Extraits

Tant qu'il ne frappe pas chez vous, le malheur ne concerne que les autres.

Parfois les yeux voient ce que le cœur veut voir.

-Le climat s'emballe. Tout s'accélère, commenta Lasko en glissant une capsule recyclable de thé vert dans le compartiment de la machine. Entre les canicules, les froids polaires et l'intensité des tempêtes et des ouragans, la nature se rappelle à nous depuis quelques décennies.

- A échelle individuelle, j'ai un sentiment d'impuissance, soupira Eva.

La nourrice avait prié sa mère de garder la chambre. La pauvre femme n'était pas au courant de toute l'affaire et sa fille préférait l'épargner, même si elle oubliait d'un jour à l'autre ce qu'elle avait entendu. Le travail de la mémoire chez les malades d'Alzheimer demeurait un mystère. Il s'opérait un véritable tri, selon l'affect et les émotions que tel ou tel évènement pouvait déclencher. Un jour sa grand-mère n'allait pas reconnaître Ange, et le lendemain elle l'appellerait par son prénom.

Ce n'était pas la vue des os qui l'ébranlait, mais l'idée de ce que la victime avait pu endurer dans son corps et dans son âme. Ces arbres proches avaient été les témoins silencieux de l'immonde. En gardaient-ils les vibrations malsaines dans leurs fibres et leur sève ? S'ils avaient pu parler...

Ses lectures l’aidaient à prendre du recul et à porter un autre regard sur l’humain. Mais surtout,elles l’aidaient à accepter une chose : le fait que face à n’importe quelle situation, face à ses choix, à la maladie et à sa propre fin, l’être humain est seul, désespérément seul.

"Ces mots, tout en pensant : J'ai l'air triste de quelqu'un qui est parfois triste d'appartenir à cette espèce dite humaine. Oui, j'ai l'air de quelqu'un qui, depuis sa petite enfance, baigne dans la noirceur de l'âme humaine, qui combat le Mal."

Dans cette neige qui danse, elle voit une métaphore de la vie. Une formation,la naissance , un parcours , la trajectoire et la façon dont il tombe, puis la dissolution ou la fonte , la mort.

Le repas fut simple, mais le chili était tellement bon qu’un silence religieux occupa une partie du dîner. Personne n’osait aborder le sujet sensible. L’ombre de Lieserl planait sous l’éclairage du plafonnier à ampoule économique.

Entre deux gorgées de vin, Lasko mâchait pensivement sa bouchée de haricots rouges et de bœuf haché à la sauce pimentée. Le plat était succulent, mais il n’arrivait pas vraiment à se régaler. Les deux femmes, le nez dans leur assiette, lui jetaient des regards tour à tour, se demandant avec angoisse à quel moment il se déciderait à les interroger.

Profitant de ce que Demy allait dans la cuisine pour rapporter plat et assiettes, Joe posa enfin son regard sur Ange. Toujours silencieux, il s’attarda sur elle quelques instants qui parurent à la jeune fille une éternité.

— Je sais que tu n’es pas responsable de ce qui s’est passé, Ange, commença-t-il d’une voix frémissante qu’il essayait de rendre la plus douce possible, mais je t’en ai voulu et je t’en veux encore, sans doute. Depuis le 7 janvier, ma vie est un point d’interrogation. Encore aujourd’hui je me demande comment ça a pu arriver. Comment as-tu pu détacher tes yeux de Lieserl, même dix secondes? Que s’est-il passé à cet instant, au point de te détourner de l’enfant dont tu avais la garde ? Je ne veux pas te faire la morale, mais ces questions m’assaillent sans répit. Es-tu prête à y répondre, ou du moins à essayer ?

Il n'y a que dans l'obscurité qu'on voit plus clair au fond de soi.