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— Evan, soupirai-je dans le combiné en lançant un regard mauvais à Kade. Comment vas-tu ?
À l’autre bout du fil, mon ex se racla maladroitement la gorge.
— Tu as ma voiture.
— Je te demande pardon ?
Le temps que je comprenne le sens exact de ses mots, je relevais lentement les yeux vers Kade.
— Qui c’est ? demanda-t-il, l’air faussement innocent, alors que je venais de prononcer le nom d’Evan.
— Tu m’as très bien entendu, répondit Evan. Tu as ma voiture.
— De quelle voiture tu parles ? demandai-je en fusillant Kade du regard.
Il me lança un sourire diabolique. J’étais prêt à l’étrangler.
— T’es content de toi ? chuchotai-je furieusement, en couvrant le téléphone pour qu’Evan n’entende pas.
Il hocha la tête avec enthousiasme. Il avait l’air de bien s’amuser.
— La voiture dans laquelle tu es probablement assis en ce moment, ajouta Evan, celle que ton criminel de partenaire a volée dans mon garage ce matin. C’est de cette voiture dont je parle, Joseph.
— Je ne vois pas du tout de quoi tu…
— Ne me prends pas pour un imbécile. Tu sais très bien de quoi je parle, m’interrompit Evan, clairement exaspéré.
— Je… Quoi ? Non.
Je lançai un regard paniqué à Kade, qui se contenta de me rire au nez.
Afficher en entierFais-toi plaisir, mais il est hors de question que Joe couche avec toi simplement parce que tu lui as rendu service.
— Oh pour l’amour du ciel, m’exclamai-je, horrifié.
Declan se pencha vers moi, l’air complètement ahuri.
— Tu te prostitues en plus du travail de détective privé ?
— C’est complètement ridicule, soupirai-je, exaspéré, en laissant tomber ma tête contre le mur et en fermant les yeux pour ignorer l’humiliation sans nom de ce moment.
— Comment ça, ridicule ? me demanda Kade en fronçant les sourcils.
— Il veut juste m’emmener dîner ! expliquai-je, à bout de nerfs.
Afficher en entier— Mais bien sûr, ricana-t-il en haussant un sourcil.
— Tu te souviens de ce que tu viens juste de dire au sujet de ma cuisine ? rétorquai-je d’une voix sèche.
— De quoi tu parles ?
— Tout à l’heure, quand on rentrera et que l’odeur du rôti que j’ai mis dans la mijoteuse te chatouillera les narines, je veux que tu te souviennes du ton condescendant sur lequel tu viens de me parler, parce que tu peux être sûr d’une chose : tu n’en auras pas un seul morceau.
Sur ces mots, je sortis de la voiture en claquant la porte derrière moi.
— Quoi ? Non, attends ! s’exclama-t-il, outré, en se disputant avec la poignée de la portière conducteur pour sortir à son tour et me rejoindre.
Afficher en entier— Tout ne va pas « bien se passer ».
Même Starsky et Hutch trouveraient cette voiture trop flashy ! Un long silence s’étira entre nous, puis Kade se tourna lentement vers moi en fronçant les sourcils, l’air confus.
— Starsky et Hutch ? C’est qui ces deux-là ?
— Dis-moi que tu plaisantes.
— On est censés les connaître ?
— Kade, si c’est une blague, ce n’est pas drôle.
— Mais de quoi tu parles ? demanda-t-il, complètement perdu. — Est-ce que tu es en train de me dire que tu n’as aucune idée de qui sont Starsky et Hutch ?
— Pourquoi ? Ils sont connus ? Ce sont des gars avec lesquels tu travaillais avant de me rencontrer ?
— Ce sont des personnages d’une série télé.
— Qui passe en ce moment ?
— Non, une série des années soixante-dix.
Il écarquilla grand les yeux.
— Tu te souviens que je suis né en 1988 ? Comme si les deux ans qui nous séparaient faisaient de moi un fossile.
— Comment tu veux que je connaisse une série aussi vieille ?
— C’était l’histoire de deux flics, et ils conduisaient une voiture très voyante.
Il grimaça, comme si cette conversation était physiquement douloureuse à tenir pour lui.
— Comme dans beaucoup de séries policières, regarde Miami Vice.
— Miami Vice ? C’est presque aussi vieux que…
— Ça passait à la télé quand j’étais petit, ça, au moins.
— Quand tu étais petit ? Mais quel âge tu crois que j’ai ? demandai-je, indigné.
Il éclata de rire.
— Espèce de crétin, marmonnai-je en soupirant.
Afficher en entierKade tangua sur le côté, comme s'il perdait l'équilibre. Mais c'était bien plus que son équilibre qu'il était en train de perdre, c'était sa foi.
Plus d'écrans de fumée, plus de faux-semblants, il ne restait que la vérité nue. Leland Vaughn était le dernier lien de Kade avec la police, il l'aidait à se sentir utile, il le cajolait depuis des années, manipulait sa confiance. Je me souvenais d'avoir entendu Kade se disputer avec l'un de ses frères au téléphone, et lui demander : « Si je suis tellement un raté, comment ça se fait que Vaughn a confiance en moi ? » C'était son seul argument, sa seule défense, et à présent, elle n'existait plus. Il aurait sans doute moins souffert si Vaughn lui avait littéralement planté un couteau dans le dos.
Au lieu de ça, il avait ruiné l'âme presque tout entière de Kade, l'avait brisée.
Presque. Il restait encore cette part en lui qui m'appartenait. La part qu'il m'avait confiée et que je gardais férocement. Je n'étais peut-être pas un modèle de vertu, mais j'étais son roc, son garde-fou, et jamais, jamais, je ne l'abandonnerais. J'en étais physiquement incapable. J'étais prêt à tout pour lui. J'étais prêt à attendre qu'il se relève de cette épreuve et qu'il guérisse, peu importe le temps que ça prendrait, Je fis alors la seule chose qui me semblait logique : je jetai mes bras autour de son cou et le serrai contre moi de toutes mes forces.
Il ne me rendit pas mon étreinte. Il se contenta de rester immobile entre mes bras, et de respirer. Je sentais les soubresauts de ses épaules, secouées par les sanglots, comme des électrochocs de douleur, mais à aucun moment il ne chercha à se dégager. Il me laissa l'étreindre, tandis que, pour la deuxième fois de sa vie, son monde tout entier était bouleversé.
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