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- Ah, la propriété des Edevane, dit Louise d'un voix douce. Loeanneth.
Ce nom avait lorsqu'on le prononçait la douceur magique de nombre de vocables de Cornouailles.
Sadie ne put s'empêcher de se rappeler la curieuse sensation qui lui avait donnée les insectes, comme si la maison était un être vivant.
-Loeanneth, répéta-t-elle
-Le mot signifie « la maison du lac ».
-Oui...
Afficher en entierLa surface du lac, gris ardoise, avait une lueur énigmatique; Sadie, soudain, eut l'impression, plus que justifiée, d'être une intruse. Il n'était pas facile d'en expliquer la cause : mais tandis qu'elle rebroussait chemin et se glissait entre les ifs pour se mettre à courir après les chiens, jusqu'à la maison, elle sut à la crispation qui nouait son ventre - née d'un instinct qu'il valait mieux posséder quand on était inspecteur de police -, que cette maison avait été le théâtre d'un terrible drame.
Afficher en entierAlice n'y comprenait plus rien. Lui, elle? Mais qui était cette elle? Clemmie? Comment ce qui s'était passé dans le hangar à bateaux entre Alice et Ben avait-il pu mettre Papa dans un tel état que Déborah s'était convaincue qu'il pouvait faire du mal à Théo -son fils chéri?
Afficher en entier"Vivant de surcroît à Loeanneth, maison riche de sa propre histoire ; ils devaient fatalement construire leurs propres vies comme des romans. Y manquait pourtant toujours un chapitre, le même, que personne n’avait jamais raconté." (p 495).
Afficher en entier"Les libellules n’imaginent pas une seconde qu’elles puissent prévoir l’avenir. Elles volent de-ci, de-là, prenant plaisir à la caresse du soleil sur leurs ailes." (p 203).
Afficher en entierUn étroit torrent traversait, éternel, le domaine, jouissant un bref moment à cet endroit du soleil avant de repartir sans retour possible vers les bois ombreux. Un pont de pierre, hérité d’un grand-oncle ou arrière-grand-oncle qui n’était plus de ce monde depuis bien longtemps, reliait les berges ; de là, on accédait à Loeanneth. L’inconnu s’immobilisa devant le petit pont. Il se retourna lentement vers le chemin qu’il venait de parcourir et lança un regard vers – sa main ? Un bout de papier, peut-être ? Ou était-ce un effet de lumière ? Il y avait dans l’inclinaison de sa tête, dans le long regard dont il enveloppait les bois obscurs comme une résolution. Alice plissa les yeux. Elle était écrivain, elle comprenait les gens. Elle était sensible aux symptômes de l’incertitude, de la fragilité. Qu’était-ce donc qui le faisait hésiter, ce bel inconnu, et pourquoi ? Il se retourna de nouveau, complétant le cercle qu’il avait entamé, levant la main à son front et parcourant du regard l’allée bordée de chardons, du pont jusqu’à la demeure devant laquelle les ifs montaient la garde, fidèles au poste. Il s’immobilisa un long moment – respirait-il même ? – puis, sous la surveillance d’Alice, posa son sac et son veston, rajusta ses bretelles et poussa un lourd soupir.
Afficher en entierLeur première rencontre remontait déjà à presque un an. Il était arrivé à Loeanneth à la fin de l’été 1932, pendant cette longue période de sécheresse qui, succédant à l’excitation intense de la fête du Solstice, ne laissait rien d’autre à faire que s’abandonner à la chaleur soporifique du moment. Un esprit divin de sereine indolence était descendu sur les habitants du domaine, si bien que même Mère, enceinte de huit mois, le teint glorieusement rose, avait défait les boutons de perle des manchettes de son chemisier de soie, puis les avait roulées jusqu’aux coudes.
Afficher en entierElle se balançait paresseusement depuis presque une heure, sans même remarquer l’hémorragie d’encre dont son stylo-plume flambant neuf était en train de souiller sa robe de coton blanc, lorsqu’il apparut, passant des ténèbres des sous-bois à l’allée inondée de soleil. Il portait un sac de marin en toile sur l’épaule avec, à la main, ce qui semblait être un veston ; il marchait d’un pas régulier, puissant, dont le rythme fit qu’Alice ralentit son balancement. La corde rugueuse lui grattant la joue, elle le vit avancer à travers les branchages tombants du saule pleureur.
Afficher en entierCe souvenir la fit sourire. Elle plongea la main dans sa poche et caressa la surface lisse de son carnet relié cuir. Habitude qu’elle avait gardée de son enfance et qui rendait sa mère folle depuis des années – depuis le huitième anniversaire d’Alice, à l’occasion duquel elle avait reçu son tout premier carnet. Comme elle l’avait aimé, ce petit carnet à la couverture d’un brun chaud ! C’était tellement bien vu, ce cadeau, de la part de Papa. Lui aussi, avait-il précisé avec une gravité qu’Alice avait admirée et appréciée à sa juste valeur, lui aussi tenait un journal. Alice avait écrit son nom en entier lentement, soigneusement, sous l’œil attentif de Mère : Alice Cecilia Edevane, sur la petite ligne sépia imprimée sur la page de garde. Ce simple geste lui avait immédiatement donné l’impression d’être plus concrète, plus pleine.
Afficher en entierAlice Edevane n’était pas timide. Des garçons, elle en avait déjà fréquenté. Peu, il est vrai – à l’exception de leur grande fête d’été, ses parents étaient d’une réserve notoire, privilégiant leur couple à la fréquentation du monde extérieur. Alice cependant avait déjà pu en de rares occasions échanger des regards subreptices avec des garçons du village ou avec les fils des fermiers du domaine, qui, casquette tirée sur le front, yeux baissés, suivaient les pérégrinations de leurs pères. Mais cela… non, cela, c’était autre chose, tout simplement. Elle savait bien de quoi avait l’air ce genre d’affirmation extatique : d’une folle déclaration à la Deborah, sa grande sœur. Alice n’y pouvait rien : c’était vraiment ça. Vraiment autre chose.
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