L'Aventurier des Étoiles, tome 1 : Les Vents de Gath

Il s'éveilla en comptant les secondes, tandis qu'il s'élevait à travers d'interminables couches d'ébène glacé vers la chaleur, la lumière et une conscience grandissante. A trente-deux, les Courants de Foucault lui avaient rendu une température normale. A cinquante-huit, son cœur se mit à battre par ses propres moyens. A soixante-treize, le pulmotor cessa d'assister ses poumons. A deux cent quinze, le couvercle s'ouvrit avec un sifflement pneumatique.

Étendu, il goutait l'euphorie de la résurrection. C'était toujours le même, ce sentiment de bien~être. A chaque fois qu'il se réveillait, montait en lui cette allégresse d'avoir forcé la chance – une fois de plus. Le corps lui démangeait de vie après le long sommeil pendant lequel il avait pu guérir de ses petits maux. Les drogues de réanimation stimulaient son imagination. C'était agréable d'être allongé, les yeux fermés, perdu dans le plaisir de l'instant.

« ça va ? »

La voix était aiguë, anxieuse, elle rompait le charme. Dumarest soupira et ouvrit les yeux. La lumière était trop vive. Il leva une main pour protéger son visage, l'abaissa comme si quelque chose arrêtait la clarté. Benson le regardait, debout au pied de la cellule de vie suspendue, maintenant ouverte. Il était tel que Dumarest se le rappelait, un petit homme au visage ridé, avec une frange de barbe soignée et des cheveux noirs bien lisses ; mais de combien devait-on vieillir avant que cela se voie ?

« Tu t'en es sorti », reprit le manutentionnaire. Il avait l'air content. « Je ne prévoyais pas d'ennuis mais, pendant une minute,là, je me suis quand même fait du souci. » Il se pencha en avant, sa tête occultant davantage la lumière. « Tu es sûr que ça va ? »

Dumarest acquiesça de la tête, se sentant du même coup, et à contrecœur, le besoin de remuer. Il avança les mains, s'agrippa aux rebords du sarcophage et se redressa lentement. Son corps était comme il s'y attendait, nu, d'un blanc décoloré, la peau tendue sur les os saillants. Avec précaution, il fit jouer ses muscles, gonfla sa cage thoracique. Il avait perdu de la graisse mais pas grand-chose d'autre. Il était encore engourdi, ce dont il se félicitait, d'ailleurs.

« Je n'en ai pas encore perdu un seul ! » se vanta le manutentionnaire. « C'est pour ça que je me faisais du souci. Mon tableau est vierge et je veux qu'il le reste. »

Il ne le resterait pas, bien sur. Benson était encore un novice à ce jeu. Qu'on lui en laisse le temps, et il deviendrait moins consciencieux, un peu plus de temps encore et il se ferait négligent ; finalement, il s'en ficherait complètement. Arrivés à ce point, certains trouveraient même malin de couper les anesthésiques et de regarder un pauvre diable hurler de douleur à s'en arracher la gorge sous le supplice infligé par le rétablissement de la circulation.

« J'oubliais ! » s'excusa-t-il soudain. Il lui tendit une tasse pleine d'eau salée. Dumarest la but, rendit la tasse.

— « Merci. » Sa voix était grêle, un peu rouillée. Il déglutit et fit une nouvelle tentative. Cette fois, cela ressemblait plus à sa voix normale. « Si tu me donnais un peu de basique ? »