnerre.

Ce soir, elle serait assourdissante.

Eli se réchauffa sous le regard intense de Daniel et ce qu’impliquaient ses paroles. Il recommença à badigeonner les steaks avant de les mettre dans la poêle. Cela voulait-il dire qu’il était toujours intéressé ? Qu’ils seraient ensemble au lit ce soir ? Son pouls s’accéléra. Peut-être n’avait-il pas tout gâché ?

Il était attiré par Daniel, et le peu de séances de thérapie auxquelles il avait fini par assister lui avait appris que ce n’était pas toujours un sentiment purement sexuel. Eli savait que la force et la fiabilité étaient des sources d’excitation plus importantes qu’une paire de fesses bien moulées dans un jean, ou de larges épaules avec des bras forts qui vous enlaceraient pour vous protéger.

- Je ne serais pas bon pour lui.

- Pourquoi ? demanda Jonathan d'une voix douce.

- Parce que je ne suis bon pour personne.

- On vous a placé dans une situation qui n'était pas de votre fait, avec des professionnels qui auraient dû faire preuve de plus de discernement.

Il ne semblait pas avoir besoin d'une réponse à cette déclaration-ci.

- Et pour une raison quelconque, vous pensez que vous le méritiez.

Eli retint son souffle et sa gorge se noua. Il regarda le sol. Il y avait un LEGO rouge caché juste derrière le pied de la table. S'il se baissait, il pourrait le ramasser, mais il semblait incapable de bouger.

- Nous allons nous voir chaque semaine, décréta Jonathan. Vous allez me garder sur le droit chemin afin que je ne cède pas à la tentation du sucre, et je vais vous convaincre de vous pardonner.

Eli leva les yeux, surpris.

- Ce n'était pas ma faute.

- Bien, dit Jonathan. Dès que vous y croirez, mon travail sera terminé.

« Et le pire, c’était que dans ses rêves d’une autre vie, Daniel aurait été exactement le genre d’homme qui l’aurait attiré. »

Une fois au parking, Daniel se dirigea vers sa place de stationnement réservée et Eli hésita, puis s’arrêta. Souriant intérieurement, il le regarda par-dessus son épaule.

— C’est la mienne. Ils l’ont livrée cet après-midi.

Il déverrouilla la BMW à distance et ouvrit la portière côté conducteur. Il se glissa à l’intérieur et inspira l’odeur de cuir.

Eli monta en silence.

— Je n’arrive pas à décider si j’ai besoin d’un 4x4 géant pour rivaliser avec Talon, déclara Daniel sur un ton taquin. Eli ricana.

— Il te faudrait un véhicule blindé, pour ça.

Daniel contempla Eli. Il était endormi. De longs cils ombraient ses joues pâles, et sa poitrine se soulevait de façon régulière. Les cernes appuyés sous ses yeux avaient presque disparu, et Daniel en ressentit une certaine satisfaction. Il aimait à penser qu’il avait aidé Eli à démarrer le processus de guérison de son esprit également. Il savait qu’il avait un long chemin à parcourir, et il n’était pas vaniteux au point de penser que parce qu’Eli s’était accordé un peu de plaisir, c’était un tournant. Peut-être un premier pas sur la bonne voie ? Il l’ignorait. Ce qu’il savait, en revanche, c’était qu’Eli lui avait catégoriquement déclaré qu’il partirait dès que l’affaire avec Caffrey serait close, et s’il le faisait, qu’allait-il advenir d’eux deux ? Y avait-il même un « eux deux » ?

Est-ce que je veux qu’il y ait un « nous deux » ?

Mais Daniel connaissait la réponse avant même de s’être posé la question. Eli n’était pas un coup temporaire. Il avait plus de bagages que la soute d’un 747 ne pouvait en contenir, et il ne pouvait pas s’attendre à ce qu’Eli les déballe avec lui avant de lui demander ensuite de partir.