Hummm Chabal...

POURQUOI CHABAL ET NON PAS RIEN ?

«Papa, tu vas voir Chabal ? Tu pourras lui demander si c'est vrai qu'il mange des moutons entiers.»

C'est une réflexion de ma fille, Lou, un matin alors que je partais interviewer Sébastien Chabal.

Mais quel est donc ce sportif devenu ainsi un personnage populaire qui appartient aux cours d'école et aux conversations de bistrot ? Chabal a intégré le langage commun, côtoie Obélix et le croque-mitaine dans l'imaginaire collectif. C'est une aventure singulière, presque unique dans l'univers du sport. Il y a eu Poulidor, c'est vrai, qui représentait le perdant magnifique, le sublime second. On se souvient également des Forçats de la route, ces coureurs du Tour de France contés par Albert Londres, Moitessier fuyant la compagnie des hommes, quelques rares personnages comme ça qui ont franchi les limites du sport pour se retrouver images d'Épinal, allégorie contemporaine. Car, au fond, de quoi Chabal est-il le nom ? Que signifie en creux l'irruption dans le paysage sportif de ce rugbyman qui, jusqu'à cette fin de carrière, avait certes connu quelques faits glorieux mais n'avait jamais fait chavirer les foules comme ont pu le faire dans l'histoire de ce sport Michel Vannier, Lucien Mias, Walter Spanghero, André Boniface, Jo Maso, Jean-Pierre Rives ou Serge Blanco.

Chabal ne sera jamais un immense joueur de rugby, mais Chabal est un joueur hors normes. Un joueur à nul autre pareil. Dans le sport de haut niveau, ce sont ces individus de rupture qui marquent les imaginations. Et lui, fort de cet extravagant potentiel physique, associé à cette apparence d'un temps immémorial, a fracassé les canons de son sport pour s'installer non pas dans la légende de celui-ci, mais dans le quotidien du peuple.

Chabal se situe en effet au-delà du seul joueur de rugby, il est une mythologie moderne telle que Roland Barthes l'aurait définie au même titre que la Citroën DS, l'abbé Pierre ou le steak-frites.

Aussi, il nous est apparu évident qu'il fallait essayer de comprendre à la fois qui il était vraiment et ce qu'il représentait. Car forcément, en remontant le fil de son existence, en allant déterrer ses racines, en allant voir qui étaient ses voisins, ses frères d'armes d'adolescence, en pénétrant dans l'usine où il a fraisé des engrenages, en interrogeant son frêle mais jubilatoire passé de rugbyman au coeur du Valentinois, on devait mettre à jour, par effet de miroir, les ressorts de son immense popularité. Pourquoi les gens adhèrent-ils ainsi à cette carcasse hirsute ? Pourquoi frissonnent-ils au passage de ce colosse rustique et subtil ? Bougon mais tendre.