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Chassant la libellule de son esprit, elle traversa l’allée d’un bond et se fraya un chemin autour du lac aussi discrètement que possible, évitant la pelouse et les ouvriers jardiniers qui s’égaillaient près de l’endroit d’où l’on tirerait le feu d’artifice, complexe machinerie, et restant dans l’ombre jusqu’à ce qu’elle parvienne au Jardin secret. Elle s’installa sur les marches ensoleillées de la vieille fontaine et posa le panier à ses pieds. C’était l’endroit idéal pour guetter le bon moment, se dit-elle. Elle était protégée des regards par la haie d’aubépine et pouvait, de son côté, espionner la nouvelle jetée par les trouées du feuillage.
Afficher en entierIl fallait le reconnaître, le temps était parfait. Alice ne pouvait s’empêcher de fredonner un petit air tout en arpentant l’allée pavée. Le panier était déjà à moitié plein, bien qu’elle fût encore loin des prairies où abondaient les fleurs des champs : c’était là qu’on trouvait les plus jolies fleurs, les plus surprenantes aussi, bien plus intéressantes que ces premières de la classe, prétentieuses et banales. Mais Alice prenait son temps. Elle avait passé la matinée à éviter sa mère, attendant l’heure du déjeuner de M. Harris et l’opportunité de voir Ben en tête à tête. « J’ai quelque chose pour toi », lui avait-il confié la dernière fois qu’ils s’étaient vus.
Afficher en entierLe sourire s’élargit sur le visage de la jeune fille avant qu’elle puisse le réprimer. Oh, joie délectable, scintillant de mille étoiles ! Il se tenait sur la petite île au centre du lac, un énorme rondin en équilibre sur l’épaule. Elle leva la main pour le saluer, sans réfléchir – allons donc, à quoi pensait-elle ! Il ne regardait pas dans sa direction. Et si tel avait été le cas, il se serait bien gardé de répondre à son salut. Ils savaient tous les deux qu’il leur fallait rester prudents.
Afficher en entierLa lune était masquée par les nuages – bonne fortune qu’elle ne méritait pas ; elle poursuivit sa route dans les ténèbres épaisses aussi promptement qu’elle le pouvait. Elle était venue creuser le trou plus tôt dans la journée : mais ce n’était que maintenant, sous le couvert de la nuit, qu’elle pourrait finir le travail. La pluie hérissait la surface du ruisseau à truites et tambourinait sans relâche sur les berges. Dans les fougères, tout près, un mouvement vif se fit sentir ; elle ne s’en émut pas et continua sa course. Elle parcourait les bois depuis sa plus tendre enfance et connaissait les lieux comme sa poche.
Afficher en entierLes pauvres, lui avait dit son père autrefois, souffrent peut-être de la misère : les riches, eux, doivent se confronter à leur propre inutilité et il n'y a rien de pire que l'oisiveté pour vous ronger l'âme.
Cornouailles, 25 juin 1933
Afficher en entierue n'aurait-elle donné pour connaître ce réconfort primordial : se savoir comprise ! Cela n'avait rien à voir avec les fées de son enfance. Il s'agissait là d'une vérité essentielle. L'amour comme fait accompli, jaillissant naturellement entre deux personnes, plutôt qu'un arrangement mutuellement profitable entre deux partis bien accordés.
Cornouailles, 25 juin 1933
Afficher en entierEtait-ce donc cela l'amour ? Ce sinistre marché ? On enfile une belle robe, un beau costume, on se peint un masque sur le visage, on esquisse de pas savants et des conversations bien écrites ?
Cornouailles, 25 juin 1933
Afficher en entierElle montra à sa cousine tous les endroits qu'elle aimait. Le ruisseau à truites dans la forêt, le méandre, dans lequel l'eau soudain devenait si profonde, et le plus haut des arbres, du faîte duquel on pouvait voir, dans le lointain, le squelette noirci du grand manoir.
Cornouailles, 25 juin 1933
Afficher en entier(...) -le passé la heurtait de plein fouet comme une vague qui se serait retirée depuis si longtemps, et que la marée relâchait enfin. (...), secret qui s'était fait culpabilité et ne cessait depuis de la ronger.
6. Londres, 2003
Afficher en entier(...), Alice s'était soudain sentie assaillie par des souvenirs venus des tréfonds de son être : l'odeur de la vase de la rivière, l'infime cliquètement des insectes aquatiques alentour, tandis que M. Llewellyn et la petite fille qu'elle avait été dérivaient en barque au fil du courant en parlant de leurs histoires préférées.
6. Londres, 2003
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